Changement climatique : Les épisodes de pollution à l’ozone risquent-ils de s’accentuer ?
ATMOSPHERE•Découvrez, chaque jour, une analyse de notre partenaire The Conversation. Ce jeudi, un ingénieur confirme qu’il faut (vite) que l’humanité réduise les gaz à effet de serre20 Minutes avec The Conversation
L'essentiel
- Les vagues de chaleur et les sécheresses induites par le changement climatique contribuent à la formation des pics d’ozone, selon notre partenaire The Conversation.
- Au contraire de la couche d’ozone stratosphérique au-dessus de 10 kilomètres d’altitude qui nous protège des rayons ultraviolets, l’ozone « de surface » peut être délétère pour la santé humaine.
- Cette analyse a été menée par Augustin Colette, responsable de l’unité « Modélisation atmosphérique et Cartographie environnementale » de l’Ineris.
La pollution à l’ozone est responsable de 17.000 morts par an en Europe selon l’Agence européenne de l’environnement. Et la situation empirera à l’avenir car les vagues de chaleur et les sécheresses induites par le changement climatique contribuent à la formation des pics d’ozone.
Au contraire de la couche d’ozone stratosphérique au-dessus de 10 kilomètres d’altitude qui nous protège des rayons ultraviolets, l’ozone « de surface » peut être délétère pour la santé humaine. En 2019, les concentrations d’ozone ne respectaient l’objectif de long terme défini dans les directives européennes que sur 12 % des sites de mesure.
L’ozone est un gaz oxydant qui a aussi un effet notable sur la végétation car les plantes l’absorbent dans certaines conditions environnementales, ce qui affecte – entre autres – les rendements agricoles. En 2019, la perte de rendement de blé en Europe se chiffre à 5 %, soit une perte économique de l’ordre de 1,5 milliard d’euros.
Quand et où ont lieu les pics de pollution à l’ozone ?
L’ozone est un polluant qui a la particularité de ne pas être émis directement par les activités humaines : ce sont ses précurseurs, d’autres gaz comme le méthane, les composés organiques volatils (dits « COV ») et les oxydes d’azotes (les « NOx »), qui sont, eux, émis par nos activités.
L’ozone est ensuite formé dans l’atmosphère dans des conditions météorologiques particulières : fortes températures et fort ensoleillement. Or de telles conditions météorologiques sont justement amenées à devenir plus fréquentes à l’avenir. Et l’été 2022 est venu le rappeler douloureusement avec 111 dépassements du seuil d’information constatés, et plus de 140 procédures préfectorales enclenchées pour atténuer ces pics.
Lorsque les conditions météorologiques propices à la formation d’ozone sont réunies, une chaîne de réactions chimiques complexes se met en place. Le rôle important de l’ensoleillement (qui déclenche la chaîne, en commençant par la photodissociation des oxydes d’azote) fait que le maximum de production d’ozone a lieu quotidiennement en début d’après-midi, tandis que la cinétique chimique provoque généralement des pics de concentration en aval des grandes villes où se concentrent les sources d’émission des précurseurs.
On trouvera donc en majorité les épisodes d’ozone l’été, l’après-midi, en périphérie des grandes villes.
À l’inverse, d’autres mécanismes chimiques peuvent réduire les concentrations d’ozone. Elles prédominent l’hiver, la nuit, et à proximité des sources d’émissions. On constatera donc un cycle diurne et saisonnier d’ozone prononcé, avec aussi – ce qui peut paraître paradoxal – des concentrations plus faibles à l’intérieur des grandes villes qu’à leur périphérie.
Une fois formé, l’ozone peut demeurer plusieurs jours dans l’atmosphère. Il va alors quitter les basses couches de l’atmosphère (tout au plus quelques centaines de mètres d’altitude), et on parlera alors d’ozone « troposphérique » (entre la surface et la stratosphère, soit environ 10 kilomètres d’altitude). C’est cette fraction de l’ozone qui contribuera alors de manière très significative à la pollution transfrontière, avec par exemple certains panaches d’ozone formés sur le nord-est des États-Unis transportés jusqu’en Europe.
Modélisation de l’ozone de surface sur l’hémisphère nord. L’ozone est formé sur les régions polluées chaque jour en début d’après-midi, mais une fois formé il peut être transporté sur de longues distances, contribuant ainsi à la pollution transfrontière (Source : Ineris)
En quoi le changement climatique affecte-t-il les épisodes d’ozone ?
En conduisant à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur, le changement climatique conduira à l’avenir à renforcer les conditions propices à la formation d’épisodes de pollution à l’ozone puisque les mécanismes photochimiques de formation d’ozone sont favorisés pendant les périodes de forte chaleur et de fort ensoleillement. Il s’agit là du facteur dominant qui conduit à une augmentation nette des concentrations futures d’ozone sur les zones continentales visibles sur la cartographie ci-dessous qui affectera l’exposition des populations et des écosystèmes terrestres.
On note cependant toute une série d’autres mécanismes qu’il faut prendre en compte. Il y a sur la même cartographie des baisses de concentration d’ozone sur les zones maritimes qui sont imputables à l’augmentation attendue de l’humidité relative dans un climat plus chaud.
Mais l’effet du changement climatique ne se limite pas à la formation de l’ozone. Celui-ci influe aussi sur les émissions de composés chimiques précurseurs de l’ozone, tels que les composés organiques volatils d’origine biotique, c’est-à-dire émis par la végétation. À tel point que ces émissions naturelles vont compenser les efforts consacrés à la réduction des émissions de COV et de NOₓ liées aux activités humaines.
Les plantes absorbent l’ozone, mais pas toujours
Le rôle futur de la végétation dans le cycle de formation de l’ozone demeure un sujet de recherche important.
En effet, la hausse des températures en été favorise les émissions de précurseurs de l’ozone (les composés organiques volatils) par les plantes. Mais en période de sécheresse, ces émissions sont réduites du fait du stress hydrique subi par la végétation. Par ailleurs, l’augmentation des concentrations ambiantes de CO2 pourrait aussi agir comme facteur limitant de l’augmentation des émissions de composés organiques volatils par la végétation.
À ces émissions de précurseurs d’ozone par la végétation biologiquement active, il faut aussi ajouter les feux de forêt (qui seront aussi renforcés par le changement climatique) qui affectent essentiellement la qualité de l’air à cause des particules fines, mais aussi en émettant d’autres gaz précurseurs d’ozone.
Le méthane contribue aussi largement à la formation de l’ozone, et lui aussi est émis à la fois par les activités humaines et par la biosphère en étant présent dans des réserves (permafrost et zones humides) qui pourraient être libérées sous l’effet du réchauffement.
On a dit plus haut que l’ozone affectait les rendements agricoles. C’est parce que les plantes absorbent l’ozone via leurs stomates, ce mécanisme constitue un « puits végétal » qui fait baisser les concentrations d’ozone atmosphérique. Mais ce « puits » disparaît dans des conditions de sécheresse, ou de « stress hydrique », car les plantes ferment leurs stomates et absorbent moins d’ozone. On a donc une rétroaction qui fait monter les concentrations d’ozone.
Les modèles pour quantifier les futures concentrations en ozone
Nous venons de brosser un paysage particulièrement complexe de réactions chimiques et de processus biologiques évoluant sous l’effet du changement climatique. Afin d’évaluer l’impact net sur la pollution à l’ozone, la recherche mobilise des modèles numériques du climat et de la chimie atmosphérique. Il devient ainsi possible de quantifier l’augmentation future des concentrations d’ozone à laquelle on peut s’attendre d’ici la fin du siècle.
Les estimations récentes indiquent que le changement climatique induirait une augmentation de la concentration en ozone de surface de l’ordre de 5 microgrammes par mètres cubes d’ici la fin du siècle dans la majeure partie de l’Europe, soit environ 10 % d’augmentation.
Cet impact est donc tout à fait majeur lorsqu’on le met en regard des tendances récentes. En effet, grâce à des efforts substantiels consacrés depuis les années 2000 à la réduction de précurseurs anthropiques (entre 30 et 50 % pour les NOx et les COV), une baisse de l’ordre de 10 % des pics d’ozone a été constatée en Europe.
Dans cet article, nous nous sommes focalisés sur l’effet du changement climatique et son impact sur les mécanismes environnementaux de formation et destruction d’ozone. Mais il ne faudrait pas oublier les polluants anthropiques qui continuent à poser un certain nombre de défis à la recherche, notamment pour construire les outils d’aide à la décision les plus pertinents au niveau local, national, européen, voire international. L’écart entre les réductions de précurseurs anthropiques (30 à 50 %) et la réduction des pics d’ozone constatées sur le terrain (10 %) depuis vingt ans illustre bien ce défi.
NOTRE DOSSIER « OZONE »
L’augmentation attendue des épisodes de pollution à l’ozone sous l’effet du changement climatique viendra compenser les efforts de réduction d’émission de polluants, ce qui ne fait que souligner le besoin de s’engager vers des mesures de réduction ambitieuses à la fois pour les précurseurs de polluants et pour les gaz à effet de serre.
Cette analyse a été rédigée par Augustin Colette, responsable de l'unité « Modélisation atmosphérique et Cartographie environnementale » de l'Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques (Ineris).
L’article original a été publié sur le site de The Conversation.
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