POLLUTIONQuelles seraient les conséquences d’une interdiction des jets à Nice ?

Côte d’Azur : Si les vols en jets privés étaient interdits, quelles seraient les conséquences pour leur première destination en Europe ?

POLLUTIONCet été, plusieurs comptes Twitter ont exposé les émissions de CO2 des trajets des milliardaires en jet privé, dont l’une des destinations préférées en Europe est l’aéroport de Nice
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • En un mois, les six avions des plus grandes fortunes françaises ont émis 520 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions d’un Français moyen pendant plus de 50 ans.
  • Face à ce constat, plusieurs élus ont réagi, dont Julien Bayou (EELV) en proposant de bannir les jets.
  • Quelles seraient les conséquences d’une telle loi pour la Côte d’Azur, l’une des premières destinations d’Europe de cette aviation ?

C’est un sujet qui a beaucoup fait parler cet été, notamment sur les réseaux sociaux. Des comptes Twitter comme Celebrity Jets, de l’autre côté de l’Atlantique, à I’Fly Bernard en ce qui concerne l’Hexagone, ont été créés pour exposer les émissions de CO2 des trajets des milliardaires en jet privé. Grâce à ces données, on sait désormais qu’en un mois, les six avions des plus grandes fortunes françaises ont émis 520 tonnes de CO2, soit l’équivalent des émissions d’un Français moyen pendant plus de 50 ans.

Ces résultats ont fait réagir, notamment du côté des élus. Julien Bayou, député EELV, a affirmé dans Libération qu’il était temps de « bannir les jets privés » avant d’annoncer qu’il déposerait une proposition de loi à l’automne en ce sens, avec un projet commun entre la Nupes et le Modem. Et si cette loi obtenait une hypothétique majorité ? Quelles seraient les conséquences pour la Côte d’Azur, première destination de cette aviation en Europe, particulièrement l’été, d’après PrivateFly, une plateforme internationale de réservation de jets privés.

Les aéroports de la Côte d’Azur, « le poids » des événements

De tous les vols effectués en Europe, 8 % sont des privés. Et Nice est la première destination, notamment en période estivale où le nombre de vols triple, selon l’ONG Transport et environnement. D’après Adam Twidell, PDG de la plateforme internationale de réservation de jets, cela s’expliquerait par la volonté de ses clients de se rendre au Festival de Cannes et au Grand Prix de Monaco, « les deux évènements en Europe qui attirent le plus grand nombre de jets privés ».

Sur son site, il est précisé que la popularité (pas seulement pour les affaires mais également pour les loisirs) de Nice s’explique également par « le climat doux, l’excellente gastronomie et l’environnement luxueux de la Côte d’Azur » qui séduisent donc « des vacanciers venant des quatre coins du monde » du printemps à l’automne.

Et d’après le rapport annuel d’activité 2021 des aéroports de la Côte d’Azur, le trafic de l’aviation d’affaires à Nice correspond à 37.000 mouvements (décollage ou atterrissage) sur l’année, soit 100 quotidiennement. Pour Cannes, ce sont 13.000 mouvements.

Près de 1.400 euros de dépense par jour

Le trafic de cette aviation est donc important, car plus de 40 % des mouvements aériens à l’aéroport de Nice en 2021 ont été effectués par des jets privés, toujours d’après le même rapport. Il y est noté que l’embellie de l’année 2021 sur l’année 2020 (+ 40% de mouvements au total) sur les plateformes « profite à l’ensemble de [du] territoire, d’autant que, comme le révèle [une] étude sur les retombées économiques générées par [les] aéroports de Nice et Cannes, les passagers des jets privés sont les touristes apportant la plus haute contribution à l’économie locale ».

Effectivement, en dépensant « en moyenne 1.390 euros par jour et par personne » (il y a eu 58.000 passagers en 2019), ce sont « plusieurs centaines de millions d’euros qui sont venus nourrir l’économie locale », est-il écrit ensuite. Un voyageur d’aviation commerciale régulière dépense quant à lui en moyenne 127 euros par jour.

Sollicité par 20 Minutes, l’aéroport de Nice n’a pas souhaité s’exprimer davantage, notamment sur les conséquences directes d’une éventuelle perte du trafic de ces jets privés.

« Un pôle économique majeur » face à une « transition égalitaire »

D’une manière générale, les aéroports de la Côte d’Azur ont donc un poids dans l’économie locale. Au total, les retombées économiques liées aux passagers des aéroports Nice Côte d’Azur et Cannes Mandelieu étaient estimées, en 2019, à « 82.490 emplois et 4,4 milliards d’euros de PIB ». Ce qui profite à la plupart des secteurs d’activité de la région.

Cet argument « économique et lié à l’emploi », Airy Chrétien, membre du Collectif citoyens 06, ne veut pas l’entendre. « On nous rabâche tout le temps que ça fait vivre le territoire, s’exclame-t-il. Mais si on continue de polluer comme ça, il n’y aura plus rien à faire vivre : on n’aura plus de territoire. Même le business n’existera plus avec la montée des eaux ».

Il ajoute : « On bat des records de nuits tropicales, de sécheresse. Il faut réagir à ce qui va arriver au lieu de penser à une extension de l’aéroport et augmentation du trafic, notamment de 3 ou 4 fois plus au niveau du tourisme d’affaires. Il faut dès à présent anticiper. Et particulièrement en ce qui concerne les emplois. On peut faire migrer ceux qui existent dans ce secteur vers d’autres métiers. »

Pour lui, « la vraie transition ne commencera que lorsqu’il y aura un semblant d’égalité pour tout le monde ». Il conclut : « Avec les jets, même s’ils ne représentent "que" 2 % des émissions de CO2 dans le monde, c’est qu’il y a un problème d’exemplarité. Comment voulez-vous qu’à Nice, où un cinquième de la population vit sous le seuil de pauvreté, on puisse accepter de ne plus rouler en voiture où l’on veut en imposant des ZFE (Zones à faible émission) alors que 40 % des vols privés, qui appartiennent à des milliardaires, partent à vide pour aller les chercher ? »