FAKE OFFOui, 1% des personnes sont à l’origine de 50% des émissions de l’aviation

Transport aérien : Oui, 1 % des personnes sont à l’origine de 50 % des émissions mondiales de l’aviation

FAKE OFFSi la statistique paraît exagérée, elle a bel et bien été avancée par un rapport de l'ONG Transport et environnement en 2021
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Les transports aériens sont de plus en plus discutés pour leur empreinte environnementale.
  • Les jets privés font encore plus polémique et 1 % des personnes seraient à l’origine de 50 % des émissions mondiales de l’aviation.
  • Si ce chiffre paraît gonflé, il a bien été calculé par des universitaires et publié dans un précédent rapport en 2021 par l’ONG Transport et environnement.

Edit du 23 août 2022 : le titre a été modifié, car il manquait de précision

« Il est temps de bannir les jets privés ». C’est l’appel lancé par le secrétaire national d’Europe Ecologie Les Verts, Julien Bayou, ce samedi, sur Twitter. « Comment demander des efforts à la population, comment imaginer une transition juste, si les plus riches sont complètement exonérés de tout ? », questionnait-il même dans un entretien accordé à nos confrères de Libération, le 19 août.

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En effet, les différentes données qui ressortent ces dernières semaines sur l'usage des vols privés font froid dans le dos. D’abord, il y a eu l’explosion du compte @Iflybernard qui révélait tous les vols des jets dont les propriétaires ne sont autres que… les milliardaires Bernard Arnault ou François-Henri Pinault. Mais pas seulement. D’autres statistiques ont mis en lumière la surreprésentation de ces jets dans les chiffres globaux du trafic aérien. En France, un avion sur dix qui décolle est un jet privé. Pourtant, ils rejetteraient dix fois plus qu’un avion classique. Un chiffre ressort également ces derniers jours : 1% des personnes seraient à l'origine de 50 % des émissions mondiales de l'aviation. Mais d’où vient cette donnée et est-elle fiable ? 20 Minutes fait le point.

FAKE OFF

50 %… le chiffre paraît astronomique. Pourtant, cette donnée a bien été révélée dans un rapport publié en mai 2021 par l'ONG européenne Transports et environnement - qui cherche à promouvoir une politique de transport et d’accessibilité fondée sur les principes du développement durable. « Seulement 1 % des personnes sont à l’origine de 50 % des émissions mondiales de l’aviation », expliquaient à l’époque les auteurs de cette étude. Comme l'explique l'organisation, auprès de 20 Minutes, la statistique est tirée d'une étude antérieure, publiée en novembre 2020 dans un numéro de « Changement environnemental global ».

Dans son étude, Transport et environnement ajoute que la surreprésentation de ces vols privés a une conséquence disproportionnée par rapport aux vols commerciaux. L’ONG explique qu’en une heure, un seul jet privé peut émettre deux tonnes de CO2. En comparaison, le bilan carbone d’un Européen lambda est de 8,2 tonnes par an. Toujours d’après le rapport, les jets privés sont « 5 à 14 fois plus polluants que les avions commerciaux (par passager) et 50 fois plus polluants que les trains ».

Des avions vides

En plus d’être plus polluants, l’étude de l’ONG Transport et environnement indique que les jets privés voyagent souvent à vide, ou avec très peu de passagers (4,7 personnes en moyenne). Par ailleurs, comme l’avait déjà signalé le compte@IflyBernard, les avions privés sont utilisés la plupart du temps pour des distances très courtes. Selon l’étude, la moitié des vols privés couvrent des trajets de moins de 500 kilomètres. En comparaison, la même part pour les vols commerciaux ne dépasse pas un quart.


Le souci, selon l’étude, c’est que ce constat ne devrait pas aller en s’arrangeant. Entre 2005 et 2019, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 31 % pour les vols privés, contre 25 % pour les vols commerciaux européens (ce qui n’est déjà pas négligeable). « Si cette tendance continue, les émissions des vols privés en 2050 auront doublé par rapport aux données de 2010 », s’inquiète l’ONG Transport et environnement.

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De pire en pire ?

D’autant que la crise sanitaire du Covid-19 pourrait aggraver cette tendance. « La crise sanitaire a convaincu de nouveaux clients à se tourner vers les vols privés », soulignent les auteurs, qui citent l’exemple d’une des compagnies spécialisées GlobeAir. Entre 2019 et l’été 2020, la compagnie a augmenté ses ventes de 11,3 %. Une étude de marché, citée par l’ONG, montre même que le milieu des jets privés pourrait exploser de 50 % entre 2020 et 2030.

Ainsi, lors de la publication de son étude, l’ONG Transport et environnement demandait que les entreprises et les particuliers s’engagent à réduire « substantiellement l’utilisation des jets privés ». Elle proposait également, à horizon 2030, une taxe sur les billets et le carburant sur les jets privés « pour tenir compte de leur impact disproportionné sur le climat ».

Peu de données

Reste une question : l’ONG Transport et environnement est-elle complètement neutre en publiant ces données ou a-t-elle des intérêts à représenter ? En réalité, si peu de statistiques existent, l’EBAA - l’Association européenne de l’aviation d’affaires - publie, chaque mois, un rapport sur les données de toute l’industrie. Le constat est simple et similaire à l’étude : on remarque ces dernières années une hausse significative des jets privés par rapport aux vols commerciaux. Seulement, aucune trace des émissions de CO2 émises n’est rapportée dans ces études.

Les statistiques de l'EBAA dans son rapport de juillet 2022
Les statistiques de l'EBAA dans son rapport de juillet 2022 - EBAA

D’où viennent donc les données de Transport et environnement ? D’après la méthodologie de l’enquête, l’ONG a sélectionné les compagnies les plus utilisées en Europe, qu’ils s’agissent de vols commerciaux ou privés. Puis avec l’outil EuroControl Master - qui calcule le nombre d’émission de CO2 par vol - ils ont pu extraire le bilan carbone de chaque vol, en prenant en compte le nombre de passagers. Pour ce qui est des analyses appliquées sur l’aviation privée, les données ont été fournies l’EBAA, explique l’ONG. Cependant, les données des avions privés ne comptent pas seulement les vols en jet privé. On compte également dans cette catégorie les avions militaires et ambulances, dont les données ne peuvent pas être exclues.

Des propositions à venir

Des mesures seront-elles prises dans les années à venir en France ?Dans un entretien au Parisen, le ministre délégué chargé des Transport Clément Beaune a appelé ce week-end « à agir et réguler les vols en jet privé ». Des propositions sont annoncées pour la rentrée, dans le cadre du « Plan sobriété » mis en place par le gouvernement. Mais pour le moment, rien de bien concret.

De son côté, le patron des écologistes Julien Bayou a assuré dans les colonnes de Libération que « les pistes ne manquaient pas » pour interdire à l’avenir les jets privés. « Demander un petit péage aux multimillionnaires détenteurs de jet ne va rien changer. Un passager de jet privé émet 10 fois plus que celui d’un avion de ligne. Pour réparer cette injustice, il faut leur interdiction pure et simple », a-t-il même répondu au gouvernement sur son compte Twitter.