Incendie en Bretagne : Miracle ? Au milieu de la désolation, la chapelle Saint-Michel a tenu bon
BONTE DIVINE•Perchée en haut du mont Saint-Michel de Brasparts, la chapelle a été épargnée par les flammes qui ont pourtant ravagé tout ce qui se trouvait autour de l’édifice religieux dans les Monts d’Arrée (Finistère)Camille Allain
L'essentiel
- Dans les Monts d’Arrée, plus de 1.700 hectares de landes sont partis en fumée, ravagés par un important incendie qui serait d’origine humaine.
- Au milieu de la végétation calcinée, la chapelle Saint-Michel de Brasparts a été épargnée par les flammes.
- Déjà très connu des Bretons, l’édifice est devenu le symbole de la résistance et du combat des pompiers face aux flammes.
«On ne voyait rien à cause des fumées. Il a fallu qu’on s’en approche pour voir qu’elle avait été épargnée. Je me doutais qu’elle était encore debout mais j’avais besoin de la voir, de la toucher ». Mickaël Louédec a été l’un des premiers à approcher la chapelle Saint-Michel de Brasparts. Au milieu d’un décor de désolation, le journaliste d’Ouest-France a pris quelques photos de l’édifice intact. La gorge serrée, le nez saturé par les fumées, le natif du Finistère reconnaît avoir vécu « un gros choc » lorsqu’il s’est approché de la rescapée.
Là, au milieu d’une végétation carbonisée, l’édifice religieux est resté debout, pas même noirci par les flammes qui sont venues le lécher. « C’était saisissant de la voir alors que tous les Monts d’Arrée étaient calcinés. Quand on vient ici, normalement c’est pour souffler, s’oxygéner. Et là, on pouvait à peine respirer », ajoute le journaliste.
Certains osent parler d’un miracle. Quand on observe les photos prises par les drones qui ont survolé la zone, on peut se dire qu’on n’en est pas loin. Encerclée par un incendie qui serait probablement d’origine humaine – peut-être même criminel –, la chapelle construite en 1674 a tenu bon.
Pour le père Le Borgne, « elle ne risquait rien »
Les chrétiens croient-ils au fameux miracle ? « Absolument pas », tranche le pourtant très croyant père Christian Le Borgne. Le curé de la paroisse de Châteaulin n’est « pas étonné » qu’elle ait été épargnée. « Elle est érigée tout en haut, sur un socle de pierre sans aucune végétation, elle ne risquait rien », assure-t-il. L’homme d’Église oublie peut-être qu’une simple braise envolée aurait pu ravager la charpente en bois. Abasourdi par la disparition des landes du massif armoricain, le curé reconnaît que depuis lundi, il pleure chaque jour au son de la voix de Youenn Gwernig, chanteur breton qui a loué la gloire de Sant-Mikael (Saint-Michel en breton).
Protégée par les pompiers, épargnée par les vents, la chapelle Saint-Michel est restée perchée sur son mont à plus de 380 mètres de haut. En bravant le feu, celle qui était déjà un emblème est devenue le symbole de la résistance d’un territoire ravagé par les flammes. « C’est l’un des biens iconiques de la Bretagne, l’une des chapelles les plus connues de par sa situation géographique. Elle est dominante, hors de toute modernité. Saint-Michel occupe une place particulière dans l’imaginaire breton et son emplacement n’est pas choisi par hasard. Saint-Michel est connu pour être le premier des anges, celui qui combat le mal », précise Ronan Le Baccon, directeur du Patrimoine à la région Bretagne. La légende raconte que l’archange a plusieurs fois chassé le démon ici.
Connu des touristes, le lieu a vu l’an dernier au moins 150.000 visiteurs venir l’admirer selon le compteur installé par le département du Finistère, propriétaire des pierres et des terres qui l’entourent. « C’est un pôle d’attraction car il est situé le long du GR34. Il a toujours eu ce rôle central, dressé en haut de la lande. Pendant la guerre, les Allemands y ont même installé une station de radioguidage des bombardiers », rappelle Catherine Sparta, directrice de l’écomusée des Monts d’Arrée. Les vues aériennes de la zone calcinée montrent bien le cercle de béton sur lequel l’appareil était implanté. Intact, lui aussi.
Un lieu spirituel qui rassemble toutes les croyances
Si elle n’accueille qu’un seul pardon (celui des bergers) chaque année, la chapelle Saint-Michel de Brasparts reste un lieu spirituel important où se mélangent toutes sortes de cultes. « Elle sert régulièrement d’abri parce qu’elle est ouverte tout le temps. On y retrouve souvent des objets qui servent d’offrandes », poursuit Catherine Sparta.
Des cendriers, des cigarettes, des messages plus ou moins sensés, des poèmes y sont régulièrement déposés. « Elle est toujours ouverte donc on y trouve tout et n’importe quoi », reconnaît le père Le Borgne. Le curé raconte qu’il y a huit jours, une urne funéraire y a été déposée. Et qu’une vieille kora abîmée (instrument à cordes d’Afrique de l’ouest) est même accrochée au plafond. Un espace mystique qui attire toutes sortes de croyances. Et a visiblement fait vœu de résistance, bien aidé par les pompiers et par leurs lances. Au milieu d’un décor calciné, Saint-Michel veille toujours sur les Monts d’Arrée.