SURCONSOMMATIONLes influenceurs respectueux de la planète, une équation impossible ?

Réseaux sociaux : Influenceurs et respectueux de la planète, l’équation impossible ?

SURCONSOMMATIONSur Instagram, les activités de nombreux influenceurs sont à contre-courant des enjeux environnementaux et prônent même la surconsommation
Lina Fourneau

Lina Fourneau

L'essentiel

  • Fast fashion, voyages en avion à répétition et partenariats à gogo : le quotidien de nombreux influenceurs sonne faux par rapport aux problématiques actuelles de transition écologique.
  • Et par leurs activités, ils possèdent une grande influence sur la consommation des jeunes.
  • Des comptes Instagram alertent donc les influenceurs afin de les sensibiliser à la transition écologique.

«Vous avez du pouvoir. Servez-vous en ». Dans une lettre ouverte publiée début mai, une vingtaine d’étudiants de l’université Paris-Dauphine alertaient les influenceurs sur le manque de considération de leur métier pour les enjeux environnementaux. Dans leur viseur : des modes de vie rythmés par la surconsommation et le déni des problématiques climatiques. « Nous ne demandons pas de mettre en péril vos métiers, seulement d’ouvrir les yeux », prévenaient les étudiants, qui assurent dans cette lettre ne pas vouloir subir « ces comportements climaticides ».

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Ce constat, Amélie Deloche l’a également fait au moment d’intégrer l’associationPour un éveil écologique, en 2018. Elle y rencontre alors trois autres jeunes femmes engagées pour la planète, et réalise avec elles la nécessité de sensibiliser un public plus jeune. « Ça devait sortir de notre cercle de convaincus », nous confie Amélie Deloche. En décembre 2021, le compte Instagram Paye ton influence est né, afin d’alerter chaque jour sur les répercussions du quotidien des influenceurs.

Un métier déconnecté de l’actualité

« Les influenceurs sont extrêmement regardés et suivis. Ils ont, auprès de leur public, plus de poids que les politiques, mais continuent à promouvoir des modèles de surconsommation, met en garde Amélie Deloche. Ils freinent, voire empêchent la prise de conscience globale de notre génération sur les enjeux climatiques. Pire, ils normalisent des modes de vie de consommation ». Exemple avec Kenza Sadoun El Glaoui, qui proposait il y a quelques jours à ses abonnés de remporter une carte-cadeau de 1.000 euros pour une marque de vêtements, ainsi qu’un voyage à Marrakech.

Parmi l’un de ses dernières publications, Paye ton compte a averti ses abonnés sur la face cachée des soldes, une période encore plus critique. « La tentation des prix bas et la quête du dernier vêtement tendance ont parfois raison des préoccupations écologiques. Alimentés par les influenceurs, même les ados les plus écosensibles finissent par succomber ».

Diminuer les partenariats

Mais comment adapter l’influence à l’environnement ? L’idée n’est pas de tout renverser. « Nous sommes conscientes que le business model est basé sur les partenariats », rappelle Amélie Deloche. D’après elle, la solution serait par exemple de limiter les partenariats avec les marques, afin de privilégier les plus éthiques. Outre la quantité, le sens du message est aussi important. « La sémantique pour mettre en avant leurs partenariats a forcément un impact. Nous voyons par exemple certains concours où l’influenceur est entouré d’une cinquantaine de paires de baskets. Cette image est complètement dépassée, il pourrait se contenter d’une seule ».

Idem pour les voyages, souvent récurrents dans le quotidien des influenceurs. « L’idée serait de favoriser le train », avance notre interlocutrice, qui regrette le manque de transparence sur l’empreinte carbone des influenceurs. « Si tu fais gagner un voyage à Tahiti, tu consommes 5 tonnes de CO2, soit deux fois l’empreinte carbone annuel que devrait avoir un Français pour respecter les accords de Paris. L’idée est d’arrêter de vendre un rêve qui n’est plus viable », précise-t-elle.

Le transport n’est d’ailleurs pas le seul problème, il y a aussi la destination. A l’instar de concours pour se rendre dans les lieux lourdement impactés par la montée des eaux, par exemple les Maldives. Un problème dont s’est également fait l’écho Paye ton influence : « Ces îles sont la preuve de l’aggravation et de l’accélération du réchauffement climatique. Les influenceurs qui promeuvent ces destinations ne devraient plus pouvoir faire comme si de rien n’était ».

« Finalement, on comprend qu’on fait du vent »

Ce sursaut, Léa Elisabeth l’a eu peu de temps après son arrivée sur Instagram, en 2017. Alors qu’elle joue le rôle de l’influenceuse parisienne sur ses réseaux sociaux, Léa se retrouve propulsée dans un monde fait de cadeaux et de voyages tout frais payés. Elle réalise peu après que de nombreuses choses ne lui conviennent pas. « Finalement, on comprend qu’on fait du vent, et surtout qu’on promeut la surconsommation sans réfléchir à la marque à laquelle on fait confiance ».

Avec l’arrivée de la crise sanitaire, l’influenceuse prend conscience de sa dépendance à la surconsommation et voit les contrats proposés par les marques diminuer petit à petit. Elle décide de mettre son compte en suspens afin de retrouver une vie normale, tant bien que mal. « J’ai beaucoup réfléchi, notamment sur l’impact négatif de la fast fashion, mais aussi sur l’impact psychique de l’influence », avance l’influenceuse « repentie ».

Son changement se fait en plusieurs étapes. Première phase : faire un tri dans les partenariats, afin de limiter les collaborations excessives, qui pouvaient aller jusqu’à une centaine par mois. Léa Elisabeth dit avoir aujourd’hui un « radar » pour éviter les marques les moins éthiques, et promet plus de transparence à ses abonnés. Sur la charte éthique publiée sur son compte, on lit par exemple : « Je m’engage à donner un avis constructif et réaliste sur les marques, produits et services mis en avant sur mon profil ».

Deuxième phase : revoir son objectif à la baisse. Suivie par 55.000 personnes, elle souhaite n’en compter que 30.000. « L’engagement n’est pas le nombre d’abonnés comparés au nombre de likes, mais l’impact que tu vas avoir sur ta communauté à travers des informations pertinentes ».

Des influenceurs pris au piège

Mais si l’ancienne Instagrameuse a fait ce choix, la surconsommation reste l’essence même de ce fonds de commerce. « C’est un sujet compliqué à aborder pour les influenceurs », avoue Amélie Deloche. Qui ajoute : « parler des enjeux climatiques alors qu’on prend l’avion vingt fois par an et qu’on relaye des partenariats avec de nombreuses marques, c’est compliqué. Ce serait une sorte de greenwashing. Mais surtout, cela veut dire se couper d’une importante manne financière ». Il y a quelques années, lors des premières révélations sur l’exploitation du peuple Ouïghours par certaines marques de la fast fashion, des influenceurs avaient lancé un challenge : ne plus consommer les marques en question. Précision : ce challenge était proposé durant… « un mois ».

Léa Elisabeth reçoit des messages d’influenceurs qui prennent conscience du problème. « Certains m’avouent qu’ils n’osaient pas se plaindre parce qu’ils sont montrés comme des privilégiés », raconte-t-elle. A l’inverse, d’autres sont plus critiques et l’accusent de décrédibiliser leurs activités.

SOS influenceurs en détresse

Loin de la mode et de la fast fashion, certains influenceurs ont eux décidé de renverser la vapeur, avec la transition écologique comme ligne éditoriale. C’est notamment le cas de Swann Périssé – désormais suivie par 329.000 abonnés. Avec son nouveau compte Vert chez vous, l’Instagrameuse affiche un mode de vie plus durable et plus éthique. Au programme : des tutos simples et efficaces, en moins de deux minutes, pour par exemple fabriquer son propre compost ou diminuer sa consommation de plastique.

Et les sujets sont nombreux. Sarah Sorgelle, elle, sensibilise ses 18.000 abonnés à la mode éthique et à la seconde main. Tandis que Peau neuve propose à ses 229.000 abonnés de faire les bons choix parmi les produits de beauté écoresponsables. Des influences, encore et toujours. Mais cette fois-ci dans le bon sens.

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