Sécheresse : Les nappes phréatiques à des niveaux préoccupants en France… et l’été n’a pas commencé
EAU•Il n’y a pas que Météo-France à faire des prévisions inquiétantes sur ce qui nous attend cet été côté température. Ce mardi, le BRGM, qui suit le niveau des nappes phréatiques en France, anticipe de forts risques de sécheresse sur une grande partie du paysFabrice Pouliquen
L'essentiel
- En octobre dernier, les nappes phréatiques françaises affichaient globalement des niveaux hauts par rapport à la moyenne. Le résultat d’une très bonne recharge à l’hiver 2021 et d’un été pluvieux sur une grande partie du territoire.
- Huit mois plus tard, la situation s’est nettement dégradée. Le BRGM, le service géologique national, pointait déjà en mai des niveaux de nappes qui oscillaient du « modérément bas » à « très bas » sur une grande partie du territoire. La situation s’était encore dégradée au 1er juin.
- A quoi s’attendre cet été ? Pas facile à dire. Plusieurs facteurs entrent en jeu, de la pluie qui tombera aux restrictions d’eau qui seront prises, en passant par la sensibilité des nappes à la sécheresse, pas partout pareil. Il n’empêche, le BRGM est plutôt pessimiste.
Au 13 juin, trente-six départements connaissaient de premières restrictions de prélèvements d’eau et les arrêtés en cours étaient au nombre de 117, comptabilise ce mardi propluvial.fr, le site ministériel qui les recense. Juste un début ? Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le service géologique national, pointe ce mardi une situation problématique dans plusieurs régions quant au niveau des nappes d’eau souterraine au 1er juin.
Seules les nappes alimentant la Haute-Normandie, le nord de l’Ile-de-France et la Picardie, ainsi que celles du nord-est de la région Occitanie, s’affichent en vert, synonyme de « niveaux autour de la moyenne ». Les quarts nord-ouest et nord-est, ainsi que l’Aquitaine, une bonne partie de la Bourgogne et de l’Auvergne s’affichent en jaune, correspondant à modérément bas. Le sud de l’Alsace, toute la vallée du Rhône ainsi que la région tourangelle et le nord du Poitou-Charente basculent dans l’orange, le niveau de leurs nappes étant considérés « bas ». Et il y a aussi du rouge. « C’est le secteur Charente-Vendée, où les nappes sont déjà à un niveau historiquement bas et donc très préoccupant », indique Violaine Bault, hydrogéologue du BRGM, en charge du bulletin de situation des nappes françaises qu’elle réalise tous les mois.
Une France en bleu à l’automne dernier
Pourtant, tout avait plutôt bien commencé en octobre et novembre derniers, au moment d’entrer dans la période de recharge des nappes phréatiques. Une recharge due essentiellement aux pluies automnales et hivernales, lorsque la végétation est en dormance. Une grande partie de la métropole était alors bleu ciel, signe – rassurant – que les nappes étaient à un niveau modérément haut par rapport à la moyenne. Il y avait même quelques pointes de bleu plus foncé, correspondant à des niveaux haut voire très haut. Dans la région Centre et une grande partie de l’Occitanie, les niveaux étaient considérés dans la moyenne. Seules la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) et le Languedoc-Roussillon pouvaient affichaient des zones en jaune et orange, le niveau des nappes y étant alors considérés comme « modérément bas » ou « bas ». « Il y avait déjà eu une très belle recharge au début de l’année 2021, et l’été avait été très pluvieux, au point que certaines nappes avaient continué à se recharger à cette saison, ce qui est exceptionnel », rappelle Violaine Bault.
Une sécheresse précoce sur une grande partie de la France
C’est donc ensuite que la situation s’est gâtée. « La recharge en eau sur l’automne 2021 et l’hiver 2022 a été très déficitaire sur la plupart des nappes, reprend l’hydrogéologue du BRGM. Au 15 mai 2022, elles étaient en moyenne à – 70 % par rapport à une recharge normale à 100 %. Seul le sud du bassin Adour-Garonne est légèrement excédentaire, et le Languedoc-Roussillon a aussi pu profiter de fortes pluies courant mars. » Autre fait marquant : la période de recharge s’est terminée très tôt sur une grande partie du territoire. « Dès janvier-février, il s’est arrêté de pleuvoir, et le niveau des nappes a commencé à baisser dès cette période, soit deux ou trois mois plus tôt que d’habitude », raconte Violaine Bault.
Les nappes ont depuis continué de se vider, notamment entre le 1er mai et le 1er juin, une tendance habituelle en cette période. Tout de même, en un mois, plusieurs régions (Aquitaine, le quart nord-est de la France, le sud de la vallée du Rhône) ont basculé du vert – la moyenne –, au jaune – modérément bas. Ce n’est pas non plus la première fois que la France est confrontée à une sécheresse précoce. Violaine Bault cite les années 1976, 2005, 2017. « Mais aussi 2012, qui ressemble le plus à la situation que nous connaissons aujourd’hui, avec des niveaux de nappes bas sur pratiquement tout le pays ».
Un été qui s’annonce problématique ?
Tout l’enjeu est de savoir ce que nous réserve cet été, côté températures et précipitations. Pas simple à anticiper. L’an passé déjà, Météo France anticipait un été plus chaud et plus sec que la normale. La réalité avait été tout autre pour une grande partie de la France, avec un mois de juillet très pluvieux et un mois d’août maussade. De nouveau, Météo France prévoit de fortes chaleurs sur la saison à venir. Le BRGM est sur la même longueur d’onde, prévoyant des baisses de niveaux jusqu’à mi-octobre à novembre, sauf événements pluviométriques exceptionnels. Le risque de sécheresse est « fort » sur une grande partie du territoire métropolitain. Voire « très fort » dans les régions Provence et Côte d’Azur, mais aussi celles du Poitou, de la Charente, du Perche, du Maine, de la Touraine… « La recharge des nappes de ces régions est si déficitaire que même s’il y pleut cet été, cela ne devrait pas permettre d’inverser la tendance », complète Violaine Bault.
A l’inverse, le risque sécheresse est « faible » en Haute-Normandie et dans la Somme, dans le nord de la région Grand Est, dans les départements de la Savoie et de l’Isère et sur une partie de l’Occitanie. « Il s’agit soit de secteurs qui ont été bien arrosés jusqu’à présent, soit avec des nappes inertielles, explique Violaine Bault. La cyclicité de l’eau y est très lente, sur plusieurs années. Elles se rechargent et se vident très lentement, si bien qu’elles sont finalement peu sensibles aux épisodes de sécheresse. » Tout l’inverse des nappes réactives, à la cyclicité de l’eau rapide. « Lorsqu’il arrête de pleuvoir, la vidange peut se faire en un à deux mois, ce qui les rend donc très sensible à la sécheresse, poursuit l’hydrogéologue. Ce sont ces dernières, globalement, qui vont du jaune au rouge sur la carte au 1er juin ».