« Protéger les tortues, c’est protéger l’environnement », insiste le chef soigneur des animaux marins du musée océanographique de Monaco
INTERVIEW•Avec le début de la saison estivale et l’arrivée en grand nombre des plaisanciers, Olivier Brunel, chef du service aquarium et soigneur des animaux marins du musée océanographique de Monaco, rappelle les consignes pour protéger les tortuesElise Martin
L'essentiel
- L’année dernière, plus de 150 tortues ont été observées près des côtes des Alpes-Maritimes, en bonne et parfois, en mauvaise santé, d’après le centre de soins de Monaco.
- Le responsable du service partage alors les bons comportements à adopter pour préserver cette espèce.
- Et l’un des premiers gestes à adopter est simplement « de ne pas jeter ses déchets par terre ».
Mi-mai, une tortue Caouanne a été recueillie au centre de réhabilitation de la faune sauvage du Cap d’Antibes, dans les Alpes-Maritimes, alors qu’elle était en « grande difficulté ». D’après les informations de Nice-Matin, elle avait d’importantes blessures qui seraient dues à une collision avec un engin en mer. Sur la Côte d’Azur, deux centres de soins existent pour venir en aide à ces animaux marins, l’autre se trouvant à Monaco, au sein du musée océanographique.
En ce début de saison estivale et avec l’arrivée des plaisanciers en grand nombre, Olivier Brunel, chef du service aquarium au musée et soigneur des animaux marins depuis sept ans, rappelle qu’il faut protéger les tortues et plus largement, l’environnement.
Quels sont les risques pour les tortues lorsqu’elles sont proches de nos côtes ?
Il existe trois principales menaces pour les tortues dans cette partie de la Méditerranée. D’abord, les tortues peuvent être blessées à cause des bateaux qui ne font pas attention et les percutent. Il arrive aussi qu’elles restent coincées en s’emmêlant dans des filets de pêche. Elles sont également menacées lorsqu’elles se nourrissent car elles mangent tout ce qui se trouve devant elles quand elles nagent. Les tortues ingurgitent alors énormément de déchets, notamment des sacs en plastique qu’elles confondent avec les méduses. Elles risquent alors de s’étouffer ou d’avoir de graves problèmes de digestion. Comme conséquences, soit elles n’arrivent plus à remonter à la surface, soit elles flottent. Ce qui est, dans les deux cas, très grave pour leur survie.
Comment le centre de soins de l’institut océanographique de Monaco agit-il ?
Le centre de soin a été créé en 2019, avec une installation spécialement faite pour la prise en charge des tortues blessées et la collaboration d’un vétérinaire. En plus, nous avons une zone de l’aquarium dédiée aux tortues qui nous permet en même temps de sensibiliser le public et de rappeler l’importance de préserver cette espèce. Quand on récupère une tortue en mer, on la soigne et avant de la remettre à l’eau, elle passe par un bassin de réhabilitation de 160 m3, situé en plein air, pour s’assurer de sa capacité à retourner en mer. On peut équiper certaines d’entre elles d’une balise GPS sur la carapace pour recueillir des données sur leurs déplacements, leurs comportements ou encore les zones d’alimentation. Car c’est un animal difficile à suivre.
Quelles sont vos observations par rapport aux tortues ces dernières années ?
On travaille beaucoup avec des pêcheurs amateurs monégasques qui nous indiquent à chaque fois lorsqu’ils voient des tortues. L’année dernière, on a eu plus de 150 observations, avec la plupart pour des tortues en bonne santé. Encore ce vendredi matin, on nous a contactés pour nous dire qu’une tortue avait été vue près d’Antibes. On ne peut pas conclure qu’en été il y a davantage de tortues qu’à une autre période. On a simplement plus de signalements parce qu’il y a plus de monde en mer. Le point positif à souligner, c’est qu’on constate que la population des tortues Caouannes est en augmentation. C’est sûrement grâce aux campagnes de préservation qui sont faites dans tous les pays de la Méditerranée. Et c’est une très bonne nouvelle car la tendance était plutôt à l’inverse il y a encore quelques années.
Que faut-il faire pour continuer de protéger au mieux ces animaux ?
Lorsqu’on croise une tortue, il faut éviter de s’en approcher trop près ou de la toucher. Elle peut mordre très fort si elle se sent en danger, si elle est stressée. Si elle semble en bonne santé, il faut juste la laisser tranquille. En ce qui concerne les plaisanciers, il faut être raisonnable sur sa vitesse et toujours faire preuve de vigilance quand on est en mer. S’il y a collision, il est trop tard pour l’aider. Il est alors nécessaire d’appeler un centre de soins, soit celui du Cap d’Antibes (06.16.86.26.86), soit le nôtre (+377.93.15.36.00), en fonction d’où elle se situe. On organise chaque année une grande réunion à ce sujet où on convie les acteurs du monde marin en Principauté, que ce soit les pêcheurs amateurs ou les particuliers, pour les sensibiliser à comment protéger les tortues. Mais d’une manière générale, protéger les tortues, c’est protéger l’environnement et c’est accessible à tout le monde.
C’est-à-dire ?
Le premier geste à la portée de tous, c’est de ne simplement pas jeter ses déchets par terre, qu’on soit au bord de la mer ou non. Et d’en ramasser si on en voit pour éviter qu’ils finissent dans le ventre des tortues. Si chacun faisait ça, ça serait déjà génial.