MOBILITEWattpark, la startup qui se rêve en Airbnb de la recharge électrique

Voiture électrique : Wattpark, la startup française qui rêve de devenir le Airbnb de la borne de recharge

MOBILITELancée dans l’Essonne, Wattpark a mis au point une borne de recharge couplée à une application mobile, qui permet aux propriétaires – particuliers, entreprises, hôtels…- de la louer à d’autres automobilistes. A la manière d’Airbnb. Une bonne idée à plus d’un titre ?
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • 575.000 véhicules 100 % électriques sont en circulation aujourd’hui en France, un nombre qui devrait bondir dans les années à venir alors que l’UE s’apprête à interdire la vente des véhicules thermiques neufs à compter de 2035.
  • En face, il faut aussi que le nombre de points de recharge suive. Or on en est loin, avec 60.000 bornes ouvertes au public en France. Un nombre qu’il faudra doubler d’ici à 2025, et doubler encore d’ici à 2030.
  • Alors pourquoi ne pas proposer aux particuliers et entreprises qui s’équipent ne pas garder jalousement leur borne, mais de la louer à d’autres automobilistes. Aux horaires et tarifs qu’ils désirent, comme un logement sur Airbnb. C’est l’idée de Wattpark.

Louer son logement à des particuliers le temps d’un week-end ou pour plusieurs semaines de vacances… On ne présente plus le concept d’Airbnb et des plateformes similaires, tant elles sont entrées dans notre quotidien. Plusieurs déclinaisons ont aussi vu le jour pour louer sa voiture, ses outils, sa piscine…

Alors pourquoi pas sa borne de recharge pour voiture électrique ? C’est le filon sur lequel s’est lancé, depuis Saclas, dans l’Essonne, WattPark, dirigé par Bertrand Lepage. L’idée a d’abord germé dans les têtes de son père, Marc, et de son associé, David Leguide, très tôt convertis à la mobilité électrique. « Dès 2014, à une époque où les bornes publiques étaient rares et les modèles n’avaient qu’une centaine de kilomètres d’autonomie », raconte Bertrand Lepage. Il fallait alors, bien souvent, se recharger en journée à proximité de leurs bureaux. Il y avait bien des riverains d’accord pour qu’ils le fassent depuis la prise de leur garage, mais encore fallait-il qu’ils soient à leur domicile, en journée, pour leur ouvrir.

Une borne à garder pour soi ou à louer

Bref, pas pratique. A partir de 2017, Marc Lepage et David Leguide planchent sur une borne de recharge que son propriétaire pourrait garder pour son usage exclusif ou, au contraire, rendre accessible de l’extérieur et la louer aux horaires et aux tarifs qu’il souhaite, via une application smartphone. Trois années de recherche et développement plus tard et une levée de fonds d’1,5 million d’euros, annoncée en novembre dernier, et voilà Wattepark fin prêt, depuis le début de l’année, à commercialiser sa solution.

La start-up a déjà installé une centaine de ses bornes*, d’une puissance de 3,7 kW, permettant de recharger 20 km par heure. A ce jour, elles sont majoritairement dans l’Essonne et s’affichent sur la carte qui vous accueille en ouvrant l’appli. « Il suffit de cliquer sur la borne qui vous intéresse et de la réserver, en fonction des créneaux disponibles, soit immédiatement soit dans le futur, explique Lucas Berchadsky, responsable des opérations de Wattpark. Ensuite, il n’y a plus qu’à se rendre sur place à l’heure dite, à connecter son smartphone à la borne en Bluetooth, à sélectionner la prise qui correspond à son véhicule. » Voilà comment, en quelques secondes, on se branche au point de recharge d’un particulier. Comme celle de Baptiste Ollivon, installée au fronton de son garage, au Coudray Montceaux (Essonne).

Se recharger pendant qu’on est au stade

L’informaticien, également adjoint au maire de sa commune en charge de l’Environnement, n’a pas hésité longtemps avant d’opter pour Wattpark en même temps qu’il achetait un véhicule électrique. « Au Coudray, nous sommes en pleine réflexion sur la façon de construire un réseau de points de recharge qui réponde à une demande qui va croissant », commence-t-il. Cela passera par l’installation d’une ou plusieurs bornes de recharge ultra-rapides, à proximité de l’A6 qui longe la commune, et qui permettent de faire le « plein » en quelques dizaines de minutes.

« En parallèle, il est aussi utile d’avoir des bornes plus classiques, en charge lente, qui permettent à ceux qui n’en ont pas de se recharger, et aux autres de mettre à profit un stationnement long pour gagner quelques pourcents de batterie, poursuit Baptiste Ollivon. Une commune peut s’en charger, mais cette option a ses lourdeurs administratives. Alors pourquoi ne pas inciter des particuliers ou entreprises à ouvrir leurs bornes aux autres ? »

Depuis cet hiver, la borne de Baptiste Ollivon n’a été réservée qu’à deux reprises. « Le service se développe tout juste et a besoin de se faire connaître », estime l’informaticien, qui reste confiant. D’autant qu’il ne destine pas sa borne qu’à ses voisins. « Il m’arrive de faire de la location saisonnière via Airbnb, précise-t-il. Cette possibilité de se recharger à domicile est un service supplémentaire que je peux proposer à mes hôtes, quitte même à ne faire payer cette énergie qu’à son prix coûtant. ». Un calcul qu’ont fait d’autres propriétaires des premières bornes Wattpark. « Ce ne sont pas seulement des particuliers, mais aussi des entreprises ou des hôtels qui veulent monétiser leurs bornes et proposer un "plus" à leurs salariés et clients », précise Bertrand Lepage. Il cite aussi ce Lillois, propriétaire de trois places de stationnements à proximité du stade de foot de la ville, qui en a équipé deux de bornes Wattpark, offrant ainsi la possibilité à ceux qui les réservent, notamment les soirs de match, de faire le plein.

Un besoin d’accélérer sur les bornes de recharge

Le directeur général de Wattpark estime entre 20 et 30 euros les bénéfices mensuels que parviennent à faire les propriétaires de bornes les plus sollicitées. Un chiffre qui devrait augmenter à mesure que les voitures 100 % électriques se feront plus nombreuses. Ce qui ne fait plus guère de doute, encore moins alors que l’UE s’apprête à interdire la vente des véhicules thermiques neufs à compter de 2035. « 575.000 véhicules 100 % électriques sont aujourd’hui en circulation en France, et il s’en ajoute 15.000 environ chaque mois », glisse Cécile Goubet, directrice générale de l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere). Une progression fulgurante. « La part de marché des électriques et hybrides rechargeables [sur le nombre de véhicules neufs vendus] est passé de 3 % en 2019 à 18 % aujourd’hui, et devrait se situer entre 70 et 90 % vers 2030 », reprend Cécile Goubet. En face, il faut mettre des bornes. Or, le rythme d’installation est à la traîne, en France, sur celui des ventes, a régulièrement alerté l’Avere. « C’est un peu mieux aujourd’hui, la France faisant même partie désormais des bons élèves européens avec 60.000 bornes ouvertes au public sur le territoire, tempère Cécile Goubet. Il n’empêche, il faudra multiplier par deux ce chiffre d’ici à 2025 et par deux encore d’ici à 2030. »

Wattpark prêt à passer à la vitesse supérieure

Dans ce contexte, créer un « Airbnb de la recharge n’est pas de trop ». Cécile Goubet range le concept, « que Wattpark n’est pas le seul à développer », parmi les bonnes idées. « Comme tout ce qui contribue à étoffer et à améliorer l’offre de recharge électrique », précise-t-elle.

Wattpark est en tout cas prêt à passer à la vitesse supérieure. Dans quelques jours, l’entreprise prendra possession de sa nouvelle usine de production, près de Saumur, dans le Maine-et-Loire. « Elle nous permettra de passer à une production à échelle industrielle tout en restant 100 % française », glisse Bertrand Lepage. Wattpark dit déjà avoir un millier de précommandes, et espère en vendre 6.000 d’ici à la fin de l’année.

* L’équipement est vendu 600 euros, somme à laquelle il faut ajouter le prix de l’installation, qui varie entre 500 et 1.000 euros suivant l’installateur choisi, précise Betrand Lepage. Des crédits d’impôts pour les particuliers et des programmes d’aide pour les entreprises et les collectivités permettent toutefois de réduire la facture.