BIODIVERSITÉCes « animaux mousses » menacent-ils l'écosystème marin ?

Images de science : Ces étranges « animaux mousses » menacent-ils l’équilibre écologique des océans ?

BIODIVERSITÉDécouvrez, chaque jour, une analyse de notre partenaire The Conversation. Ce lundi, des chercheurs alertent sur une insidieuse colonisation océanique
20 Minutes avec The Conversation

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L'essentiel

  • Le bryozoaire d’origine japonaise Watersipora subatra s’est largement implanté sur tout le littoral breton en seulement une décennie, selon notre partenaire The Conversation.
  • Son invasion progressive des océans et mers du globe peut engendrer des déséquilibres écologiques parfois irrémédiables.
  • Cette analyse a été menée par Nicolas Desroy, chercheur en faune benthique ; Eric Thiébaut, professeur en océanographie biologique ; Jérôme Fournier, chercheur CNRS en écologie ; Laurent Godet, chercheur CNRS en biogéographie de la conservation.

Originaire du Japon, Watersipora subatra envahit progressivement les océans et mers du globe. L’introduction d’une espèce dans un nouvel écosystème peut engendrer des déséquilibres écologiques parfois irrémédiables. En milieu marin, leurs conséquences peuvent être graves du fait de la difficulté d’intervention.

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Il existe quelques exemples spectaculaires, tels l’algue verte tropicale Caulerpa taxifolia en Méditerranée ou encore le crabe royal du Kamchatka. Ces crabes, originaires de la mer de Béring entre l’est de la Russie et l’Alaska, ont été introduits en mer de Barents pour y développer une pêcherie et soutenir l’emploi local. Trouvant des écosystèmes favorables, cette espèce a rapidement étendu son aire de distribution vers l’ouest et colonisé les côtes de Norvège, actuellement jusqu’aux îles Lofoten. Elle représente une menace pour les écosystèmes qu’elle colonise et dont elle perturbe profondément le fonctionnement, notamment en ingérant les œufs de poissons, notamment ceux du tacaud et de la morue.

Fort heureusement, dans la majorité des cas, les espèces introduites sont plus discrètes, ce qui n’exclut pas de les surveiller afin de déceler toute perturbation du fonctionnement au sein des écosystèmes ou la disparition d’autres espèces.

Le bryozoaire Watersipora subatra illustre l’exemple d’une introduction discrète mais d’une capacité de colonisation de nouveaux milieux très efficace – originaire du Japon, elle s’est largement implantée sur tout le littoral breton en seulement une décennie.

Si son arrivée en Europe peut être due à la présence de colonies dans du naissain (juvéniles) d’huître japonaise, son expansion pourrait aussi se faire via la fixation de ses larves ou de ses colonies sur les coques de navires (phénomène communément appelé « fouling »), ou encore par des algues dérivantes sur lesquelles les colonies pourraient se développer.

Colonie de bryozoaires (Watersipora subatra) fixée à un caillou
Colonie de bryozoaires (Watersipora subatra) fixée à un caillou - Olivier Dugornay (2019) / Ifremer CC BY 4.0

​Des « animaux mousses » variés à travers le monde

Les bryozoaires, littéralement « animaux mousses », sont des animaux coloniaux, fixés pour la plupart sur un substrat, inerte ou vivant, et majoritairement marins. Chaque individu, appelé zoïde ou zoécie, vit dans une loge millimétrique au sein d’une colonie, le zoarium, qui peut être encroûtante, dressée ou arbustive et mesurer de quelques centimètres à plusieurs dizaines de centimètres. La nutrition et la respiration des bryozoaires sont assurées par un courant d’eau créé par une couronne de tentacules appelée « lophophore ». Les loges étant le plus souvent carbonatées, plusieurs espèces contribuent ainsi dans les mers chaudes à la construction des récifs coralliens. La forme, la taille et l’agencement des loges permettent de reconnaître les différentes espèces.

Par leurs larves ou leurs colonies présentes dans le « fouling », quelques espèces sont facilement transportées de port en port et colonisent actuellement le littoral européen.

Tel est le cas de Watersipora subatra, originaire du Japon, qui est actuellement recensée comme une espèce introduite dans l’Atlantique Nord-Est, dans l’Indopacifique ( Indonésie), le Pacifique sud-ouest (Australie, Nouvelle-Zélande) et le Pacifique nord-est (Californie). La taxonomie de ce genre, qui compte 13 espèces quelquefois très proches morphologiquement, a induit de nombreuses hésitations avant que l’identification définitive des Watersipora présents sur les côtes européennes ne soit fixée.


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Le long des côtes atlantiques européennes, cette espèce a été initialement identifiée comme Watersipora aterrima dans le bassin d’Arcachon entre 1968 et 1973, puis comme Watersipora subovoidea en Bretagne en 2005, revue comme Watersipora subtorquata en 2009. Il est désormais avéré que l’espèce présente en Bretagne, autour des îles Britanniques et en mer du Nord est en fait Watersipora subatra et que quatre autres espèces sont présentes sur le reste des côtes européennes.

Cette analyse a été rédigée par Nicolas Desroy, chercheur en faune benthique à l’Ifremer ; Eric Thiébaut, professeur en océanographie biologique à Sorbonne Université ; Jérôme Fournier, chercheur CNRS en écologie au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) ; Laurent Godet, chercheur CNRS en biogéographie de la conservation à l’Université de Nantes.
L’article original a été publié sur le site de The Conversation.



Déclaration d’intérêts
● Eric Thiébaut a reçu des financements pour des projets de recherche provenant de différents financeurs ou programmes (ex. PNEC-EC2CO, ANR, Agence de l’eau Loire-Bretagne, OFB, FEAMP, Inter-Reg, Europe).
● Financement de projets de recherche provenant de guichets divers (EC2CO, ANR, Agences de l’eau, Région Bretagne, FEAMP, INTERREG).