Vie sauvage : Les passages routiers pour animaux se multiplient, y compris loin des autoroutes
BIODIVERSITE•Ecoponts, tunnels et autres passerelles pour la faune sauvage sont de plus en plus répandus et investissent désormais le réseau des routes secondaires. Illustration en Loire-Atlantique, département en avance sur le sujet
Frédéric Brenon
ne véritable hécatombe. Plusieurs millions d’animaux sauvages périssent chaque année sur les routes françaises, victimes d’une collision avec un véhicule. Mammifères, reptiles, amphibiens, oiseaux, chiroptères, tous sont touchés. « Les plus emblématiques sont sûrement le hérisson, qui se met en boule quand il a peur et est donc particulièrement vulnérable, ainsi que les renards, les blaireaux, ou les grands gibiers, dont les collisions sont une problématique pour la sécurité humaine », explique Stéphanie Morelle, chargée de mission biodiversité pour le réseau associatif France nature environnement (FNE).
Mais les dégâts sont aussi importants pour une faune moins visible, comme les chauves-souris, les salamandres ou les papillons. « Pour certaines espèces menacées, l’impact des routes peut même être très fort, à l’image du lynx et du loup. Leur première cause de mortalité ce sont les collisions. »
Ecoponts, tunnels, banquettes, échelles de cordes…
S’il n’est pas nouveau, le phénomène suscite depuis plusieurs années une prise de conscience grandissante des autorités. Les aménagements d’infrastructures, qui permettent aux animaux de poursuivre leurs déplacements sans risquer leur peau, commencent à se multiplier. Sur le réseau autoroutier, pionnier dans le domaine, mais aussi désormais sur le réseau secondaire.
« Les choses bougent depuis le Plan biodiversité de Nicolas Hulot [2018] et la mise en œuvre du principe "éviter, réduire, compenser" [2020], observe Stéphanie Morelle. On voit apparaître une diversité de dispositifs. On parle d’écoponts, d’écoducs, de tunnels, de ponts aériens pour obliger les chauves-souris à voler haut, de banquettes sous les ouvrages pour les loutres et castors, d’échelles de cordes pour les écureuils… »
« Les amphibiens semblent les plus menacés, leur population s’effondre »
La Loire-Atlantique fait partie de ces quelques départements qui ont décidé récemment d’attaquer le problème à bras-le-corps. Quelque 250 nouveaux aménagements d’infrastructures sont ainsi annoncés d’ici à 2027 par la nouvelle majorité de gauche. Un million d’euros leur est consacré dès cette année.
A la base, un inventaire très précis de la mortalité, avec comptage des cadavres sur un an, a été réalisé avec des associations environnementales. Le constat est sans appel. « Au moins 1.081 animaux ont été tués sur le secteur de 20 km étudié. En extrapolant à l’échelle du réseau routier géré par le département, cela fait plus de 230.000 animaux victimes de collisions par an. C’est assez énorme. Les amphibiens semblent les plus menacés, leur population s’effondre », souligne Chloé Girardot-Moitié (EELV), vice-présidente du conseil départemental de Loire-Atlantique.
Repenser l’entretien, la taille des haies, les cours d’eau
Des aménagements spécifiques (tunnels, berges artificielles, passerelles) ont donc été imaginés, au cas par cas, avec les associations, en fonction des habitudes de traversées. Mais la démarche va plus loin. « On recense les espaces où se nichent les chauves-souris pour revoir la manière d’entretenir les ponts, on repense la taille des haies pour ne pas perturber le nichage et les espèces qui y trouvent refuge, on effectue des travaux sur certains ponts ou écluses pour permettre la continuité piscicole… Il faut que ce sujet soit progressivement intégré partout dans nos infrastructures », raconte Chloé Girardot-Moitié.
Souhaitant « diffuser les bonnes pratiques », la Loire-Atlantique a aussi édité des guides à destination des communes, lesquelles sont même éligibles à des subventions si elles s’inscrivent dans la démarche.
« Tout cela va dans le bon sens, se réjouit la chargée de mission biodiversité de France nature environnement. Après, il ne faut pas oublier le suivi et l’évaluation de ces dispositifs. » Sandrine Morelle insiste. « Les écoponts, par exemple, on sait qu’il y a des endroits où ça ne marche pas. Soit parce que l’emplacement n’est finalement pas bon, soit par ce que les prédateurs adaptent leur comportement en attendant les mammifères à la sortie du pont pour les manger. Il n’existe pas une réponse unique mais plusieurs solutions. Et il est nécessaire de s’adapter. »