« La Bretagne, ce n’est pas Eurodisney »… Comment la population accepte-t-elle les touristes ?
TOURISME•Une enquête a été menée pour évaluer l’acceptation de l’activité touristique par la populationCamille Allain
L'essentiel
- Le comité régional du tourisme de Bretagne a mené une enquête pour connaître la perception des habitants sur l’activité touristique.
- Les retours sont plutôt positifs, même si des points de discorde sont évoqués, notamment sur la flambée de l’immobilier.
- La région a tenté de valoriser des sites moins connus pour éviter la surfréquentation, ce qui semble bien fonctionner dans le centre Bretagne.
Les Parisiens, Airbnb, les embouteillages, la flambée de l’immobilier, les résidences secondaires. Voici un bingo non exhaustif des désagréments vécus par tous ceux qui vivent dans des territoires touristiques. En Bretagne, on pourrait y ajouter les camping-cars et les plages bondées mais on préfère ne pas trop charger la liste. Quatrième région touristique française, la Bretagne a été l’une des destinations préférées des Français pendant ces deux années tronquées par la crise sanitaire. Malgré une fréquentation en baisse, la région a vu s’élever des voix critiquant l’impact de l’activité touristique sur certains sites. « Cela fait quelques années, qu’on entend un bruit, un brouhaha autour de l’acceptation du tourisme. On a voulu voir comment les Bretons le percevaient », explique Jessica Viscart.
Vers un tourisme de plus en plus durable ?
La directrice adjointe du Comité régional du tourisme a piloté une enquête menée auprès de 2.200 habitants pour connaître leur perception de cette activité, qui pèse pour 8 % dans le PIB régional. Et les résultats sont plutôt encourageants. « 89 % des sondés se déclarent favorables au développement touristique de Bretagne et 78 % soutiennent la promotion du tourisme », dévoile le comité régional du tourisme. « Ces résultats sont encourageants. Nous voulons tendre vers un tourisme de plus en plus durable. Sur le plan environnemental mais aussi sur le plan social et sociétal. Le tourisme apporte de l’économie, des emplois mais il ne doit pas se faire au détriment des habitants. La Bretagne, ce n’est pas Euro Disney, il y a des gens qui y habitent », poursuit la directrice adjointe du CRT.
L’enquête révèle cependant que deux tiers des sondés évoquent « la survenue de nuisances liées au tourisme », regrettant « la hausse du prix de l’immobilier, les difficultés de circulation ou la concentration des populations ». « On voit que la typologie des séjours a évolué. Avant, on venait 15 jours ou trois semaines, souvent au même endroit. Aujourd’hui, le touriste est souvent de passage, il picore ici et là. La relation s’est distendue parce que les séjours sont plus courts. Du coup, on a la sensation qu’il y a plus de visiteurs », analyse Franck Rolland. L’homme en sait quelque chose. Avec son collectif « Saint-Malo, j’y vis j’y reste », il se bat contre les « locations courte durée ». Comprenez les logements Airbnb qui ont envahi l’intra-muros de la cité corsaire. « Ce qui m’inquiète dans l’évolution du tourisme, c’est sa capacité à transformer les territoires. Saint-Malo a toujours été une ville balnéaire. Elle vit du tourisme mais pas seulement. Depuis quatre ou cinq ans, on a l’impression de basculer dans la station balnéaire, comme La Baule Carnac ou Les Sables-d’Olonne. Là-bas, l’hiver, c’est vide ».
« De plus en plus de monde toute l’année »
Conscientes de l’hyper-saturation de certains sites, notamment en été, les collectivités bretonnes ont œuvré pour étaler la saison touristique sur quatre saisons. Une option qui présente un double intérêt : les visiteurs sont moins nombreux donc mieux accueillis et les professionnels peuvent en profiter toute l’année. L’autre choix fort a été de valoriser des sites moins connus, notamment en vantant les beautés de la forêt de Huelgoat plutôt que les légendes de Brocéliande. « On a vu une véritable attractivité se développer sur des sites alternatifs notamment du centre Bretagne », se félicite Jessica Viscart. Un constat confirmé par Hélène Batard. En 2017, cette habitante de Loire-Atlantique est tombée sous le charme de la forêt de Huelgoat, dans le Finistère. Au point d’acheter le camping de La Rivière d’Argent quelques mois plus tard. « Nous sommes ouverts d’avril à octobre et nous avons de plus en plus de monde toute l’année. Des randonneurs, des cyclistes, des cavaliers. Ça permet au village de vivre toute l’année », glisse la propriétaire.
Hélène reconnaît que certaines voix s’élèvent parfois quand il y a « un peu trop de monde ». Mais c’est assez rare et chacun peut y répondre à sa manière. « On a des clients qui sont surpris de voir que certains restaurateurs ne fassent qu’un service même en pleine saison. Mais c’est leur choix, c’est aussi le prix de l’authenticité », poursuit-elle.
Depuis des années, la fréquentation est stable en Bretagne, et plafonne autour de 100 millions de nuitées par an. La directrice adjointe du Comité régional du tourisme rappelle que c’est aussi « l’offre d’hébergement disponible » qui fait la fréquentation d’une région. « A Saint-Malo, ce n’est pas en été que le phénomène Airbnb est le plus gênant pour les hôteliers, parce qu’ils sont pleins. C’est plutôt dans la moyenne et la basse saison que c’est compliqué », ajoute Franck Rolland. Cet été, la plateforme en ligne a été condamnée à verser huit millions d'euros à la ville de Paris parce qu'elle avait tardé à retirer toutes les annonces sans numéro d’enregistrement. Une décision qui a eu un effet dans tout l'Hexagone. A Saint-Malo, 20 à 30 % des offres ont été supprimées selon le collectif, soit environ 500 logements à Saint-Malo.
La plateforme de location précise qu'elle a collecté et reversé 5,7 millions d'euros de taxe de séjour aux communes bretonnes l'an dernier, dont 420.000 euros attribués à Saint-Malo et 250.000 euros à Rennes.