Pollution : Le désert d’Atacama, décharge mondiale de la mode
HYPERCONSOMMATION•Face aux millions de vêtements qui envahissent le désert d’Atacama, au Chili, des initiatives locales voient le jourGilles Colardelle
L'essentiel
- Chaque année, 59.000 tonnes de vêtements arrivent au port d’Iquique.
- Les décharges sauvages de déchets textiles grossissent à la vitesse de la production de la mode à bas coût.
- Des Chiliens se mobilisent pour recycler et modifier les modes de consommation.
A Alto Hospicio, les dunes ne sont pas composées de sable mais de vêtements usagés, de la jupe en strass aux après-ski, tout ce que la mode éphémère peut produire vient finir sa vie ici. Pour lutter contre ce fléau des acteurs locaux se mobilisent.
Le Chili s’est spécialisé depuis une quarantaine d’années dans le commerce de vêtements de seconde main. En provenance des États-Unis, du Canada, d’Europe ou d’Asie, tous les textiles dont les consommateurs ne veulent plus constituent les 59.000 t qui arrivent chaque année au port d’Iquique. C’est dans cette zone commerciale, aux droits de douanes préférentiels, qu’a lieu un premier tri pour la revente dans le pays ou l’export vers d’autres pays latino-américains.
Des déchets textiles qui génèrent de la pollution
Rien qu’à Alto Hospicio, environ 39.000 t de déchets sont entreposées illégalement.
« Les dommages et l’impact environnemental de ces microdécharges en général, et de celles de déchets textiles en particulier, ne font aucun doute pour les communes où elles sont situées » explique Moyra Rojas, secrétaire régional du ministère de l’Environnement. « Ces microdécharges génèrent quelques incendies, ce qui produit évidemment une pollution atmosphérique, et certaines sont également situées près de zones habitées. »
Qu’ils soient enfouis sous terre ou laissés à l’air libre, les textiles ne sont pas biodégradables, leur décomposition chimique peut prendre des dizaines d’années, et pollue l’air et les nappes phréatiques.
Des initiatives locales
Tous les vêtements qui ne passent pas les filtres de la revente ou de la contrebande finiront dans les décharges sauvages. Après dix ans à travailler dans la zone franche d’Iquique, Franklin Zepeda, las de voir ces « montagnes de déchets textiles » près de chez lui, a décidé de « sortir du problème pour faire partie de la solution ». En 2018 il crée Ecofibra pour faire face à ce problème grandissant. « Ces déchets sont ceux qui allaient dans le désert et maintenant, nous les utilisons comme matière première pour fabriquer nos panneaux d’isolation thermique. »
La société Ecocitex, elle, collecte, vend et donne des vêtements d’occasion, elle fabrique également du fil de vêtements recyclés. Rosario Hevia, président d’Ecocitex, insiste sur la nécessité « d’éduquer les gens pour qu’ils réduisent leur consommation de textiles inutiles et qu’ils se chargent d’en prolonger la vie utile. » Elle explique que c’est en changeant de manière de consommer que l’on pourra réduire la production de déchets.
Selon une étude de l’ONU datant de 2019, la production mondiale de vêtements, qui a doublé entre 2000 et 2014, est « responsable de 20 % du gaspillage total de l’eau dans le monde. Chaque seconde, une quantité de textiles équivalente à un camion de déchets est enterrée ou brûlée. »