« Destination France » : Le plan de Jean Castex peut-il développer le tourisme vert ?
TOURISME•Jean Castex a annoncé samedi à Amboise un plan « Destination France », qui consiste en une série de prêts pour transformer le secteur du tourisme. Mais la dimension écologique de ce plan est décevante selon les spécialistesX. R.
L'essentiel
- Jean Castex a annoncé samedi à Amboise un plan « Destination France », qui prévoit 1,9 milliard d’euros sur dix ans pour relancer le secteur du tourisme.
- Le plan vise à faire de la France « la première destination de tourisme durable » en 2030, mais les propositions pour y parvenir sont floues, estiment les spécialistes.
- Deux experts interrogés par 20 Minutes regrettent l’absence d’annonces sur le transport et l’hébergement, à l’origine de la majorité de la pollution engendrée par le tourisme.
«Qu’est-ce que vous entendez par tourisme vert ? » La question posée par Didier Arino a le mérite d’être directe. Et ce n’est pas vraiment en se plongeant dans le discours de Jean Castex, qui a dévoilé samedi à Amboise le plan « Destination France », que le directeur général du cabinet Protourisme a trouvé la réponse. Les propositions du Premier ministre vont pêle-mêle de la création de nouvelles véloroutes à une aide à l’adaptation pour les trains touristiques, mais rien ne permet de définir réellement ce que serait un tourisme écoresponsable.
« Toutes les nouvelles start-up du secteur intègrent cette dimension », défend Armelle Solelhac, PDG de SWiTCH, une agence de prospective et stratégie spécialisée dans le tourisme. En particulier dans le domaine de l’hébergement, où de nouvelles plateformes proposent des solutions à impact faible ou nul. Car face à la « disparition de l’offre hôtelière dans 80 % de nos territoires », dénoncée par Didier Arino, la location entre particuliers est devenue la norme. Mais ces habitations sont souvent des passoires énergétiques, faisant du logement le deuxième poste pesant le plus lourd dans le bilan carbone du tourisme, après le transport.
Rénover les hébergements, mission impossible ?
Armelle Solelhac regrette ainsi que « dans les stations de montagnes on est sur des catégories F ou G comme à La Plagne ou Tignes ». En théorie, de tels appartements ne devraient plus être louables en 2025. Mais d’ici-là, « pas une seule station n’aura 100 % de logements corrects », d’autant plus que l’hébergement est absent du plan dévoilé par Jean Castex. Pas une seule ligne non plus sur le train, qui serait pourtant la meilleure solution écologique pour drainer les touristes vers leur lieu de vacances, puisqu’« un habitant sur deux d’une grande métropole européenne n’a pas de voiture », pointe Didier Arino.
Car le problème, c’est que « le tourisme est un secteur très transversal », qui touche les compétences de nombreux ministères. Or, « contrairement aux Fidji », cite Armelle Solelhac, la France n’a pas de ministère dédié au tourisme, et l’Etat s’est peu à peu désengagé de la question. « Depuis trente ans, on vit sur nos acquis » et « on est beaucoup dans l’auto-satisfaction », critique Didier Arino. Les deux experts remettent d’ailleurs en cause le statut de « première destination touristique du monde » de la France, mise en avant par Jean Castex. « On génère trois fois et demie de revenus de moins que les Etats-Unis », pointe le directeur de Protourisme.
Jouer la carte locale
Mais revenons à nos moutons. Puisque « sans vision globale » selon Armelle Solelhac, le plan de Jean Castex ne fera rien pour améliorer le bilan carbone du transport et de l’hébergement, peut-il au moins agir sur le reste ? Là aussi, le plan s’avère « déceptif ». « Il n’y a rien sur la station de montagne de demain », fustige par exemple Didier Arino. Sans associer les régions et les métropoles, acteurs majeurs du tourisme, de nombreux freins se posent au développement des mobilités douces, « qui ont des besoins d’interconnexions importants » pour la PDG de SWiTCH. Or, le gouvernement n’investit pas réellement, et n’annonce « pas de planification dans le temps et l’espace ».
C’est là que le bât blesse pour Didier Arino, qui rappelle que « l’offre crée la demande » et souhaite avant tout rééquilibrer les destinations. Il souligne ainsi que « 80 % du territoire est en réalité en sous-tourisme », citant des zones rurales comme le Lot ou les Pyrénées-Atlantiques. Mais il est possible d’y « valoriser les circuits courts, créer une harmonie entre habitants et touristes », en identifiant et en choisissant d’aider spécifiquement ces territoires. La restauration, en jouant la carte de la diversité locale française, et les activités auraient alors un rôle majeur à jouer. « Visiter un château a un impact bien moins négatif que de faire du ski nautique », ajoute Armelle Solelhac. Mais ce tourisme vert relève bien plus du comportement individuel des touristes que de l’action de l’Etat…