Territoires : La carte de la France agricole confirme le recul des surfaces de cultures
ENVIRONNEMENT•Découvrez, chaque jour, une analyse de notre partenaire The Conversation. Aujourd’hui, un ingénieur nous dévoile les récentes transformations des milieux hexagonaux20 Minutes avec The Conversation
L'essentiel
- La part de la superficie agricole utile dans la surface totale de la France métropolitaine est passée de 62,6 % en 1950 à 52,2 % en 2020, selon notre partenaire The Conversation.
- Les rendements en productions végétales, stimulés par le progrès génétique et l’amélioration des techniques, ont pourtant fortement progressé… du moins, jusqu’en 1990.
- L’analyse de ce phénomène a été menée par Vincent Chatellier, ingénieur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).
Puissance agricole de premier plan, la France a connu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale une série de changements qui ont transformé son agriculture. Sous l’impulsion d’une volonté politique de reconstruction, du progrès technique (machinisme) et des innovations scientifiques (surtout dans le domaine de la génétique), le secteur agricole s’est « converti » au productivisme pour répondre aux besoins alimentaires d’une population grandissante.
La part de la superficie agricole utile (SAU) dans la surface totale de la France métropolitaine a baissé au fil des décennies, passant de 62,6 % en 1950 à 52,2 % en 2020.
Ce recul des terres agricoles de 5,8 millions d’hectares (soit une baisse de 17 %) en soixante-dix années accentue la pression exercée sur l’agriculture.
Ce recul tient certes à l’artificialisation croissante des milieux, mais également au développement de la superficie forestière qui est passée de 9 millions d’hectares en 1830 à 16,9 millions d’hectares aujourd’hui, soit 31 % du territoire national, selon les données de l’IGN.
Ce taux moyen masque cependant de fortes différences départementales. En effet, cinq départements ont un taux de boisement supérieur à 60 % : les Alpes-de-Haute-Provence, les Alpes-Maritimes, la Corse du Sud, les Landes et le Var. À l’opposé, sept départements ont un taux de boisement inférieur à 10 % : le Calvados, les Deux-Sèvres, la Loire-Atlantique, la Manche, la Mayenne, le Pas-de-Calais et la Vendée. Si la progression forestière est moins rapide depuis quelques années, cette dynamique pourrait reprendre dans les espaces ruraux les moins productifs (les zones montagneuses par exemple) en cas de désintérêt des jeunes agriculteurs.
Carte © Agreste, CC BY-NC-ND
Au sein des surfaces agricoles, d’importantes évolutions ont également eu lieu depuis 1950.
Les surfaces de cultures fourragères, surtout les prairies permanentes, ont considérablement baissé (-5,2 millions d’hectares, soit -27 %). Il en va de même des cultures permanentes pour lesquelles les surfaces ont été divisées par deux au cours de cette même période pour atteindre environ 1 million d’hectares en 2020 (78 % de vignes et 18 % de vergers).
Les surfaces de grandes cultures qui représentaient 34 % de la surface agricole métropolitaine en 1950 se sont développées jusqu’au début des années 2000 pour se stabiliser ensuite aux alentours de 45 %. Ce mouvement, parfois qualifié par les agriculteurs de « céréalisation du territoire », est particulièrement fort dans les zones historiques de polyculture-élevage, par exemple dans certains départements de la Nouvelle-Aquitaine ou à l’est de départements du Grand Ouest (Sarthe, Mayenne…).
Parallèlement à ces modifications survenues dans l’occupation du territoire, les rendements en productions végétales ont fortement progressé, du moins jusqu’en 1990, stimulés qu’ils étaient par le progrès génétique et l’amélioration des techniques.
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Cette dynamique haussière n’est plus vraie depuis une vingtaine d’années et les variations interannuelles de rendements se sont accentuées en raison notamment du facteur climatique. En productions animales, les performances zootechniques continuent de s’améliorer ce qui contribue par exemple à un fort recul de certains effectifs d’animaux. Ainsi, le nombre de vaches laitières a été divisé par deux en quarante ans alors que la production nationale de lait de vache est restée quasiment stable, aux alentours de 24 milliards de litres de lait par an, selon les statistiques de l’Enquête laitière annuelle.
La répartition territoriale des productions agricoles est le fruit de l’histoire, des rapports de prix entre les filières et du potentiel agronomique des sols.
Plusieurs contraintes majeures influent sur les choix productifs des agriculteurs : la topographie qui conduit à ce que le développement des cultures n’est pas envisageable partout, notamment dans les nombreuses zones de montagne ; le climat qui influe sur les productions végétales mises en œuvre (il est par exemple plus facile de produire du tournesol dans le sud de la France et de développer des prairies fauchées pour le foin dans le Doubs) ; l’accès à l’eau, qui est parfois compliqué (et controversé) dans plusieurs départements particulièrement ensoleillés.
1. En Franche-Comté, le pari gagnant du comté
Depuis 1958, date d’obtention d’une AOC (appellation d’origine contrôlée), le développement de la filière du fromage comté constitue l’un des exemples de réussite souvent cités dans les travaux portant sur les liens entre production agricole et territoire. Premier fromage parmi les 45 AOP françaises, sa production est passée de 49.600 tonnes en 2007 à près de 70.000 tonnes en 2020. Cette réussite tient à la mobilisation historique des acteurs de la filière (producteurs, fruitières, affineurs), à l’encadrement des volumes produits et à la mise en œuvre d’un cahier des charges rigoureux (et évolutif) qui précise les modalités de production et délimite les zones géographiques impliquées.
2. Dans les Hauts-de-France, des terres ultra-fertiles
La région des Hauts-de-France bénéficie de nombreux atouts agricoles. Son potentiel agronomique élevé permet aux agriculteurs de cette région de peser fortement dans le paysage national des productions végétales, tout en recourant à une forte diversification des assolements. Les activités d’élevage y sont également bien développées, ce qui permet à cette région de représenter près de 10 % des emplois agroalimentaires nationaux. La proximité géographique avec les grands bassins de consommation (Paris, Lille, Belgique) favorise en outre sa compétitivité. De cette situation plutôt avantageuse résulte un prix du foncier agricole parmi les plus élevés du territoire français.
Graphique © Agreste, CC BY-NC-ND
3. La Bretagne, championne de l’élevage
La Bretagne est une terre d’élevage : en 2020, elle regroupait 55 % des porcs élevés en France, 43 % des poules pondeuses, 32 % des volailles de chair et 21 % des vaches laitières.
Cette spécialisation tient à trois facteurs principaux : la présence d’une main-d’œuvre agricole très importante au moment de la création de la PAC (1958) a incité cette région à se spécialiser dans des activités qui mobilisaient alors beaucoup d’emplois ; en raison de son climat et de ses sols, la Bretagne dispose de moins d’atouts pour produire des productions végétales ; au cours de la période 1950-1990, les questions environnementales étaient peu considérées, ce qui a permis au complexe agroalimentaire breton de se développer rapidement, parallèlement à des besoins alimentaires nationaux croissants, notamment en protéines animales.
Cette analyse a été rédigée par Vincent Chatellier, ingénieur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).
L’article original a été publié sur le site de The Conversation.