INTEMPERIESComment la vallée de la Vésubie se remet du passage de la tempête Alex ?

Alpes-Maritimes : Comment les sols de la Vésubie se remettent un an après le passage de la tempête Alex ?

INTEMPERIES« A l’œil, ce paysage abîmé peut rester des décennies », indique Jean-Christophe Teobaldi, géographe consultant en prospective et habitant de Saint-Martin-Vésubie
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Le passage de la tempête Alex a laissé des traces tant dans les esprits des habitants des vallées que dans son paysage.
  • Un an après la catastrophe, un groupe d’étudiants en master s’est rendu sur place et a pu constater par eux-mêmes ce à quoi leur master les préparait : la gestion de risques environnementaux.
  • Pour avoir aidé sur place une semaine après le passage de la tempête Alex, l’ordre des architectes Paca a pris conscience de la nécessité de créer un groupe de professionnels pour aider à la gestion de crise. La première formation débute en décembre.

Le 2 octobre 2020, les vallées des Alpes-Maritimes ont vécu un phénomène « hors du commun », comme le qualifie Jean-Christophe Teobaldi, géographe consultant en prospective et habitant de Saint-Martin-Vésubie. Dans ce village, plus 500 mm de pluie sont tombés en l’espace de 12 heures, « occasionnant des lames d’eau de 50 à près de 100 millions de mètres cubes selon les bassins-versants », précise le climatologue Pierre Carrega dans un article sur le sujet. Il estime que le temps de retour pour cette crue, c’est-à-dire, la durée moyenne au cours de laquelle, statistiquement, un événement d’une même intensité peut se reproduire, est de 5.000 à 7.000 ans.

« Si on regarde le paysage, en dehors des priorités de reconstruction, commente le géographe, c’est quasiment pareil aujourd’hui qu’au lendemain de la tempête. On peut deviner à 80 % ce qu’il s’est passé. A l’œil nu, ça va laisser des traces pendant des décennies. » Rien que la largeur du lit de la rivière illustre ces propos. « Avant, c’était un cours d’eau de 15 m de large. Là, il est de 200 à 300 m. Ce qui a vraiment dévasté la vallée et ce qui en a fait un caractère encore plus exceptionnel, c’est ce sédiment semi-liquide, semi-solide qui s’est répandu avec une telle intensité. » À ces conséquences environnementales paysagères, s’ajoutent l’érosion des berges avec la création de falaises, des sédiments jusqu’à 12 m de dépôt et la fragilisation de certains versants par affouillements avec effondrements importants.

Les leçons à tirer pour la reconstruction

Toutes ces informations, Jean-Christophe Teobaldi les a transmises juste après la tempête Alex aux habitants pour qu’ils puissent « mettre des mots sur le phénomène ». Un an après, c’est avec des étudiants du master « Environmental hazards and risks management » de l’Imredd Côte d’Azur, qu’il les a partagées lors de leur venue sur place. Pour leur professeur, Dennis Fox, c’était important de leur permettre de « voir les séquelles d’un tel événement ». « Ils ont vu les cicatrices du passage d’une tempête exceptionnelle dans ce paysage encore touché, explique-t-il. En plus de voir le cas concret, ils ont rencontré les habitants et ont mesuré davantage le coût humain. »

Une route dans la vallée de la Vésubie en octobre 2021
Une route dans la vallée de la Vésubie en octobre 2021  - D. Fox

D’un côté universitaire mais aussi pratique, les étudiants ont ainsi constaté les zones vulnérables de construction, comment se déroule une crise et comment préparer au mieux les réponses à ce genre de catastrophe. Des axes auxquels ils devront penser pour leur futur car « ce sont des événements qui seront amenés à se reproduire », affirme le professeur.

Un réseau d’architectes prêts à intervenir

Pour éviter de tels dégâts à l’avenir, certains éléments sont à prévoir pour la reconstruction. Le géographe évoque la nécessité de « garder de la largeur de lit pour dissiper l’énergie d’un éventuel nouveau torrent », mais aussi « limiter les rétrécissements qui produisent des désordres en amont et en aval et agrandir les ponts ». Autre piste : « déplacer les habitations qui se trouvent dans l’axe de l’écoulement des torrents ».

En termes d’habitations, l’ordre des architectes de la région Paca a d’ailleurs décidé d’agir et d’anticiper de prochains phénomènes semblables après l’expérience de la tempête Alex. « La semaine après les événements, un groupe d’architectes est monté pour porter main forte à la cellule bâtimentaire pour faire le premier relevé des bâtiments encore existants et ceux avec des pathologies », développe Arnaud Réaux, vice-président de l’ordre des architectes Paca.

Il ajoute : « Notre rôle dans ce genre de cas, c’est de faire les diagnostics, les plans de prévention. Sachant qu’on va vivre des épisodes similaires de façon plus récurrente, il faut qu’on soit prêt à réagir à ce sujet. On a décidé de créer, avec la Fondation Architectes de l’urgence, une formation pour que les architectes soient prêts à faire des diagnostics mais aussi des reconstructions en urgence et tous les éléments nécessaires pour que la vie reprenne son cours pour la population. On pense à la gestion des bâtiments et des sols, mais aussi à l’attitude à avoir avec les sinistrés. »

Ces intempéries ont été intensifiées par de nombreux facteurs, notamment des mois de juillet et d’août très secs. D’après lui, le dérèglement climatique de ces dernières années est en partie responsable. « S’il avait fait quelques degrés de moins, il aurait neigé à 2.000 m d’altitude, on n’aurait pas eu les mêmes conséquences ». Pour aller plus loin dans l’analyse et faire profiter à une plus grande échelle ses observations, il participera d’ici peu à un groupe de recherches et travaillera sur les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée pour comprendre davantage.