Comment la société française Lhyfe veut faire décoller l’hydrogène vert en Europe
PROUESSE•Lhyfe a ouvert jeudi en Vendée la première usine de production d'hydrogène vert au monde branchée sur des éoliennes. Elle prévoit l'ouverture d'une trentaine de sites similaires d'ici à cinq ansFrédéric Brenon
L'essentiel
- La société nantaise Lhyfe fournit de l'hydrogène vert, c'est-à-dire de l'hydrogène sans recours à des énergies fossiles, ni d'électricité nucléaire.
- Sa toute première usine, à Bouin, en Vendée, fonctionne avec de l'eau de mer et des éoliennes.
- L'ambition de Lhyfe est de multiplier les unités de production en France et en Europe.
«Le potentiel de développement est immense », s’enthousiasme Matthieu Guesné, le patron de Lhyfe. Dans les transports urbains, l’automobile, l’aviation ou même la navigation, les projets utilisant l’hydrogène comme source d’énergie se multiplient partout dans le monde. Pour autant, l’approvisionnement de ce gaz ultra léger n’émettant aucun CO2 reste relativement cher et utilise essentiellement de l’hydrogène produit avec des énergies fossiles, ce qu’on appelle « l’hydrogène gris ». La société nantaise Lhyfe s'est donc mise en quête d'une solution pour fournir de grandes quantités d’hydrogène vert, celui extrait à partir d’énergies renouvelables et donc « 100 % propre ». Elle vient ce jeudi de passer de la théorie à la pratique : l’ouverture d’une véritable usine de production à Bouin, sur le littoral vendéen.
Branché à un parc éolien, le site utilise l’électricité issue du vent pour isoler de l’hydrogène à partir d’eau pompée en mer. L’eau doit d’abord être désalinisée et purifiée dans de grandes cuves, puis c’est un électrolyseur qui sépare les éléments. Les détails de la technologie ayant réussi la « prouesse » de s’adapter à l’intermittence des éoliennes sont secrètement gardés, les photographies des équipements sont d’ailleurs interdites pour se « protéger des concurrents ».
« Une poignée de sociétés produisent de l’hydrogène dans le monde. Mais on est les seuls aujourd’hui à pouvoir sortir de l’hydrogène vert comme cela à l’échelle industrielle. Ce ne fut pas chose facile. On a investi 10 millions d’euros dans cette usine, dont la moitié pour résoudre les difficultés de recherche et développement », revendique, pas peu fier, Matthieu Guesné.
Une trentaine d’usines d’ici cinq ans
Dans un premier temps, l’usine de Vendée produira 300 kg d’hydrogène par jour. Mais d’ici à fin 2022, la production doit passer à une tonne par jour. Le prix de vente avoisine 12 euros le kilo. « Pour donner un ordre de grandeur, le plein d’une voiture c’est à peu près 5 kg d’hydrogène. Avec une tonne par jour, on alimente tous les bus et camions poubelle d’une ville de 50.000 habitants. » Matthieu Guesné sait de quoi il parle : la ville de La Roche-sur-Yon (55.000 habitants) fait partie de ses premiers clients, au même titre que Le Mans. Des transporteurs privés et opérateurs logistique, comme Lidl, se sont également engagés, de même que des industriels cherchant à « décarboner » leur activité.
Mais ce n’est qu’une première étape. Car Lhyfe voit beaucoup plus grand. Une soixantaine de projets sont déjà en cours d’étude en France et dans neuf pays européens, où la société nantaise a ouvert des bureaux. Trois nouvelles usines, d’une plus grande capacité, devraient être mises en service au Danemark, en Allemagne et en Italie en 2022. Une trentaine devrait également l’imiter d’ici à 2026. « La stratégie est de multiplier les unités de production au plus près des sources d’énergies renouvelables, que ce soit des éoliennes, une centrale hydroélectrique ou du photovoltaïque. On doit rester local, le plus proche possible des clients, sinon ça n’aurait plus de sens. Nous voulons rendre l’hydrogène accessible au plus grand nombre, partout, à un prix compétitif », annonce Matthieu Guesné.
Une levée de fonds de 50 millions d’euros
Séduite, l’Ademe, l’agence de la transition écologique, soutient financièrement la démarche de Lhyfe. « Le site de Bouin démontre que le couplage entre les énergies renouvelables et la production d’hydrogène est possible, donc c’est vraiment intéressant », indique Franck Dumaitre, son directeur régional. La région Pays-de-la-Loire y croit, elle aussi, dur comme fer. Elle entend faciliter l’installation d’une unité de production d’hydrogène vert dans chacun de ses départements. Elle prévoit également le déploiement d’une ligne de cars, d’une liaison maritime et d’un TER à hydrogène. « Nous voulons faire des Pays de la Loire la première région de l’hydrogène en France », clame Christelle Morançais, présidente (LR) du conseil régional.
Pour accompagner sa croissance, Lhyfe a également annoncé jeudi une « levée de fonds de 50 millions d’euros auprès de SWEN Capital Partners, de la Banque des territoires et de ses partenaires historiques ». « C’est l’une des plus grosses levées de fonds des Green Tech au monde. C’est notre trajectoire », commente le dirigeant de Lyfe, dont les effectifs doivent passer de 60 à 140 personnes d’ici un an. Pour aller plus vite, et toucher les véhicules de particuliers par exemple, il faudra que le réseau de stations-service équipées grossisse sérieusement. A peine une cinquantaine distribuent aujourd’hui de l’hydrogène en France.