« 90 % des feux de forêt sont issus d’une action humaine »

Incendie dans le Var : « 90 % des feux de forêt sont issus d’une action humaine », selon la Sécurité civile

SINISTREAlors que l'incendie dans le Var n'est toujours pas éteint, le commandant Alexandre Jouassard, porte-parole de la Sécurité civile, explique les causes des feux
Emilie Jehanno

Propos recueillis par Emilie Jehanno

L'essentiel

  • Les actes de malveillance ou les défauts de vigilance, comme un mégot jeté, sont dans une très grande majorité des cas responsables des incendies, rappelle le commandant Jouassard.
  • L’incendie du Var est « un feu hors norme par la vitesse à laquelle il s’est propagé », avec des pointes à 8 km/h, ce qui n’avait jamais été enregistré en France, précise le porte-parole de la Sécurité civile.
  • Le dérèglement climatique aggravera les risques de feux et la Sécurité civile se prépare à des incendies « aussi intenses » dans les dix, quinze ans dans le nord de la France.

Le violent incendie dans le Var, qui a déjà ravagé 8.100 hectares, n’est toujours pas éteint ce jeudi. Alors que les conditions météorologiques s’améliorent, les pompiers s’attendent à une journée décisive. Qu’est-ce qui provoquent ces gros incendies ? Le commandant Alexandre Jouassard, porte-parole de la Sécurité civile, fait le point sur les causes des feux de forêts.

Qu’est-ce qui caractérise un incendie important ?

Un incendie majeur se différencie d’abord par sa propagation, c’est-à-dire l’importance de la surface brûlée et évidemment, l’impact direct pour les populations. Un feu de 500 ha au milieu de la campagne et un feu de 500 ha avec de nombreuses habitations directement touchées, n’ont pas le même impact.

La durée d’extinction est aussi un facteur à prendre en considération et il est souvent lié au premier point. Un feu qui est d’une surface aussi grande que celui dans le Var, c’est évidemment plus long à éteindre. En fonction des conditions météorologiques, on n’a pas le droit de laisser de points chauds ou de zones qui pourraient être réactivés par des vents.

A quoi sont dus les incendies majeurs dans la nature ?

C’est établi par nos statistiques : 90 % des feux de forêt sont issus d’une action humaine, soit un acte de malveillance avec des incendiaires, soit par défaut de vigilance avec encore des personnes qui jettent des mégots de cigarette, qui réalisent des feux de camp, des barbecues dans des zones où il est strictement interdit d’avoir des points chauds.

Concernant les 10 % qui restent, ce sont des risques naturels. C’est souvent lié à la foudre qui peut être une source d’ignition et de départ de feu.

Pourquoi les feux de forêt se développent-ils particulièrement en été ?

Les conditions météorologiques sont défavorables, car ces derniers jours, on a eu des températures extrêmes dans le Sud-Est. Il y a aussi un faible taux d’hydrométrie, c’est-à-dire le taux d’humidité. C’est un élément à prendre vraiment en considération. Si les températures sont élevées, mais qu’il y a une grosse humidité, les forêts vont moins vite s’embraser. Avec un taux d’hydrométrie bas, ce qui était le cas ces derniers jours, les arbres comme les pins parasol s’enflamment très rapidement. Sur la partie sud, il n’y a pas eu d’eau importante pendant très longtemps.

Le troisième point, c’est le vent. C’est un facteur très important parce qu’il peut développer plus longuement les feux et réaliser des sautes de feux. Ça veut dire que lorsque vous êtes face à un feu, il passe rapidement derrière vous, à 300, 500, 600 m derrière vous, d’un coup parce que les braises et les particules vont être projetées et vont devenir des sources d’ignition.

Qu’est-ce qui fait que l’incendie du Var est si particulier ?

C’est un feu hors norme par la vitesse à laquelle il s’est propagé. On a eu des pointes à 8 km/h. Il faut imaginer un front de flammes avec des hauteurs de bâtiment, à 30 m de haut, à la vitesse d’une personne qui court un petit footing. C’est impressionnant et nous n’avions pas enregistré ces vitesses de propagation avant en France. En 2003, la vitesse de propagation de l’incendie dans cette même zone était de 1,5 ou 2 km/h.

La zone, celle des Maures, est aussi difficile d’accès. Pour aller à l’intérieur du feu, il n’y a pas de pistes et donc, il faut créer des accès. Et le deuxième élément, c’est cette prise de vitesse du vent dans la vallée qui est très dangereuse. Si le vent s’engouffre là, il peut y avoir une progression plus importante.

Quelles sont les projections à moyen terme concernant les risques d’incendies majeurs en France avec le dérèglement climatique ?

Le 6e rapport du Giec la semaine dernière a fini d’enfoncer le clou sur cette thématique. Nous avons bien évidemment regardé ce qui se passe chez nos voisins européens avec des feux de plus de 50.000 ha en Suède il y a deux ans, sur des zones qui ne sont normalement pas sensibles aux feux de forêts. C’est la même chose en Sibérie.

Un travail de coordination avec Météo-France a été engagé pour qu’on puisse anticiper ces feux. Dans les dix, quinze ans, on envisage qu’il y ait des feux qui pourraient être aussi intenses que ceux qu’on a connus là, mais dans le nord du territoire, comme dans les Vosges, en Bretagne. C’est pourquoi, cette année, on a créé quatre bases pour accueillir des équipes dans la Somme, dans les Vosges et à Châteauroux.