Aude : L’extension du port de Port-la-Nouvelle, emblème de la transition écologique en Occitanie, devant le tribunal
ENVIRONNEMENT•L’extension du port de commerce de Port-la-Nouvelle doit accompagner le développement de l’éolien off-shore et de l’hydrogène vert. Elle fait l’objet d’un recours devant la justiceJérôme Diesnis
L'essentiel
- L’extension du port de commerce de Port-la-Nouvelle est au cœur du projet de transition écologique de la région Occitanie, au travers du développement des énergies renouvelables (éolien off-shore et hydrogène vert).
- Ses opposants estiment au contraire que les très importants travaux sont une catastrophe pour l’écologie. Ils ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Montpellier sur la composition de la société d’économie mixte en charge de la gestion du port.
- Environnement, emploi, aménagement du territoire et combat politique sont les enjeux de ce dossier hors norme.
Un collectif composé d‘habitants, d’associations et d’anciens élus locaux a déposé un recours devant le tribunal administratif de Montpellier contre l'extension du port de Port-la-Nouvelle, dans l’Aude.
Ce projet fut un point de crispation au conseil régional entre le parti socialiste et l’aile gauche de sa majorité lors de la précédente mandature. Et l’une des raisons pour lesquelles Carole Delga (PS), sa présidente, a refusé de négocier lors de l’entre-deux tours avec la France insoumise et EELV. 20 Minutes fait le point sur ce dossier.
- Des travaux gigantesques
L’activité du port de Port-la-Nouvelle est historiquement tournée vers l’exportation de blé dur et l’importation d’hydrocarbures. La région Occitanie, qui en a la propriété depuis 2007, a décidé en 2017 de l’agrandir pour en doubler l’activité, de 2 à 4 millions de tonnes de marchandise. Les travaux comprennent la création de digues et d’un nouveau bassin capable d’accueillir de plus grands navires, mais également la construction d’un bassin portuaire pour les activités de construction, d’assemblage, d’installation et de maintenance des éoliennes de mer flottantes. Les travaux, estimés à 234 millions d’euros, coûteraient à la collectivité 350 millions d’euros selon ses opposants.
- Un aspect écologique questionné
« Le port de Port-la-Nouvelle est au cœur de notre volonté de faire de l’Occitanie un territoire à énergie positive et nous permettre de couvrir l’ensemble de l’énergie consommée dans la région par des énergies renouvelables », souligne la vice-présidente Agnès Langevine (EELV, suspendue par son parti en novembre pour avoir soutenu Carole Delga durant la campagne). Les opposants dénoncent un « projet écocide du siècle dernier, celui des énergies fossiles, des travaux pharaoniques », selon les propos d’Albert Cormary membre du Collectif des riverains. « Le modèle économique du port est fondé sur l’importation de bois exotique, de l’augmentation de l’importation de bioéthanol et du soja du Brésil, dénonce Justine Torrecilla (EELV de l’Aude). Trois importations directement liées à la déforestation amazonienne. »
- De l’éolien flottant valorisé
Deux fermes pilotes d’éoliennes flottantes en mer, au large de Gruissan et Leucate, seront mises en exploitation en 2022. L’électricité produite par l’éolien off-shore alimentera la future usine de production d’hydrogène vert à Port-la-Nouvelle. La région finance un ambitieux plan hydrogène vert à hauteur de 150 millions d’euros. En 2022, s’ouvre l’enquête publique sur le parc commercial d’éolien en mer d’une capacité de production de 250 MW (porté ensuite à 750 MW), dont l’exploitation est prévue pour 2028. « Si l’on veut sortir de l’hydrocarbure et produire de l’énergie renouvelable, il faut des solutions, y compris industrielles, reprend Agnès Langevine. En l’occurrence éolien en mer. Le port de Port la Nouvelle est emblématique et indispensable à ce projet ».
- L’enjeu de l’emploi
Environ 200 personnes œuvrent actuellement sur le chantier. Vingt-huit des 52 entreprises qui participent aux travaux sont des entreprises locales, selon le décompte de la région « et les matériaux proviennent de quatre carrières ré́gionales », souligne Agnés Langevine. Elle attend le développement d’une filière autour de l’éolien. « Lorsque le nouveau bassin portuaire sera opérationnel, de nombreuses entreprises régionales maritimes, de logistique, de levage, d’électronique, ou encore de soudure seront mobilisées pour les différentes étapes de fabrication des éoliennes. »
- Un recours contre la structure juridique public-privée
Le recours déposé jeudi porte sur la structure du contrat de la Semop, société d’économie mixte à opération unique à laquelle la région a confié la concession de l’aménagement, l’exploitation, la gestion et le développement du port de commerce de Port-La Nouvelle. Le public en détient 49 % (34 % pour la région et 15 % pour la caisse des dépôts), le consortium privé, 51 %. La région aura la présidence du conseil d’administration. « Ici on donne au privé et on lui garantit d’encaisser les profits. Mais s’il y a des pertes, alors c’est le contribuable qui sera seul amené à payer », s’insurge Guilhem Serieys, de la France insoumise. Avec ce recours, les opposants au projet souhaitent « stopper les travaux ». Le Tribunal administratif doit statuer ce vendredi.