EDUCATIONLa Fresque du climat, le petit jeu qui a de grandes ambitions

La Fresque du climat : « Pour agir face au changement climatique, il faut le comprendre »… et c’est encore mieux en s’amusant

EDUCATIONDepuis trois ans, La Fresque du climat multiplie ses ateliers ludiques sur le changement climatique, à partir d’un jeu qu’elle a mis au point. 200.000 personnes y sont passées, 5.000 sont devenus animateurs. Et l’association voit bien plus grand encore
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • 42 cartes illustrant les grands phénomènes impliqués dans le changement climatique et qu’il faut placer dans le bon ordre, sur une fresque, des causes aux conséquences. C’est le principe de base de la Fresque du climat.
  • L’idée n’est pas seulement de s’amuser, mais aussi et surtout de répondre à l’un des défis du changement climatique, qui veut que « pour agir, il faut le comprendre ».
  • En trois ans, la Fresque du climat a fait jouer 200.000 personnes et formé 5.000 animateurs pour faire connaître le jeu à leur tour. Des chiffres qui augmenteront encore ce week-end à la Cité fertile de Pantin, où l’association a pris ses quartiers.

«C’est un jeu de 42 cartes réparties en cinq lots, que vous allez devoir relier les unes aux autres sur une fresque, de façon à faire ressortir les causes et conséquences du changement climatique », déroule Sylvie, animatrice de la Fresque du climat, avant de se lancer dans la distribution du premier lot.

Sept cartes se retrouvent ainsi dans les mains de Marion, Charlotte, Elise et Charles, les participants du jour : fonte de la banquise, émissions de CO2, activités humaines, effets de serre additionnels, hausse de la température, énergies fossiles, montée des eaux. Toutes, comme les 35 autres d’ailleurs, sont illustrées avec les graphiques tirés du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

« Un glaçon qui fond dans un verre ne le fait pas déborder »

Très vite, un consensus se dégage pour commencer la fresque par les « activités humaines » et faire enchaîner les six autres cartes. Avec d’emblée une erreur que Sylvie qualifie de « grand classique ». Celle d’avoir positionné la fonte de la banquise juste avant la montée des eaux, en pensant que la première entraînait la seconde. « Retournez la carte », souffle Sylvie. « Un glaçon qui fond dans un verre de pastis ne le fait pas déborder », y est-il écrit.

Premier « ah, oui… » d’étonnement autour de la table. Il y en aura d’autres dans les trois heures qui suivent, à mesure que Sylvie distribue la suite des lots, complexifiant peu à peu la fresque. D’autres « ah » aussi à la dizaine d’ateliers se déroulant au même moment, ce vendredi après-midi à la Cité fertile de Pantin. La Fresque du climat y a pris ses quartiers jusqu’à dimanche pour trois jours de sensibilisation au changement climatique. A coup de débats, mais aussi et surtout de ses ateliers ludiques qui ont fait la marque de fabrique de l’association.

L’histoire de la Fresque du climat commence en avril 2015 avec Cédric Ringenbach, pendant un cours informel sur le changement climatique que cet enseignant et directeur (à l’époque) du Shift Project, think-tank spécialisé sur les questions énergétiques, donnait à cinq amis. « Juste un petit atelier basé sur quelques graphiques du Giec, raconte-t-il. Mais au final très efficace pour faire entrer dans les têtes ce sujet complexe. » Cédric Ringenbach réutilise l’outil par la suite, l’améliore peu à peu, et se retrouve un beau jour de mars 2018 devant le défi de devoir faire jouer 900 étudiants d’une école de commerce parisienne en une matinée. « En quinze jours, j’ai dû former trente animateurs pour qu’ils soient chacun capable de faire jouer trente étudiants, reprend-il. Ça s’est super bien passé. »

200.000 participants en trois ans et 5.000 animateurs

Depuis, la Fresque du Climat a poursuivi sur sa lancée. En trois ans, 200.000 personnes sont passées par ses ateliers et 5.000 ont fait la démarche, ensuite, de devenir animateurs [ou fresqueurs comme ils s’appellent]. Libre à eux ensuite de monter des ateliers et de faire connaître le jeu. Auprès de leurs proches, mais pas seulement. « La quasi-totalité des grandes entreprises françaises a accueilli des ateliers de la Fresque du Climat. Nous avons fait jouer une cinquantaine de députés et 70.000 étudiants », précise-t-on à la Fresque du climat.

L’enjeu n’est pas anodin. « Pour agir face au changement climatique, il faut le comprendre », répète l’association. Les tribunes se multiplient aussi pour demander une meilleure prise en compte des enjeux climat et biodiversité dans l’enseignement. Dont celle d’un collectif d’étudiants de la haute fonction publique, dans Le Monde, pas plus tard que lundi. « C’était aussi le grand principe de la Convention citoyenne pour le climat, rappelle Sylvie. Tirer au sort 150 personnes, les former aux enjeux climatiques auprès d’experts pour qu’elles deviennent des citoyens éclairés en mesure de proposer des solutions pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. »

« Pour beaucoup, c’est une claque »

Certes, en trois heures de jeu, la Fresque du climat ne rend pas incollable sur le changement climatique. Mais c’est une excellente entrée en matière, dit Thomas, Briochin de 17 ans et animateur depuis octobre. « C’est déjà plus facile d’apprendre en jouant, commence-t-il. Et puis on a tous quelques notions sur le changement climatique, mais souvent brouillonnes. La Fresque du climat met à plat tout ça et, surtout, permet de comprendre les liens qu’il y a entre les différents phénomènes. »

Les trois heures d’ateliers ne se limitent pas non plus à mettre dans le bon ordre les 42 cartes. « Le jeu se poursuit par une phase de "créativité", qui permet aux participants de se réapproprier les connaissances vues juste avant en dessinant et en donnant un nom à leur fresque, détaille Chrystelle Bontemps, responsable RH à la Fresque du Climat. Et se termine par une discussion, au cours de laquelle on partage nos ressentis et on réfléchit collectivement aux pistes concrètes. »

Pas toujours facile à mener ces ateliers. Sylvie en sait quelque chose, elle qui a une cinquantaine d’animations au compteur engrangées ces derniers mois. La grande majorité au sein d’EDF, où elle travaille, et où l’ambition affichée est de faire passer les 165.000 salariés par la Fresque du climat. « C’est très intéressant auprès d’un public qui n’a pas toujours demandé à venir, reprend-elle. Bien sûr, certains viennent à reculons, déclarent d’emblée qu’il y a toujours eu des changements climatiques dans l’Histoire. Mais pour beaucoup, c’est une claque. Aux derniers ateliers, j’ai même été applaudie. »

Viser le million de participants d’ici à fin 2022

« Maintenant, vous savez et vous avez le devoir moral d’agir », conclut toujours la fresqueuse. Et ça marche ? « Il n’y a pas réellement de suivi de ce que font les participants, répond Thomas. Mais la plus belle des récompenses est de croiser un animateur passé par un des ateliers. » Les chiffres aussi donnent le sourire à Cédric Ringenbach. « On fait x 5 tous les ans, glisse-t-il en parlant du nombre de personnes sensibilisées. On vise le cap du million avant fin 2022. » Pour y parvenir, l’association, qui a déjà mis au point plusieurs versions de son jeu, notamment pour les enfants, s’apprête à lancer un label pour inciter les entreprises à déployer la Fresque en interne. « C’est-à-dire de façon autonome, après qu’on a formé parmi leurs salariés des animateurs », précise Cédric Ringenbach.

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Mais pour atteindre ce cap du million, il faudra s’exporter hors de France, reprend le fondateur. Le jeu est à ce jour traduit dans 25 langues. L’idée est de s’inviter à la COP26 de Glasgow et d’entrer en contact avec les représentants des grands pays émetteurs de CO2, pour qu’ils déploient leur outil chez eux. Une campagne de crowdfunding vient d’être lancée pour passer à cette échelle internationale.

Trois jours pour comprendre le défi climatique à la Cité fertile

Dans le cadre des « 12 week-end pour les ODD », un appel à projet lancé chaque année par la Cité Fertile, le tiers lieu installé à Pantin met à disposition ses espaces au profit de structures engagées dans l’Economie environnementale, sociale et solidaire (ESS). Ce week-end, c’est la Fresque du climat qui en profite et investit les lieux pour trois jours de sensibilisations au défi climatique. Au programme : des conférences et tables rondes (qu’il est aussi possible de suivre en ligne). Mais aussi, donc, des ateliers ludiques, la marque de fabrique de l’association. Entrée libre mais les ateliers sont payants (10 euros pour les adultes, donations libres pour les chômeurs et les étudiants). Tous les détails à retrouver ici.