Australie : Les fermiers font face à une invasion de souris qui dévorent les récoltes
FLEAU•Les fermiers sont totalement impuissants face à ses milliers de rongeurs qui se déplacent en horde20 Minutes avec AFP
Vous avez peut-être vu sur les réseaux, ses vidéos cauchemardesques où l’on voit des milliers de souris grouiller dans des granges, des habitations et se déplaçant par hordes à vive allure. Les images ont été tournées en Australie. Après plusieurs années de sécheresse, de mois de feux de forêt dévastateurs à la fin 2019 et des inondations qui ont suivi, les fermiers de l’est du pays doivent désormais faire face à une invasion de souris qui dévorent leurs récoltes et face auxquelles ils sont complètement impuissants.
« Mon père est toujours en vie, il a 93 ans, et ce sont les trois pires années de sa vie. Je pense que c’est probablement la pire invasion de souris jamais enregistrée », selon Col Tink, fermier éleveur de bovins près de Dubbo, une petite ville reculée de Nouvelle-Galles du Sud. Il redoute que ce fléau ne perdure lors de l’hiver austral, qui débute en juin. « Si nous n’avons pas un hiver vraiment froid et humide, je m’inquiète un peu de ce qui va se passer au printemps », a expliqué cet homme de 65 ans.
Débarqué en Australie avec les premiers colons britanniques
Steve Henry, chercheur au sein de CSIRO, le centre de recherche scientifique public, n’est guère plus optimiste. « Quand une telle invasion de souris prend fin, elles disparaissent du jour au lendemain et ce n’est pas ce à quoi nous assistons actuellement », explique Steve Henry, spécialiste des animaux nuisibles depuis près de trois décennies.
Les souris ont débarqué en Australie avec les premiers colons britanniques. Ce minuscule rongeur s’adapte parfaitement aux bonnes et mauvaises performances de l’agriculture australienne, liées au climat. Ce fléau est donc fréquent mais cette année, il a atteint des sommets.
Le changement climatique pourrait rendre ce phénomène plus fréquent
Cette année, les chiffres sont « tout simplement astronomiques », selon Terry Fishpool, 74 ans, un producteur de céréales de Tottenham, en Nouvelle-Galles du Sud. De grandes quantités de rongeurs ont été signalées dès le mois d’octobre et une récolte exceptionnelle, après la pire sécheresse jamais enregistrée, leur a permis de proliférer.
Bill Bateman, professeur associé à l’université Curtin en Australie-Occidentale, estime que jusqu’à présent, ces invasions de souris ne se produisaient qu’une fois par décennie, mais le changement climatique pourrait rendre ce phénomène plus fréquent. « Si nous n’avons plus d’hivers rigoureux, les souris auront de quoi survivre toute l’année, alors cela va devenir chronique », estime Bill Bateman.
Un pesticide dangereux pour l’environnement comme solution ?
Face à ce fléau, le gouvernement australien a annoncé un plan d’aide de plusieurs millions de dollars et mis au point un puissant pesticide, la bromadiolone, qui n’a pas encore été approuvé par les autorités. Mais cet anti-coagulant, qui agit plus rapidement et efficacement que les pesticides jusqu’ici répandus, a pour inconvénient de rester plus longtemps dans l’organisme des souris mortes ou agonisantes.
Les experts redoutent donc qu’il ne tue également les animaux qui mangeront ensuite les souris empoisonnées. « L’utilisation de ce produit de deuxième génération de lutte contre les rongeurs est extrêmement inquiétante », estime Bill Bateman, de l’école des sciences moléculaires et de la vie. « C’est une pente dangereuse » et son utilisation sur le long terme et rester dans l’environnement. En tuant les prédateurs naturels, il pourrait empoisonner les humains à travers la chaîne alimentaire, selon lui.
« Nous allons vraiment nous attirer des ennuis à l’avenir, non seulement en détruisant notre biodiversité, mais aussi en détruisant nos moyens de défense contre toute future invasion de souris ». Pour Steve Henry, un usage des insecticides, des pièges et des méthodes jusque-là utilisés pourrait contribuer à réduire le nombre de souris si leur population continue d’augmenter après l’hiver. Pour lui la priorité est donc de chercher des solutions à long terme, y compris sur les causes de cet « énorme » fléau.