Bretagne : Sur cette plage des Côtes d’Armor, on a presque dit au revoir aux algues vertes
POLLUTION•Autrefois symbole de la pollution de l’agriculture, la grève a vu la situation s’améliorer grâce aux efforts des agriculteursCamille Allain
L'essentiel
- En Bretagne, les algues vertes demeurent un fléau. Mais dans certains secteurs, les échouages ont tendance à diminuer.
- Dans la baie de Saint-Michel-en-Grève, les efforts des agriculteurs ont permis de faire baisser les concentrations en nitrates et de limiter les rejets en mer.
- La justice a condamné l’Etat français à durcir ses mesures pour lutter plus efficacement contre le phénomène.
Il voit régulièrement les photos du passé resurgir et ça le rend vert. Nouveau maire de Saint-Michel-en-Grève, dans les Côtes d’Armor, François Ponchon sait que sa commune a longtemps été le symbole du désastre des algues vertes. En 2009, le Premier ministre François Fillon s’y était rendu, quelques semaines après la mort subite d’un cheval, victime de l’hydrogène sulfuré dégagé par les algues en putréfaction. Mais depuis, beaucoup de choses ont changé au fond de la grève. Si la commune n’a pas dit adieu aux algues vertes, elle a vu les échouages baisser très fortement.
Alors que le ramassage a déjà commencé dans la baie de Saint-Brieuc, qui concentre 90 % des échouages cette année, la plage de Saint-Michel est toujours propre en ce début du mois de juin. Dix ans après le lancement du premier plan de lutte contre les algues vertes, la baie de Saint-Michel pourrait être citée comme un exemple de réussite. Sommé par la justice de durcir ses mesures, l’État pourra-t-il s’en inspirer ? Pas impossible. D’autant que la préfecture n’a que quatre mois pour présenter son nouveau plan.
« Tout n’est pas parfait. Mais la tendance à une baisse générale depuis 2015. Cela montre que les actions mises en œuvre produisent leur effet ». Maire de Saint-Michel-en-Grève, François Ponchon se dit satisfait. Sur les cinq cours d’eau de son bassin-versant, quatre sont déjà passés sous la barre de 20 mg de nitrates. Les tonnages ramassés ont alors commencé à baisser : 23.000 tonnes en 2018, 15.000 en 2019 et 8.700 en 2020.
Certains agriculteurs refusent de s’engager
La raison de cette amélioration est à mettre au crédit des agriculteurs. En acceptant de s’inscrire dans une « boucle vertueuse », la plupart d’entre eux ont diminué leurs rejets. Comment ? « En favorisant les terres enherbées, en couvrant les sols en hiver, en limitant le maïs », poursuit le maire. Pour convaincre la profession de s’engager, l’État et l’Agence locale de l’eau ont consenti des aides financières qui ont évidemment pesé dans la balance et 27 fermes sont passées en bio. « Pour moi, la solution c’est que les fermes soient autonomes en alimentation. Qu’elles nourrissent leurs vaches avec de l’herbe, pas avec du maïs. Mais pour cela, il faut qu’elles réduisent leur taille », prévient Yann Yobé, éleveur de vaches à Saint-Alban près du cap Fréhel.
Le défi, c’est de convaincre. A Saint-Michel-en-Grève, toutes les exploitations n’ont pas accepté de s’engager. Une vingtaine des 140 agriculteurs que compte la baie refusent de changer leurs pratiques. Un choix qui révolte les associations environnementales, qui réclament des mesures plus contraignantes, comme le Sénat et la Cour des comptes dans leurs récents rapports. « La Bretagne n’est pas une terre de maïs donc il faut ajouter des intrants pour qu’il pousse. Il faut que ça change. Il faut que notre agriculture change », estime André Ollivro, infatigable militant anti algues vertes. Basé à Hillion, dans les Côtes d’Armor, l’ancien président de l’association Halte aux marées vertes demande à l’État de « mieux accompagner les agriculteurs » mais aussi d’élargir le plan de lutte à toute la Bretagne, et pas seulement aux huit baies concernées. Dans ce secteur où 1.500 exploitations cohabitent, les plages sont submergées par les ulves, alors que les concentrations en nitrates sont aussi en baisse. La nature des sols et la configuration de la baie semblent condamner Saint-Brieuc à vivre avec les tristement célèbres algues.
Les stations d’épuration aussi
Qu’elle se rassure, la préfecture des Côtes d’Armor n’est pas la seule concernée. Depuis quelques années, les abords de Lorient sont tapissés de vert, notamment dans les vasières où le ramassage est difficile. L’État va devoir trouver les bonnes solutions et guetter ses stations d’épuration, qui débordent régulièrement et polluent aussi les cours d’eau. Mais il faudra faire preuve de persuasion, dans une région où l’agrobusiness demeure tout puissant.