Hérault : Emilie et Benjamin, vignerons et youtubeurs, « combatifs » après le dramatique épisode de gel
VIGNES•Emilie Faucheron avait témoigné de son émotion, le 8 avril, devant ses vignes ravagées par le froidNicolas Bonzom
L'essentiel
- Comme ailleurs en France, à Montady, l’exploitation viticole d’Emilie et Benjamin Faucheron a été ravagée par un épisode de gel inédit, le 8 avril dernier.
- Ce jour-là, la vigneronne de 35 ans a partagé sa vive émotion, sur la chaîne YouTube du domaine, dans une vidéo qui a été vue plus de 120.000 fois.
- Trois semaines après, le couple se dit « combatif » et tente de sauver sa récolte.
Le 8 avril dernier, sur la chaîne Youtube de son exploitation, Emilie Faucheron n’a pas caché ses larmes, devant ses vignes, ravagées par le gel. « Tout ça, c’est mort, et là derrière, c’est mort », rageait la jeune femme, en sanglots devant l’une de ses parcelles, bousillée par un épisode météo d’une ampleur inédite. « C’est affreux ! J’ai l’impression d’avoir travaillé pour rien. Tout est foutu. » Pendant la nuit, son domaine de la Grande Canague, à Montady (Hérault), a été fracassé par un froid glacial, jusqu’à – 6°C.
Dans le département, aucune exploitation n’a été épargnée. « Je sais qu’on n’est pas les seuls, on est nombreux dans cette situation, déplorait la jeune femme, dans sa vidéo (ici), vue plus de 120.000 fois. Tout le monde est dans le même état que nous. »
« Cela faisait déjà une heure que je pleurais, et je n’arrivais pas à m’arrêter »
Ce jour-là, Emilie Faucheron s’apprêtait à publier une petite vidéo, pour raconter, comme chaque jeudi, son quotidien de vigneronne. « J’avais préparé une vidéo, qui n’avait rien à voir avec la gelée », se souvient Emilie Faucheron à 20 Minutes, ce lundi, trois semaines après la catastrophe qui a gelé 80 % de son domaine. « J’étais sous le choc. Je voulais simplement dire aux abonnés qu’il n’y aurait pas de vidéo, parce que je n’avais pas le cœur à ça. Toutes les vidéos, on les fait avec le sourire. On essaie toujours de montrer le côté positif du métier, même quand c’est difficile. Mais ce jeudi-là, ce n’était pas possible. Cela faisait déjà une heure que je pleurais, et je n’arrivais pas à m’arrêter. »
Dans les heures qui ont suivi, Emilie et Benjamin Faucheron se sont même demandé s’ils n’allaient pas tout laisser tomber, et laisser cette activité si rude à d’autres. Car si ce domaine de 60 hectares est une exploitation familiale, qu’ils ont reprise en 2014, il a fallu la racheter. Et le couple a toujours des crédits sur le dos. « J’ai dit à Benjamin "On vend tout, on arrête, j’en ai marre", reprend la vigneronne de 35 ans, ex-commerciale dans l’agriculture. Ce n’est vraiment pas un métier facile. On travaille avec le climat, avec le vivant. Des années compliquées, on en a eu, ce n’est pas la première. Mais perdre tout, d’un coup, comme ça, en un instant, cela ne nous était jamais arrivé. »
« On ne va rien lâcher »
« De nombreuses fois, dans le passé, on a eu du mal à joindre les deux bouts, reprend son compagnon, Benjamin. Je me suis dit qu’on n’allait jamais s’en remettre. » Mais la passion a repris le dessus. Trois semaines après, les vignerons, élus Miss et Mister agricole en 2019, se disent « combatifs ». « On ne va rien lâcher, promet Emilie Faucheron. D’habitude, on ne lâche rien. Mais là, on ne lâche encore moins que rien. Il faut absolument que l’on sorte une récolte. » Ce lundi, sur les 80 % du domaine sinistré, trois hectares semblaient redémarrer « très, très, très timidement, nuance la vigneronne. On va attendre encore deux semaines. Si dans deux semaines, ça n’a pas redémarré, ça ne redémarrera pas. » « Pour l’instant, on ne sait pas », confirme Benjamin Faucheron.
Les aides de l’Etat ? « On préfère miser sur notre travail à nous, que sur les aides », soupire la vigneronne. Un travail que ce couple de trentenaires, qui a converti à partir de 2017 le domaine au bio, valorise sur une chaîne YouTube, La Vitibio d’Emilie et Benjamin, suivie par plus de 13.600 curieux. En 2018, ces vidéos étaient destinées, d’abord, aux « copains agriculteurs », « pour leur montrer comment on travaille, explique Emilie Faucheron. Et comme je n’étais pas très douée en informatique, je mettais les vidéos en public. Et on s’est rendu compte que des gens que l’on ne connaissait pas commentaient nos vidéos ! On s’est dit que puisque ça plaisait, on allait continuer ! »
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Toutes les semaines, le couple explique ainsi aux internautes « ce qu’il y a derrière la bouteille ». Et c’est aussi via leur chaîne YouTube, le 8 avril dernier, que les deux vignerons ont reçu des milliers de messages de soutien et d’encouragement. « D’anciens viticulteurs nous ont dit de ne pas laisser tomber, qu’ils avaient déjà vécu ça », reprend la jeune femme. Si la période est délicate, ces vignerons et Youtubeurs ont, tout de même, de quoi se réjouir : la cave coopérative dans laquelle leur raisin est vinifié leur a permis, depuis la semaine dernière, d’avoir les premières bouteilles à leur nom.