Toulouse : A l'heure de l'agriculture urbaine, peut-on cultiver bio dans un environnement pollué ?
AGRICULTURE•Camille Dumat, chercheuse toulousaine, spécialisée dans les questions de pollution des sols et fondatrice du réseau Agriville, participe à une conférence ce mardi sur le sujetBéatrice Colin
L'essentiel
- L’agriculture urbaine se développe de plus en plus en ville. Avec cette tendance de fond, se pose notamment la question de la pollution des sols, parfois d’anciens sites industriels.
- L’association toulousaine «Partageons les jardins» organise une visioconférence mardi sur cette thématique avec Camille Dumat, chercheuse spécialiste de ces questions et fondatrice du réseau Agriville.
Des potagers poussent désormais au milieu des barres d’immeuble. Après avoir été longtemps cantonnée au monde rural, l’agriculture se fait de plus en plus urbaine. Une lame de fond qui touche toutes les grandes villes de France, mais non sans susciter certaines questions : quelle est la qualité des sols dans lesquels poussent les tomates des néojardiniers ou l’impact de la pollution ambiante sur leurs plantations?
« Comment faire pousser des légumes bio dans un environnement pollué ? A quelle pollution est-on exposé en consommant cette production ? ». Autant de questions auxquelles Camille Dumat, professeure à l’École nationale supérieure agronomique de Toulouse (INP-ENSAT) apportera des réponses lors de la conférence en ligne organisée ce mardi par l’association toulousaine « Partageons les jardins ».
« Il y a des sites plus pollués que d’autres en Occitanie, on peut avoir des agricultures et jardins en plein sol dans la plupart des endroits, à des exceptions comme dans l’Aude, à Salsigne, il y faut mieux éviter », pose celle qui a fondé le réseau Agriville, une plateforme d’échanges sur les ressources, innovations et recherches participatives en matière d’agricultures urbaines. Elle permet de mettre en commun aussi bien les informations des associations de jardiniers, que des collectivités ou de responsables comme l’Ademe.
Il y a encore une vingtaine d’années, il était difficile de savoir si l’usine qui était installée auparavant sur un site utilisait des produits chimiques susceptibles de polluer le sol. « Aujourd’hui, il existe des outils, notamment des inventaires comme Basol et Basiasqui permettent, par exemple, de savoir s’il y a eu usage de métaux lourds », poursuit Camille Dumat.
Pollution des villes et des champs
Il arrive parfois que cette pollution soit détectée, comme ce fut le cas il y a quelques années à Castanet, au sud de Toulouse, où, après analyses, on s’est rendu compte qu’il y avait une concentration d’arsenic au sein des puits des jardins collectifs. « Nous avons contacté l’Agence régionale de santé qui a fait des prélèvements et les puits ont été fermés. Ils ont pu continuer à exploiter les jardins car les sols n’étaient pas le problème », raconte la professeure de l’Ensat.
Pour elle, avant de se lancer, il faut faire une petite enquête préalable sur l’environnement du site et faire quelques analyses pour détecter, par exemple, la présence de métaux. Cela évitera par la suite de devoir dépolluer, ce qui coûte très cher, comme ce fut le cas à Montreuil il y a quelques années, où les productions maraîchères et fruitières du site des « Murs à pêches » se sont avérées contenir du cadmium ou encore du zinc, bien au-dessus des seuils réglementaires.
Reste que la pollution des sols n’est pas la seule à être présente en ville. Avec la circulation automobile, l’air ambiant peut aussi être chargé en métaux lourds comme le plomb. « Le centre-ville n’est plus forcément le plus pollué, parce qu’il y a de moins en moins de voitures et plus de produits phytosanitaires utilisés par les collectivités dans les espaces verts, ce qui n’est pas le cas dans les campagnes ou à proximité des rocades où l’on retrouve les émissions des véhicules », argumente Camille Dumat. Avant de conclure, que, plutôt de traiter ou chercher à confiner la pollution pour cultiver, « il faut en amont tout faire pour éviter les sources de pollution ».