Nouvelle-Aquitaine : Les serpents vont bientôt pointer le bout de leur nez (et ça va bien se passer)
PAS DE PANIQUE•SOS Serpents a enregistré l’an passé près de 500 signalements, le double qu’en 2019, ce qui ne veut pas dire qu’il y a une hausse des populations dans la région
Mickaël Bosredon
L'essentiel
- Le premier confinement de 2020 a eu pour effet de gonfler les signalements de serpents dans la région.
- Attention à l’effet trompe-l’œil, car malheureusement on observe un effondrement des populations chez quasiment toutes les espèces.
- Les spécialistes implorent donc de laisser tranquille le reptile, s’il venait par accident se réfugier dans votre jardin ou votre garage, d’autant plus qu’il y a de grandes chances qu’il s’agisse d’une couleuvre inoffensive.
Il n’y a eu qu’une dizaine de signalements depuis le début de l’année, mais, à la faveur de la hausse des températures, les populations de serpents vont bientôt pointer le bout de leur nez en plus grand nombre dans la région. « Il fait encore un peu froid, mais début avril ça va vraiment démarrer » annonce Matthieu Berroneau, herpétologue, et responsable de SOS Serpents d’Aquitaine au sein de l’association Cistude Nature.
L’an passé à la même époque, démarrait le premier confinement. Il avait été synonyme d’une explosion des signalements de serpents sur le territoire de l'ex-Aquitaine, notamment autour de Bordeaux. « Au total, nous avons enregistré 472 appels en 2020, soit le double de 2019, relève Matthieu Berroneau. Plusieurs paramètres ont joué, notamment le fait que les gens ont été plus souvent dans leur jardin et ont donc fait davantage attention à ce qu’il s’y passait. Il y a eu aussi pas mal de publicité autour de notre action, si bien que nous avons été plus sollicités que d'ordinaire. » Malheureusement, cette hausse des signalements « n’est pas synonyme d’une augmentation des populations de serpents, tout juste peut-on espérer que la baisse du trafic routier aura épargné quelques vies… »
Le « coup de pelle » serait moins un réflexe qu'autrefois
Bien au contraire, on constate plutôt un effondrement des populations, chez quasiment toutes les espèces. Et la circulation routière est la cause de mortalité principale du serpent, devant la destruction de son habitat naturel en raison de l'urbanisation. « Ce sont des animaux qui doivent se déplacer au sol, qui ne sont pas très rapides, surtout sur des surfaces lisses, et ils sont donc régulièrement victimes d'écrasements » explique l’herpétologue.
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L’humain ayant également la fâcheuse tendance à sortir la pelle face au serpent qui a eu le malheur de venir se réfugier dans son jardin ou son garage, cela ne favorise pas non plus la survie de l’espèce. « C’est toujours vrai, même si une prise de conscience s’est opérée chez pas mal de citoyens et que c’est peut-être moins un réflexe qu’autrefois » pense Matthieu Berroneau. Il faut rappeler au passage qu’il est formellement interdit de tuer un serpent, même chez soi, puisque ce sont des espèces protégées. Y compris les vipères qui n’étaient que partiellement protégées jusqu’à l’an dernier, et qui le sont intégralement depuis cette année, au même titre que les couleuvres.
Une couleuvre signalée dans un jardin près des quais de Bordeaux
En Nouvelle-Aquitaine, on trouve encore neuf espèces de serpents, dont la couleuvre verte et jaune, la plus répandue, qui concerne environ 80 % des signalements. « C’est quasiment la seule qui arrive à s’adapter aux zones urbanisées, elle survit en longeant les haies, en passant dans les buissons, et elle a la chance d’être assez rapide donc elle passe moins de temps sur la route… » analyse Matthieu Berroneau. Les spécialistes ont ainsi pu l’observer autour de la rocade de Bordeaux, où elle arrive à vivre en trouvant de la nourriture, comme des jeunes rats et des campagnols. « L'an dernier, j’ai même eu deux ou trois signalements dans le centre de Bordeaux, dont un dans une habitation au niveau des quais, où elle était réfugiée dans un jardin. »
Pour les huit autres espèces de serpents régionales, en revanche, c’est la cata puisque l’on observe un effondrement des populations. « Autour de Bordeaux on trouve encore un peu de couleuvres à collier – qui s’appelle maintenant la couleuvre helvétique – près des rares zones humides encore préservées, il y a aussi la couleuvre vipérine, une espèce aquatique que l'on ne trouve plus que dans deux ou trois sites, alors qu’elle était abondante il y a un siècle dans le secteur de Bordeaux, ou encore la vipère aspic, que l’on trouvait aussi en abondance il y a cent ans, et qui a énormément régressé, puisqu’on ne la trouve guère plus que dans le Médoc et le massif landais… Exceptionnellement, on a eu un signalement dans l’Entre-Deux-Mers l’an dernier. »
Un seul mot d'ordre : laissez-le tranquille
Si la plupart des signalements concernent au final la couleuvre verte et jaune, « les gens font très souvent la confusion avec la vipère aspic » relève Matthieu Berroneau. Si un reptile vient se réfugier chez vous, « le mieux est de faire une photo et de nous l’envoyer, ce qui nous permettra d’identifier avec précision l’espèce à laquelle vous avez affaire » explique le spécialiste. Et si le serpent est entré dans votre garage, « laissez-le tranquille, généralement il ressort de lui-même au bout de quelques heures. »
Parmi ces espèces, seule la vipère aspic est véritablement dangereuse. « La couleuvre à collier ne mord jamais, elle donne des coups de tête ou simule la mort quand elle se sent en danger, la couleuvre verte et jaune mord, mais n’est pas venimeuse, à l’inverse de la vipère aspic dont le venin peut avoir des effets sérieux » détaille le spécialiste. Mais généralement on ne craint rien si on ne s’en approche pas. « Le serpent ne mord que lorsqu’on le saisit ou quand on met le pied dessus, c’est un réflexe pour se défendre, au même titre que d’autres animaux. »
Vous pouvez contacter SOS Serpents au 06.40.98.42.04