Nuage de sable du Sahara : « Plusieurs dizaines de milliers de tonnes de poussières » sont tombées, d’après un premier calcul
METEO•Grâce aux échantillons envoyés par les promeneurs, à Toulouse et Grenoble des chercheurs étudient l’impressionnant phénomène qui a coloré nos montagnes enneigées. Une expérience concluante de science participativeHélène Ménal
L'essentiel
- Après un appel aux promeneurs, des chercheurs toulousains et grenoblois ont pu collecter quelque 200 échantillons de neige teintée parle fameux nuage saharien.
- Une première estimation évalue à plusieurs dizaines de milliers de tonnes de poussières l’ampleur du phénomène.
- Effet sur la fonte du manteau neigeux, radioactivité... Les fameux échantillons n'ont pas fini d'être exploités.
Un afflux de pots de confiture, de sacs de congélation et de boîtes en plastique en tous genres sur les paillasses et dans les frigos des laboratoires. Voilà, en plus des images spectaculaires et des pics de pollution, l’autre effet produit par le fameux nuage du Sahara qui a repeint en ocre les Alpes et les Pyrénées lors du premier week-end de février. Devant l’ampleur du phénomène, et dans le but de la quantifier, le centre d’études spatiales de la biosphère à Toulouse (Cesbio-CNRS), et des laboratoires du Centre national de recherches météorologique de Grenoble avaient lancé un appel aux montagnards, habitants ou promeneurs du dimanche, pour récolter des échantillons.
Mission réussie. Les chercheurs ont reçu près de 200 envois, pyrénéens ou alpins, français ou même suisses. Les parents des amis des collègues des chercheurs se sont mobilisés, mais pas que. « Une dame, qui travaillait aux remontées mécaniques fermées avait du temps. Elle m’a envoyé trois échantillons », raconte Simon Gascoin, le chercheur toulousain à l’origine de l’appel, qui salue les efforts des amateurs pour respecter les consignes, pour calibrer leurs échantillons et donc permettre de quantifier le phénomène au mètre carré.
Défier les satellites d’observation
Si certains « carottages » de sable orange ont été congelés, la plupart ont été vidés et filtrés pour n’en garder que le contenu saharien – pas vraiment du sable à proprement parler mais plutôt des poussières – et pour le soupeser. Verdict du premier épisode, le plus impressionnant ? « Selon nos premiers calculs, il est tombé plusieurs dizaines de milliers de tonnes de poussières », assure Simon Gascoin.
Les analyses vont se poursuivre. Au Centre d’études la neige de Grenoble (CNRM), Marion Réveillet a tout juste fini mercredi d’étiqueter, avec des collègues, les derniers échantillons pyrénéens. Elle attend le résultat précis des analyses de poids pour faire tourner ses modèles météo et évaluer « l’impact de l’épisode sur la fonte du manteau neigeux ». « On sait déjà qu’il peut être très fort car quand la neige est plus foncée, elle absorbe plus de chaleur, plus d’énergie et fond plus vite », explique la spécialiste.
Cette expérience de science participative, organisée au débotté, va aussi permettre de mettre au défi les satellites d’observation de la Terre. « Nous allons vérifier s’ils sont en mesure de bien quantifier les poussières », précise Simon Gascoin. Cela évitera, au prochain nuage exotique, d’envoyer une horde de promeneurs.
Enfin des échantillons seront aussi envoyés, à leur demande, aux chercheurs du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), pour croiser les premières données obtenues par une association, et pour l’heure sur la base d’un seul point géographique, sur l’inquiétante présence de particules radioactives dans ces poussières.