Rennes : Une maison de la semence pour adapter les jardins au réchauffement climatique
AGRICULTURE•L’association Kaol Kozh va prochainement ouvrir un jardin et une maison d’essences paysannes à la PrévalayeCamille Allain
L'essentiel
- A Rennes, une maison de la semence paysanne est en projet. Portée par l’association bretonne Kaol Kozh, elle vise à informer les maraîchers et jardiniers sur les bienfaits des graines naturelles.
- L’association milite contre les graines hybrides conçues par de grands groupes comme Monsanto ou Bayer.
- Une grande grainothèque a déjà été constituée et plus de 600 variétés de fruits et légumes sont déjà recensées.
Ils l’appellent « la maison de semences paysannes ». Derrière ce petit nom, se cache le formidable projet d’une association bretonne baptisée Kaol Kozh. Né dans le Finistère en 2007 à l’initiative de plusieurs agriculteurs, ce collectif se bat depuis bien longtemps pour faire reconnaître les vertus des semences paysannes. Un combat contre les graines hybrides que l’on impose aux maraîchers mais qui sont impossibles à reproduire ou à replanter. Mais surtout un combat pour faire avancer la biodiversité et se servir de la nature pour s’adapter au changement climatique.
Après avoir ouvert une première maison de la graine à Roscoff il y a deux ans, Kaol Kozh va prochainement implanter son jardin à la Prévalaye, écrin de biodiversité situé à Rennes, où le projet d'extension du Stade Rennais fait beaucoup causer. « Aujourd’hui, 90 % des légumes bio sont issus de graines hybrides de type F1. Cela veut dire que l’on peut acheter des légumes bio issus de semences Monsanto. Cela interroge, non ? Nous estimons que les graines font partie d’un patrimoine mondial, elles n’appartiennent à personne », glisse Marc Sire, l’unique salarié de l’association.
D’ici quelques semaines, la maison ouvrira ses portes aux maraîchers et jardiniers de la région de Rennes. Ce potager expérimental servira comme support de formation mais surtout de lieu de test mesurer l’adaptation des plantes à leur environnement.
« « Les semences paysannes prennent tout leur sens avec le réchauffement climatique. Elles savent s’adapter à la chaleur, aux sécheresses. Elles s’intègrent dans un environnement qui change ». »
Cette capacité d’adaptation, Jean-Martiel Morel la constate depuis des années. Installé à Chavagne, près de Rennes, ce maraîcher en agriculture biologique récolte ses propres graines depuis bien longtemps. « J’ai semé sept ou huit variétés de carottes l’an dernier. Celles qui ont le mieux marché, ce sont celles qui poussent chez moi depuis cinq ans. Elles sont adaptées à la terre, à l’ensoleillement. Elles sont beaucoup moins fragiles et beaucoup moins malades », explique cet agriculteur militant.
« C’est un vrai pouvoir, pas juste un truc de vieux paysan »
Jean-Martial Morel sera l’un des animateurs de cette maison de la semence et espère en faire une arme de persuasion pour convaincre les professionnels d’abandonner les graines hybrides au profit du « naturel ». Depuis quelques années, son association a contribué à faire renaître de vieilles variétés portées disparues comme le chou de Lorient, la carotte rouge-sang ou bon nombre de courges. « Économiquement, je pense que ça s’équilibre car les graines ne nous coûtent plus rien mais cela demande du temps de les récolter, les stocker. Mais il y a un vrai plaisir à semer les graines que l’on a produites soi-même. C’est un vrai pouvoir, pas juste un truc de vieux paysan », estime le maraîcher breton.
Cette vitrine potagère n’aura pas vocation à vendre sa production de graines mais plutôt à les offrir à des jardiniers professionnels ou amateurs souhaitant changer leurs méthodes. La grainothèque de Kaol Kozh compte déjà plus de 600 variétés, dont au moins 150 uniquement de tomates. Des fruits et des légumes de toutes les tailles et de toutes les couleurs qui ont su s’adapter aux contraintes de la Bretagne pour produire des graines robustes, en perpétuelle adaptation. Suffisamment robustes pour s’éviter tout traitement chimique.