Var : Un parc éolien proche de la Sainte-Victoire sous le feu des critiques
EOLIENNES•Une vingtaine d’éoliennes ont été installées dans le Haut-Var, à proximité du site de la Sainte-Victoire, un projet qui concentre « tout ce qu’il ne faut pas faire », selon ses détracteurs
Adrien Max
L'essentiel
- Une vingtaine d’éoliennes ont été installées dans le Haut-Var, à une quinzaine de kilomètres de la montagne Sainte-Victoire.
- Une pétition, parrainée par Stéphane Bern a été lancée sur Internet contre ce projet.
- Selon ses détracteurs, ce site concentre toutes les critiques contre l’éolien : atteinte au paysage, création d’un « appel d’air », et bataille juridique.
Une vingtaine d’éoliennes et au moins autant de critiques. La société Provencialis exploite 22 éoliennes de 125 mètres de haut sur les communes d’Artigues et d’Ollières, dans le Haut-Var. Des géantes accusées de défigurer ce paysage provençal avec en arrière plan la Sainte-Victoire si chère à Cézanne. Derrière ces problématiques écologiques réside aussi un combat judiciaire. Explications.
Atteinte aux paysages et à la biodiversité
Les 22 éoliennes ont été installées sur les communes d’Artigues et d’Ollières, à une quinzaine de kilomètres à vol d’oiseau de la montagne Sainte-Victoire. « Ce sont des paysages emblématiques, parmi les plus fameux de France même si ce n’est pas le côté peint par Cézanne. Et pour les installer il a fallu creuser des pistes, briser la roche ce qui a des conséquences sur la biodiversité », pointe Julien Lacaze, président de l’association Sites et Monuments.
Marc-Antoine Chavanis, correspondant local de l’association, pointe lui le Grenelle de l’environnement et la trame bleue et verte. « Il y a un impératif de respecter les réservoirs de biodiversité et les communications entre ces réservoirs par des corridors. Or ce site est en bordure du grand site Sainte-Victoire dans une zone classée natura 2000. Quand vous allez sur le site Internet de la Sainte-Victoire il se félicite du classement de cette zone depuis 15 ans, alors qu’ils ont collé des éoliennes dans un site classé qui est en plus un corridor. C’est invraisemblable », fustige-t-il.
Une pétition contre ce projet a été lancée en ligne, elle est notamment parrainée par Stéphane Bern qui s’est prononcé en défaveur de l’installation de ces éoliennes.
Un projet qui pourrait en appeler d’autres
La dernière programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit l’installation de 6.500 nouvelles éoliennes en France d’ici 2028. Ce qui fait craindre la multiplication de ce genre d’installations à Julien Lacaze. « Au début de l’éolien, ces machines étaient installées dans des paysages avec des intérêts moindres, industrialisés. Pour doubler le nombre d’éolienne, il va falloir de la place. Et c’est maintenant au tour des autres, comme dans le Var où il n’y en avait pas. On va fatalement toucher de plus en plus de paysages emblématiques », craint-il.
« On vient installer ces monstres dans le Haut Var là où la pression foncière est moins forte. Ils n’ont aucun scrupule à les installer dans ces paysages en se disant "de toute façon là-bas c’est le far-west il n’y a que des Indiens ". Il y a une diagonale du vide entre Aix et Grasse, donc c’est là qu’on va coller toutes les éoliennes », regrette Marc-Antoine Chavanis.
Une bataille judiciaire
Provencialis a obtenu une première autorisation environnementale pour l’installation de ces éoliennes. Une autorisation finalement annulée en février 2020 par le tribunal administratif de Toulon. « Mais le promoteur a continué le chantier pendant toute la durée du confinement pour passer en force. Il y a même eu un mort en mars, un ouvrier s’est fait écraser sous un touret », dénonce Marc-Antoine Chavanis qui a photographié le chantier durant sa poursuite.
C’est finalement le préfet du Var qui a signé un arrêté autorisant la poursuite de l’installation et l’exploitation pendant un an. Un arrêté pris en mai 2020, quatre mois après la décision du tribunal de Toulon. « C’est un contresens politique. Il y a une décision de l’Etat qui va à l’encontre de celle de la justice », s’insurge Marc-Antoine Chavanis. Contactée au sujet de cet arrêté, la préfecture du Var n’a fourni que des éléments historiques sur ces autorisations.
L’arrêté du préfet attaqué en justice
L’industriel a depuis fait appel de la décision du tribunal administratif de Toulon, un jugement qui devrait intervenir dans les prochaines semaines. Mais Arnaud Fauquet Lemaitre, maire d’Ollières, a décidé d’attaquer l’arrêté du préfet. « Nous ne sommes pas contre la transition écologique, bien au contraire puisque nous avons déjà 120 hectares de panneaux photovoltaïques. Mais si on fait les choses, faisons les proprement. Le préfet n’a pas à entériner l’illégalité d’installation de ces éoliennes. Dans son arrêté il fait valoir l’intérêt général. Sauf que ce ne sont que des intérêts privés, elles sont construites sur un terrain privé, par un opérateur privé. Ce n’est pas à la communauté de payer les pots cassés pour une entreprise qui a mal fait son boulot », estime-t-il. Surtout, il a la fâcheuse impression d’être « le dindon de la farce » dans cette histoire. « Le département et la communauté d’agglomération captent 80 % de la fiscalité, et en cas de démantèlement c’est la commune qui devra payer si le propriétaire du terrain n’est pas en mesure de le faire. Et bien sûr, c’est la préfecture qui donne les autorisations et comme l’Etat pousse pour la transition. C’est un marché de dupe », dénonce-t-il.
La cour administrative d’appel de Marseille doit se prononcer sur la demande d’Arnaud Fauquet Lemaitre et Provencialis doit obtenir une autorisation environnementale d’ici la fin mai. En cas de non-autorisation, les éoliennes pourraient être démantelées, cas unique en France.
La société Provencialis est restée injoignable.
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