Bordeaux : Et si la coquille d’huître était le matériau de demain pour la fabrication de mortier ?
RECYCLAGE•Des points d’apport volontaire seront aménagés durant les fêtes sur le bassin d’Arcachon et à Bordeaux pour collecter un maximum de coquilles d’huîtres, à qui l’on trouve de plus en plus de vertusMickaël Bosredon
L'essentiel
- Mercredi, le conseil départemental de la Gironde a expérimenté l’utilisation de la coquille d’huître en remplacement du sable dans la fabrication d’un mortier.
- Une association bordelaise travaille de son côté avec un laboratoire pour créer un matériau de construction à base de coquille.
- Des collectes seront organisées durant les fêtes pour éviter que les coquilles ne se retrouvent dans les déchets ménagers.
Stop, ne jetez plus vos coquilles d’huîtres dans les déchets ménagers. Des points de collectes vont être aménagés durant les fêtes de fin d’année, à Bordeaux et sur le bassin d’Arcachon, pour récupérer ce coquillage à qui l’on trouve de plus en plus de débouchés.
Le dernier en date ? Le conseil départemental de la Gironde vient de tester la coquille d’huître concassée, en remplacement du sable dans la fabrication d’un mortier (un mélange de ciment, d'eau et de sable) qui sert au comblement de carrières souterraines, situées sous certaines routes départementales. Une association bordelaise travaille, elle, à en faire un matériau de construction.
25 tonnes d’huîtres pour un volume de 65 m3 à combler
Mercredi, 25 tonnes de coquilles d’huîtres ont ainsi été utilisées pour le comblement d’un volume de 65 m3 d’une carrière à Prignac et Marcamps. « Plutôt que d’utiliser du sable extrait de carrières ou de rivières, l’idée est de trouver un matériau de substitution, et nous nous sommes penchés sur les coquilles d’huître, en les broyant pour leur donner une granulométrie qui corresponde à celle du sable », explique le vice-président du conseil départemental chargé de la préservation de l’environnement et des infrastructures routières, Alain Renard.
« Il y a un surcoût de l’ordre de 20 à 30 % par rapport à l’utilisation du sable, reconnaît l’élu, mais c’est parce que la filière n’est pas organisée, dès lors que l’on passera à une autre échelle, on abaissera ces coûts. Et parallèlement, cela permet de réaliser des économies dans d’autres secteurs, comme l’élimination des déchets. » Le prochain chantier prévoyant d’utiliser ce mortier à base de coquilles se situe dans l’Entre-Deux-Mers et concernerait quelque 1.000 m3, « ce qui commence à faire des volumes significatifs pour ces coquilles d’huîtres. »
Des bennes à disposition dans huit déchetteries du bassin d’Arcachon
Pour en récupérer le plus possible, le département s’est associé aux communautés de communes du bassin d’Arcachon comme la Cobas, pour inciter les particuliers à rapporter leurs coquilles d’huîtres pour valorisation durant les fêtes. Des bennes seront à leur disposition dans dix déchetteries du bassin d’Arcachon du 19 décembre au 3 janvier.
Du côté de Bordeaux, ça bouge aussi pour récupérer les coquilles des particuliers, comme des restaurateurs. Dès qu’ils auront rouvert. L’association Coquilles va ainsi organiser une opération de collecte dans le quartier Bacalan, à partir du 19 décembre également. Un point d’apport volontaire sera installé à côté du stand de l’huîtrier de Bacalan dans lequel les consommateurs pourront venir déposer leurs coquilles vides. Le bac de 120 litres sera collecté deux fois par semaine par les Détritivores, partenaire de l’opération. Des totebags spéciaux coquilles seront remis aux consommateurs pour les inciter à rapporter leurs coquilles vides.
Objectif : récupérer 25 tonnes en six mois à Bordeaux
Pour l’instant, il ne s’agit que d’une petite collecte, qui vise surtout à faire connaître l’association. Mais celle-ci voit grand. « En 2021, nous aimerions mener une phase d’expérimentation de six mois à l’échelle de la métropole bordelaise, avec une vingtaine de points d’apports volontaires pour les particuliers, et avec des partenariats avec les professionnels : restaurateurs, commerces de bouche, poissonnerie…, explique la présidente de cette jeune association, Bénédicte Salzes. L’objectif visé est de 25 tonnes de coquilles collectées sur ces six mois, et valorisées auprès des maraîchers et viticulteurs de la région. » En agriculture, la coquille d’huître sert effectivement d’amendement calcique des sols, une alternative à la chaux qui permet de neutraliser l’acidité des sols.
« Nous avons aussi un volet recherche et développement, grâce à un partenariat avec le laboratoire universitaire I2M, pour lancer des matériaux de construction à base de coquilles. » L’association a passé un autre partenariat avec la société Ovive, un acteur de la valorisation des déchets coquilliers en Charente-Maritime, et qui propose de concasser les huîtres sur place grâce à un concasseur mobile.
L’idée de l’association « a germé au printemps 2019 », explique Bénédicte Salzes. « Elle part du constat qu’une coquille d’huîtres n’a rien à faire dans une poubelle puisque les déchets ménagers sont en général incinérés et qu’une coquille ne brûle pas. » Ceci alors qu’elle est valorisable de plusieurs manières, puisqu’elle sert aussi de complément alimentaire pour les poules et est également utilisée dans la chimie pour la fabrication de cosmétiques.