Convention citoyenne : Le gouvernement donne un premier aperçu de son projet de loi climat
CLIMAT•Dans une ambiance tendue, le gouvernement a commencé à présenter lundi aux membres de la Convention citoyenne pour le climat le projet de loi qui doit reprendre 40 % des propositions émises par ces 150 citoyens tirés au sort. Et ça se poursuit ce mardiFabrice Pouliquen
L'essentiel
- Lundi, le gouvernement a commencé à présenter les grandes lignes du projet de loi « climat » aux membres de la Convention citoyenne dédiée, et continuera mardi.
- Ce gros pavé, qui pourrait contenir près de 80 articles, devrait reprendre près de 40 % des propositions émises en juin dernier par les 150 membres tirés au sort de la Convention.
- Mais sous quelle forme ? C’est toute la question alors qu’ont grandi, ces derniers jours, les tensions autour de la crainte d’un détricotage des mesures proposées par la Convention.
Elle semble loin, cette journée du 29 juin, lorsque Emmanuel Macron recevait, dans les jardins de l’Elysée et dans une ambiance détendue, les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Une semaine plus tôt, ces derniers avaient remis au gouvernement leurs 149 propositions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % dans une optique de justice sociale. Une mission que leur avait confiée le président lui-même.
Ce 29 juin marquait la première réponse de l’exécutif. Emmanuel Macron faisait valoir trois jokers, notamment concernant une taxe à 4 % sur les dividendes ou encore sur la limitation à 110 km/h sur les autoroutes. Mais pour le reste, le président réitérait sa promesse d’« aller au bout de ce contrat moral qui nous lie, en transmettant effectivement la totalité de vos propositions ».
Tensions accrues ces derniers jours
L’atmosphère s’est sensiblement tendue depuis entre l’exécutif d’un côté et les 150 de l’autre, épaulés par les ONG environnementales et ceux qui jouaient le rôle de garants de la Convention, comme le réalisateur Cyril Dion. En témoigne la passe d’arme ces derniers jours entre Emmanuel Macron et ce dernier. Dans son interview au média en ligne Brut, vendredi, le chef d’État s’est dit « très en colère contre les activistes qui m’ont aidé au début et qui disent maintenant "il faudrait tout prendre" ». Avant de poursuivre : « Je ne veux pas dire que parce que les 150 citoyens ont écrit un truc, c’est la Bible ou le Coran ».
Une pique à peine déguisée à l’encontre de Cyril Dion. Ce dernier a riposté ce week-end dans une tribune publiée dans Le Monde. « Des mesures qui devaient être transmises sans filtre aux parlementaires sont modifiées et parfois amoindries par le gouvernement, d’autres que vous aviez dit retenir sont finalement écartées, dont l’une – un moratoire provisoire sur la 5G – que vous avez rejetée en déclarant ne pas croire dans le "modèle amish" », écrit-il. Avant de rappeler à Emmanuel Macron sa promesse de transmettre les 146 propositions sans filtre. Car « tenir parole, pour un président de la République, c’est le socle de la démocratie ».
Le sentiment d’un détricotage de bon nombre de propositions est au cœur des tensions. « On en a déjà eu un premier aperçu lors de l’examen du projet de loi de finances 2021, pointe Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France. C’est par exemple le refus de la baisse de la TVA sur le train [finalement votée par le Sénat, contre l'avis du gouvernement], de réguler la publicité, d’avoir une obligation de rénovation du logement, de rétablir un impôt sur la fortune avec une composante climatique, ou encore du malus au poids des véhicules, qui ne concernera que ceux de plus de 1,8 tonne (contre 1,4 dans la proposition de la CCC)… »
Début des consultations sur le projet de loi Convention citoyenne
Les membres de la Convention craignent la même édulcoration dans le projet de loi Convention citoyenne. Ce gros pavé, qui devrait compter aux alentours de 80 articles, doit reprendre une grande partie de leurs propositions. « Près de 40 % », précisait lundi matin Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique*. Ce projet de loi devrait être présenté en Conseil des ministres fin janvier, puis soumis au Parlement pour être discuté à partir de février jusqu’à l’été prochain, détaille Matignon ce lundi soir. Manière de dire que la version définitive est encore loin d’être finalisée et qu’il est trop tôt pour crier au loup. « La phase de concertation autour de ce projet de loi commence tout juste et durera jusqu’à fin janvier », reprend Matignon.
Elle a démarré ce lundi par la présentation des grandes orientations du texte, par les ministres concernés, à des groupes de travail composés de membres de la Convention et de députés. « On a commencé par les thématiques "Se loger" et "Se déplacer", on poursuit ce mardi avec "Se nourrir", "Travailler et produire" et "Consommer", détaille Grégoire Fraty, l’un des administrateurs de l’association « les150 », qui fédère les membres de la CCC soucieux de suivre le devenir de leurs propositions.
« Plutôt agréablement surpris pour l’instant »
A l’issue de cette première journée, il se disait plutôt mitigé. « Il n’y a pas tant de mauvaises surprises que ça, commence-t-il. Le projet de loi reprendrait par exemple l’interdiction de location des passoires thermiques, le blocage des loyers pour ces logements, ou encore des mesures fortes pour réduire l’artificialisation des sols et la construction de nouveaux centres commerciaux. Tout cela constitue de bonnes nouvelles. » En revanche, Grégoire Fraty constate des petits renoncements. « Au regard de ce qui nous a été présenté ce lundi, sur plusieurs points, on se dit "mince, ils n’ont pas été au bout". Ils ont rogné sur les dates, revues à la baisse les ambitions ou les financements, reprend-il. Nous demandions que les incitations à rénover portent sur l’ensemble des bâtiments, quand le projet de loi cherche plutôt à se concentrer sur les passoires thermiques. Autre exemple, nous demandions la fin des lignes aériennes intérieures, là où il existe des alternatives en train en moins de 4 heures. Comme pressenti, le projet de loi propose moins de 2h30 seulement. »
« Mais encore une fois, dans ces grandes orientations, en tant qu’ancien membre de la Convention, je retrouve nos mesures, insiste Grégoire Fraty. Peut-être pas exactement comme nous les avions écrites, mais on les retrouve et c’est déjà ça. » Pas sûr que ceux qui veulent s’en tenir à la promesse initiale d’Emmanuel Macron d’une « reprise sans filtre » s’en contentent. D’autant plus que l’on n’en est qu’au tout début. Le texte fera l’objet de consultations, devant plusieurs instances, qui démarreront avant les congés de Noël. « Notamment le Conseil d’État, le Conseil national de la transition écologique, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et d’autres instances encore qui pourront être sollicités pour un avis précis sur certains articles du projet de loi », reprend-on à Matignon.
Nouvelle rencontre à venir entre les 150 et Emmanuel Macron
Autant d’occasions de réécrire les propositions de la CCC ? « C’est un risque », lance Grégoire Fraty, en rappelant que l’association « les 150 » a justement été créée pour veiller au grain. A Matignon, on répond qu’on peut voir ces concertations dans l’autre sens. « C’est-à-dire aller plus loin encore dans l’ambition climatique », y indique-t-on. Ce lundi soir, Matignon et le ministère de la Transition écologique n’écartaient pas non plus la possibilité d’ajouter des mesures, dans ce projet de loi, à celles proposées par la Convention. « Du moment qu’elles contribuent au mandat qu’on avait donné à la Convention citoyenne de baisser de 40 % les émissions de GES à l’horizon 2030 », y justifie-t-on.
Une nouvelle rencontre est d’ores et déjà prévue entre Emmanuel Macron et les membres de la Convention. « La date est en cours de calage », glisse-t-on au cabinet du Premier ministre.