Le déclin de la faune sauvage pourrait être moins catastrophique que prévu
NATURE•Selon des chercheurs, la prise en compte à la fois des espèces en grand danger et des espèces non menacées trouble les résultats20 Minutes avec AFP
En septembre, le WWF a conclu que le monde avait perdu 68 % de ses vertébrés en près de 50 ans. Mais ce chiffre catastrophique des populations mondiales d’animaux serait surestimé, d’après une étude publiée ce mercredi par la revue Nature. A l’origine de cette possible erreur, les méthodes statistiques utilisées pour parvenir à ces conclusions.
Le précédent rapport du WWF de 2018 décrivait une baisse d’environ 60 % de ces populations de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens entre 1970 et 2014. L’organisme a utilisé l’indice Planète vivante élaboré tous les deux ans par la Société zoologique de Londres (ZSL). C’est ce dernier qu’évalue l’étude de Nature, qui l’estime gonflé.
Des chiffres catastrophiques qui conduisent à l’inaction
Examinant 14.000 populations de vertébrés suivies depuis 1970, les auteurs de l’étude concluent que 1 % sont victimes d’un déclin extrême et que si on les enlève de l’équation, l’ensemble des populations restantes ne montre aucune tendance à la hausse ou à la baisse. « Prendre en compte les groupes extrêmes altère fondamentalement l’interprétation de l’évolution générale des vertébrés », estiment-ils, notant que ce message de « catastrophe omniprésente » peut conduire « au désespoir, au déni et à l’inaction ». Ils suggèrent donc d’utiliser des évaluations plus localisées « pour aider à prioriser les efforts de conservation ».
« Réunir toutes les courbes de population en un seul chiffre peut donner l’impression que tout décline partout, en se basant sur les maths plutôt que sur la réalité », explique à l’AFP l’auteur principal Brian Leung, de l’université McGill à Montréal.
« Un tableau plus nuancé est plus précis : il y a des foyers de population en déclin extrême, dans des écosystèmes qui, en dehors de ça, ne sont ni en amélioration ni en déclin. Toutefois il y a aussi quelques zones géographiques où la plupart des populations examinées semblent en déclin. Il est important d’identifier celles-là », poursuit-il. Comme les oiseaux en Asie-Pacifique ou les reptiles tropicaux.
Un rapport alarmant de l’ONU
Le fait que l’indice Planète vivante soit « sensible » aux variations extrêmes de population « n’est pas une révélation », a tempéré dans un blog le Dr Robin Freeman, de la ZSL, co-auteur de l’étude mais aussi membre de l’équipe élaborant l’indice Planète vivante. Mais de tels indices composites « peuvent servir de baromètre pour la santé des écosystèmes », comme les indices boursiers, a-t-il plaidé. Interrogé par l’AFP, WWF a renvoyé vers son partenaire ZSL.
Les études s’alarmant d’une destruction de grande ampleur de la biodiversité par les activités humaines se sont multipliées ces dernières années. Dans un rapport sans précédent, le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (IPBES) a décrit en 2019 des écosystèmes en lambeaux et évalué à un million le nombre d’espèces menacées d’extinction.
« Nous ne disons pas qu’il n’y a pas de problèmes de biodiversité, seulement qu’elle n’est pas en déclin partout », insiste Brian Leung. Ces conclusions ne risquent-elles pas toutefois d’être vues comme un encouragement à ne rien faire pour protéger la nature ? « C’est notre inquiétude (…). Mais notre motivation première est que la science soit correcte. A long terme, la légitimité de notre domaine en dépend », se justifie le chercheur.