Tarn : Des éoliennes jugées trop mortifères pour la faune, deux associations écologistes portent plainte
BIODIVERSITE•La LPO et FNE Midi-Pyrénées ont porté plainte contre l'exploitant de deux parcs éoliens installés à Assac, dans le Tarn, où de nombreux oiseaux et chauves-souris ont été retrouvés mortsNicolas Stival
L'essentiel
- Des études ont montré une forte mortalité de rapaces et de chauve-souris ces dernières années dans des parcs éoliens d’Assac, dans le Tarn.
- La LPO et FNE Midi-Pyrénées ont porté plainte et demandent une intervention accrue de l’Etat.
- L’exploitant chinois assure agir pour « réduire au maximum [son] impact sur la biodiversité ».
Adeptes de la transition énergétique, les associations écologistes assurent n’avoir rien contre le secteur éolien en général. Pourtant, France Nature environnement (FNE) Midi-Pyrénées et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont décidé de porter plainte contre l'exploitant des parcs de Garrigade et de Puech d’Al Lun, situés sur la commune d’Assac, dans le Tarn. Car les oiseaux du coin laissent beaucoup de plumes entre les pales des dix éoliennes plantées près de la frontière avec l’Aveyron. Et les chauves-souris souffrent aussi.
« Les exploitants font preuve de mauvaise foi, estime Hervé Hourcade, juriste de FNE Midi-Pyrénées. Depuis 2016, le suivi effectué par des bureaux d’étude montre que leurs parcs entraînent des mortalités importantes, avec 142 chiroptères et 50 oiseaux détruits par an. Fin août – début septembre, les cadavres de deux circaètes Jean-Le-Blanc et d’un faucon crécerellette ont été retrouvés. Il y a un début de réaction de la part de l’administration, mais selon nous, c’est loin d’être suffisant. »
Le 18 septembre, le préfet du Tarn a pris deux arrêtés d’urgence pour suspendre l’activité des éoliennes en journée, jusqu’au 4 octobre, « départ supposé en migration de tous les faucons crécerellettes sur la zone ». Cette mesure était accompagnée d’un suivi visuel diurne « du 5 octobre jusqu’au 15 novembre, date à laquelle est supposée se terminer la migration des circaètes Jean-Le-Blanc ».
Les associations attendent plus de l’Etat
Les autorités ne vont toutefois pas assez loin pour la LPO et la FNE, qui réclament au-delà de ses mesures ponctuelles une systématisation « des arrêts de machines certaines parties de l’année, lorsqu’il y a des migrations », selon Hervé Hourcade. Et pas seulement le jour car « les parcs génèrent aussi des dommages pour les chauves-souris », observe Vincent Ramard, juriste de la LPO.
Autre gros souci, selon ce dernier : « Les exploitants fonctionnent sans dérogation. » Autrement dit ? « Si on veut être autorisé à détruire des spécimens d’espèces protégées, il faut solliciter une dérogation auprès du préfet, avec un certain nombre de conditions à respecter. » La demande de dérogation permet aussi à des instances comme le Conseil national de protection de la nature (CNPN, qui dépend du ministère de la Transition écologique), d’émettre un avis, et aux associations écologistes d’avoir accès au dossier.
L'exploitant se défend
A Assac, les deux fermes sont gérées par le groupe chinois CGN Europe Energy, qui n’a pas du tout la même vision que ses détracteurs. « En concertation avec la Dreal Occitanie, les parcs éoliens ont pris un ensemble de mesures [en septembre], dont le bridage de nos éoliennes, c’est-à-dire un arrêt durant les périodes d’activité des oiseaux afin de protéger ces espèces animales », a réagi la société, contactée par 20 Minutes.
« Ces mesures, prises en stricte conformité avec les exigences de la Dreal, ont montré leur efficacité. Les deux parcs respectent l’ensemble des obligations réglementaires relatives aux parcs éoliens, ainsi que le Code de l’environnement, depuis que nous sommes exploitants de ce parc, avec toujours pour objectif de réduire au maximum notre impact sur la biodiversité. »
Au-delà de ce cas local se pose un problème régional, selon Hervé Hourcade : « Dans le Tarn, le sud-Aveyronnais et l’Hérault, il y a eu un surdéveloppement de l’éolien ces dernières années. » Autant de pièges mortels pour les rapaces et chauves-souris du secteur. « Nous continuons à travailler avec un bureau d’études spécialisé sur les questions de biodiversité, afin de mener un plan à moyen et long terme pour réduire encore cette empreinte environnementale », assure de son côté CGN Europe Energy.