ENERGIED’où provient le bois brûlé dans la chaufferie Dalkia de Rennes ?

Rennes : Mystère... D’où provient le bois brûlé dans la chaufferie Dalkia ?

ENERGIEL’usine produit du chauffage et de l’électricité pour les habitants de 20.000 logements du sud de Rennes
Camille Allain

Camille Allain

L'essentiel

  • A Rennes, des voix s'élèvent pour interroger les méthodes d'approvisionnement de la chaufferie biomasse Dalkia, qui alimente le sud de la ville en chauffage et électricité.
  • La filiale d'EDF avait promis de s'approvisionner au plus loin à 100 km de Rennes.
  • Les défenseurs du bois énergie essaient de valoriser cette technologie dans le département mais sur des modèles plus petits.

Le thermomètre a brutalement chuté mercredi matin. Conséquence, les radiateurs ont été rallumés dans la plupart des résidences individuelles et collectives. Dans toute la zone sud de Rennes, une grande partie de cette chaleur est produite par la centrale de cogénération exploitée par Dalkia, filiale du groupe EDF. Inaugurée en 2013, l’usine est capable de chauffer environ 20.000 logements et produit de l’électricité en dehors de la période hivernale. Sa construction avait été motivée par la volonté de faire appel à une ressource durable, déconnectée du prix fluctuant du gaz, et locale. Sur ce dernier point, des voix s’élèvent pour alerter sur la provenance du bois, qui arrive à bord de vingt camions par jour. D’où viennent-ils ? Difficile à savoir.

En 2013, Dalkia s’était engagé à se fournir dans un rayon n’excédant pas 100 kilomètres autour de Rennes. Sollicitée par nos soins, la filiale d’EDF n’a pas souhaité s’exprimer. Les services de l’État qui suivent l’approvisionnement n’ont pas été plus bavards. « Cela fait des années que nous dénonçons cette opacité et que nous demandons des informations ». Patron des écologistes à Rennes Métropole, Matthieu Theurier n’a jamais obtenu la carte d’approvisionnement qu’il espérait. « On a des raisons de penser que le rayon des 100 kilomètres est régulièrement dépassé », regrette un autre élu de la majorité métropolitaine.

« Ils font venir des camions depuis Saint-Malo »

Au fil de notre enquête, plusieurs sources ont évoqué des zones boisées abîmées en Mayenne ou encore des pratiques de « transbordement » permettant de transporter du bois d’une plateforme à une autre. Un ancien client de Bois Energie France, la filiale d’approvisionnement d’EDF assure « ne jamais avoir eu de contrat » quand il fournissait la centrale Dalkia. La pratique agace également le président de la chambre d’agriculture de Bretagne Loïc Guines, qui dénonçait récemment « un non-sens écologique et économique. Ils font venir des camions depuis Saint-Malo alors qu’il y a de la ressource chez des agriculteurs du coin. »

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Dans les faits, la gestion de la ressource s’avère assez compliquée, d’autant que les formes de « bois énergie » varient de la plaquette forestière au bois déchiqueté, en passant par les ressources issues des haies de nos campagnes. « Il ne faut pas se focaliser autour d’une seule centrale. Chacun a ses contraintes. L’important est d’avancer à petits pas. Le marché de l’énergie est tendu, il faut être vigilant. Mais je vous assure que les projets ne sortent pas si le gisement n’est pas suffisant », assure Marc Le Treis, animateur de l’association AILE chargée de surveiller la ressource en Ille-et-Vilaine.

« Le bois énergie a un coût plus stable que le gaz »

En Bretagne, la filière bois énergie est particulièrement soutenue par le conseil régional, qui souhaite encourager la construction de chaufferies biomasse. Plusieurs communes autour de Rennes comme Laillé, Châteaugiron ou Le Rheu ont ou vont investir prochainement. Les forêts et champs de la région pourront-ils fournir toute la demande. « Oui, il y a la place. La ressource existe et elle est bien gérée. Ces communes ont voulu valoriser le bois bocager afin d’avoir une ressource locale qui entretienne leurs haies », assurent Fabien Pottier et Olivier Roche, animateurs à l’Agence locale de l'énergie et du climat (ALEC). Les deux hommes tentent de convaincre les collectivités de réfléchir à l’investissement en chaufferies bois. Et usent d’un argument de poids. « Le bois énergie a un coût plus stable que le gaz. Il va devenir de plus en plus rentable ». Et offre l’avantage d’être renouvelable, même si sa combustion génère une pollution de l’air.

Le développement de la filière pourrait en plus profiter à des acteurs locaux comme les agriculteurs qui peuvent en espérer en tirer un revenu. « Notre vocation, c’est de remettre l’arbre au cœur des exploitations, de considérer le bois commune une culture parmi d’autres », estime Pierric Cordouen, pilote de Bois Bocage 35. Fondé en 2011, ce collectif compte 80 agriculteurs d’Ille-et-Vilaine parmi ses fournisseurs mais espère bien continuer à se développer. « Il faut encadrer le marché car c’est parfois sauvage. Nous travaillons sur des petits gisements et nous insistons sur la replantation. Mais tout le monde ne le fait pas ». Quand il refuse certains chantiers d’arrachage qu’il juge dangereux pour la biodiversité, Pierric Cordouen voit d’autres sociétés moins scrupuleuses intervenir à sa place. Tout n’est pas rose dans l’énergie verte.