Sécheresse dans le Bas-Rhin : « Il ne faudrait pas que la situation dure »... Les agriculteurs s'adaptent et attendent la pluie
CULTURES•« Nous ne sommes pas dans un scénario catastrophe », résume un représentant de la chambre d'agricultureThibaut Gagnepain
L'essentiel
- La préfecture du Bas-Rhin a décidé de placer jeudi le département en alerte sécheresse, comme la Moselle et le Doubs, par exemple.
- Qu’est-ce que cela signifie pour les agriculteurs ? Leurs cultures sont-elles en danger ? La situation n’est pas aussi catastrophique que l’alerte pourrait le laisser penser. Les agriculteurs ont déjà vécu cette situation et s’adaptent.
- Surtout, tous ne sont pas concernés. Ce sont principalement ceux qui ont recours aux prélèvements dans les rivières qui sont touchés par ces nouvelles restrictions.
Interdit d’utiliser de l’eau pour remplir sa piscine, laver sa voiture hormis dans les stations professionnelles ou encore arroser son jardin entre 10 et 18 heures… Depuis jeudi, la préfecture du Bas-Rhin a décidé de placer le département en seuil d'alerte. En cause ? « La faiblesse des précipitations depuis le mois de mars » qui a entraîné « une sécheresse des sols ».
Les restrictions sont encore plus précises pour les agriculteurs. Ceux qui irriguent via les cours d’eau ne doivent plus pomper en même temps ; ceux qui utilisent les nappes phréatiques sont obligés de diminuer leur prélèvement de « 30 % sur une bande de 200 mètres le long des cours d’eau prioritaires du schéma d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Ill-Nappe-Rhin », écrit la préfecture. « Schématiquement, c’est le long de l’Ill [une rivière] », résume Gérard Lorber.
Le président du syndicat des irrigants du Bas-Rhin tient tout de suite à dédramatiser la situation. « Je ne serai inquiet que si cela dure. L’année n’est pas plus sèche qu’en 2019, le mois de juin a été plutôt arrosé et a sauvé nos récoltes de blé. Le niveau de la nappe n’est pas si impacté que ça », assure celui qui est producteur de lait et céréalier à Scherwiller.
« Pas dans un scénario catastrophe »
Ce discours, il n’est pas le seul à le tenir. Le conseiller en irrigation à la chambre d’agriculture du département relativise aussi les nouvelles restrictions. « Nous ne sommes pas dans un scénario catastrophe où il ne reste plus une goutte nulle part », résume Patrice Denis. « Il y a des rivières qui se portent bien, comme la Moder ou la Sauer et d’autres qui nous inquiètent, comme la Bruche. »
A Stutzheim-Offenheim, au nord-ouest de Strasbourg, François Schotter est dans le deuxième cas. La Souffel est à « des niveaux très faibles actuellement ». Pile au moment où celui qui produit notamment des légumes aurait besoin d’arroser… Comment s’en sort-il alors ? D’abord en s’organisant avec ses confrères voisins afin de pomper à des heures différentes des leurs. « On parle entre nous et on s’organise, l’alerte n’y a rien changé », explique-t-il. « De toute façon, on n’a jamais atteint notre débit autorisé ».
C’est pour cela que l’agriculteur a aussi recours à l’eau… du réseau. « Ce n’est peut-être pas une bonne communication de le dire mais c’est le cas. Environ 75 % de mes besoins sont basculés sur le réseau potable aujourd’hui », détaille-il, avant d’anticiper les éventuelles critiques. « Ce n’est plus choquant que d’en mettre dans une piscine ! Nous, on n’a pas le choix puisqu’on n’est pas sur une nappe. Et je peux vous assurer qu’on se donne du mal pour valoriser cette eau. Le but, ce n’est pas le rendement, c’est la qualité. Pour qu’un produit ait du goût, il faut qu’il soit arrosé à un moment. »
« L’idéal, ce serait qu’il pleuve »
Dans son exploitation, des systèmes d’arrosage au goutte-à-goutte ont été mis en place « sur 16 hectares, ce qui représente 85 kilomètres de tuyaux ». « On n’irrigue pas à outrance », insiste encore celui qui fait aussi pousser fleurs, tabac et safran. Soit des cultures à forte valeur ajoutée. Presque une niche dans le Bas-Rhin, où le maïs est roi.
« Il y a une centaine d’exploitants qui prélèvent dans les rivières dans le département, ça représente environ 3 % du total d’eau prélevé », reprend Patrice Denis. Les 97 % restants proviennent des nappes phréatiques, pas tant impactées que ça par la sécheresse jusqu’ici. « Il ne faudrait pas que la situation dure jusqu’à mi ou fin août », note néanmoins le représentant de la chambre d’agriculture. « L’idéal, ce serait qu’il pleuve », conclut Gérard Lorber.