« Perseverance » part collecter un peu de Mars pour le ramener sur Terre

Espace : Le rover « Perseverance » s’en va collecter des bouts de Mars pour les ramener sur Terre

CONQUETE SPATIALELa nouvelle mission de la Nasa, à laquelle ont collaboré des scientifiques français, doit décoller ce jeudi. Elle déposera le rover « Perseverance » à la surface de la planète rouge avec dans l’idée de ramener, dix ans plus tard, des bouts de Mars sur Terre
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • Ce jeudi 30 juillet à 13h50, la Nasa va lancer une nouvelle mission d’exploration de Mars depuis Cap Canaveral, avec l’objectif de déposer six mois plus tard, à la surface de la planète rouge, Perseverance, un nouveau rover.
  • Dans les pas de Curiosity, l’astromobile prolongera la recherche de traces de vie sur Mars. Avec la particularité cette fois-ci de collecter et conditionner dans des tubes des bouts de roches martiennes.
  • Ce n’est que la première étape d’une mission qui visera in fine à ramener ces échantillons sur Terre. L’espoir alors, pour de nombreux scientifiques, de faire un grand pas sur une question cruciale : y a-t-il eu de la vie sur Mars ?

Edit : Cet arcticle a été publié le 30 juin dernier. Nous vous proposons de le relire à l'occasion du lancement de la mission Mars 2020 ce jeudi.

« Pourquoi, alors qu’il y a quatre milliards d’années, la Terre et Mars étaient beaucoup plus semblables qu’aujourd’hui – avec une atmosphère dense, de l’eau à l’état liquide, un champ magnétique à grande échelle –, il y a de la vie sur la première et pas ou plus sur la seconde ? » Cette question, formulée ici par Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, taraude les scientifiques depuis plusieurs décennies.

« Et pour y répondre, il faudra, au moins une fois, ramener sur Terre des échantillons de Mars », indique Michel Viso, expert en exobiologie au Centre national d’Etudes spatiales (Cnes).

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Dans les pas de « Curiosity »

Ce pourrait être dans dix ans, si « Mars 2020 » se déroule sans accroc. C’est la nouvelle mission d’exploration de la planète Mars de la Nasa, l’agence spatiale américaine. Le décollage est imminent. « A partir du 20 juillet, depuis Cap Canaveral », précisait alors Jean-Yves Le Gall, président du Cnes. C'est finalement ce jeudi 30 juillet que le lancement est programmé.

Il s’agira de déposer six mois plus tard, vers le 18 février 2021, sur la planète rouge, Perseverance, un nouveau rover [une sonde capable de se déplacer sur un astre]. Le robot a longtemps été appelé Curiosity 2, en référence à son illustre aîné qui arpente Mars depuis le 6 août 2012, et y a parcouru 22 km dans le cratère de Gale. La mission de Curiosity : analyser la composition minéralogique et étudier la géologie de la zone explorée, collecter des données sur la météorologie et les radiations qui atteignent le sol de la planète, mais aussi rechercher si un environnement favorable à l’apparition de la vie a existé.

La Supercam, couteau suisse franco-américain de « Perseverance »

Perserverance est à voir comme la suite. Ce bijou de technologies – de trois mètres de long pour autant de large, deux mètres de haut et une masse d’un peu plus d’une tonne – embarque avec lui sept instruments scientifiques. Dont la Supercam, son « couteau-suisse », qui utilise un laser et un ensemble de spectromètres pour déterminer à distance la composition chimique et minéralogique des roches qu’approchera Perseverance. Cocorico, cet instrument, le principal du rover, est Franco-Américain* comme l’était déjà le Chemcam, l’outil équivalent sur Curiosity, signale Antoine Petit.

Perseverance comprend d’autres spectromètres, mais aussi des caméras, une station météorologique, ou Moxie, un démonstrateur qui cherchera à vérifier la possibilité de produire de l’oxygène à partir du dioxyde de carbone, composant majeur (à 96 %) de l’atmosphère martienne. A bord, également, un mini-hélicoptère de 1,8 kg, autre nouveauté testée qui aidera à diriger Perseverance et éviter qu’il ne s’abîme sur des rochers trop pointus.

Reproduction artistique de l'hélicoptère de moins de deux kilogrammes que doit embarquer le rover Mars Perseverance de la NASA qui doit partir courant juillet 2020.
Reproduction artistique de l'hélicoptère de moins de deux kilogrammes que doit embarquer le rover Mars Perseverance de la NASA qui doit partir courant juillet 2020. - Handout / NASA / AFP

Ramener des échantillons de Mars sur Terre

Enfin, et même surtout, Perseverance sera doté d’un système de prélèvement et de conditionnement d’échantillons. C’est le cœur de la mission Mars 2020, qui se décline en trois étapes. « L’astromobile collectera 41 échantillons de roches, qu’il conditionnera dans des tubes étanches qu’il déposera ensuite à la surface de Mars, détaille Jean-Yves Le Gall. Puis, un autre rover [qui devrait être lancé vers 2026] les déposera dans une petite fusée pour qu’ils soient envoyés en orbite autour de Mars. C’est là qu’un satellite récupérera et se chargera de les rapporter sur Terre. »

Un point final qui n’est pas attendu avant 2031. « Ce jour-là, nous aurons fait un pas très important dans l’exploration martienne », avance Jean-Yves Le Gall. D’emblée. On a du mal à l’imaginer, surtout quand on sait que sur ces 41 échantillons, seuls 33 seront ramenés sur Terre et pèseront au total entre 350 et 500 grammes.

Ils seront l’objet, à coup sûr, de nombreuses demandes d’études de laboratoires du monde entier, assure l’astrophysicien Sylvestre Maurice, de l’Institut de recherche en astrophysique et planétologie (Irap – à Toulouse), qui a participé à la conception de la SuperCam.

En quête de biosignatures

« Ce n’est pas tant les roches qui nous intéressent, confie-t-il. Mars n’est pas une planète si différente de la Terre. On va y retrouver des carbones, des argiles, et plein d’autres choses qu’on connaît déjà ici. C’est bien plus ce qu’elles contiennent qui nous importe. » En clair : y trouver des « biosignatures », c’est-à-dire un élément, une molécule qui apporterait la preuve scientifique qu’il y a eu de la vie. Et ce travail-là ne peut que se faire sur Terre, assure Michel Viso.

Vous l’avez compris, tout l’enjeu sera de faire choisir à Perseverance les échantillons de roches les plus pertinents à collecter. Une mission qui sera celle spécifiquement de onze chercheurs américains et européens, dont un Français. Pour se donner le maximum de chance, le rover ne sera pas déposé n’importe où à la surface de Mars, mais dans le cratère Jezero. Le site de 45 km de diamètre abrite un ancien delta de rivières qui débouchait, il y a 3,5 milliards d’années, dans un lac. L’endroit parfait pour chercher des traces de vie ancienne.

Des roues plus solides et un hélicoptère en soutien pour Perseverance ?

Si Perseverance reprend l’architecture du rover Curiosity, qui l’a précédé sur Mars, il bénéficie toutefois des améliorations de la technologie engrangées ces huit dernières années, mais aussi du retour d’expériences de son illustre aîné.

Curioisty, par exemple, a eu ses roues – faites de fins cylindres en alumium- percées en plusieurs endroits au contact de la roche martienne. « On a du mal à imaginer ce qu’est le vent sur Mars, car la pression y est très basse et le vent va très vite, commence Jean-Yves Le Gall, président du Cnes. Néanmoins il y en a, ce qui provoque de l’abrasion et fait au final que les roches peuvent être très pointues et tranchantes. »

Pour éviter que Perseverance s’abîme, le Jet Propulsion Laboratory, le centre de recherche spatiale de la Nasa, spécialisé dans la conception d’engins spatiaux, l’a non seulement doté de roues renforcées, mais lui assure également le soutien d’un drone. Plus précisément un hélicoptère de poche, d’1,8 kg, baptisée Ingenuity.

Il s’agira juste d’une expérimentation. Ingenuity décollera de Perseverance pour ne plus jamais s’y poser mais pour tourner autour du rover, pendant une trentaine de jours, avec la mission d’exécuter des vols de reconnaissance optique. En clair, tâter le terrain et donner toutes les informations nécessaires pour guider au mieux Perseverance et éviter qu’il ne se retrouve dans une situation compliquée. Ingenuity, alimenté en énergie par des panneaux solaires, se déplacera dans les airs grâce à deux rotors bipales tournant en sens contraire, précise le Cnes. La vitesse de rotation est comprise entre 2.400 et 2.900 tours par minute, soit dix fois celle des pales d’un hélicoptère sur Terre.