Pyrénées : Pourquoi il faut vraiment profiter de la neige ces prochaines années
RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE•Malgré une diminution globale de l’épaisseur du manteau constatée par une étude sur près de 60 ans, les Pyrénées restent un massif bien enneigé. Sans doute plus pour longtempsNicolas Stival
L'essentiel
- Une étude révèle l’évolution de la hauteur de neige et de la durée d’enneigement annuelles dans les Pyrénées sur près de 60 ans, entre 1958 et 2017.
- La tendance est à la baisse, mais les effets du réchauffement climatique seront surtout perceptibles lors des années et des décennies à venir.
Jusqu’ici, tout ne va pas si mal, mais ça ne durera pas. C’est la conclusion, très vulgarisée, que l’on peut tirer d’une étude franco-espagnole réalisée sous l’égide de l’Observatoire pyrénéen du changement climatique. Partagé mardi sur le site du CNRS, ce document montre l’évolution de la hauteur de neige annuelle moyenne dans le massif, à 1.550 et 2.100 m d’altitude, sur près de 60 ans, entre 1958 et 2017.
«La neige est encore bien présente dans les Pyrénées, observe Jean-Michel Soubeyroux, climatologue à Météo-France, à Toulouse. Nous avons les glaciers les plus méridionaux d’Europe. Mais nous sommes dans une dynamique où les choses sont en train d’évoluer rapidement. »
Des résultats différents à 2.100 et 1.550 m
Dans le détail, les chiffres sont bien à la baisse, surtout dans la partie occidentale, tout comme la durée d’enneigement. Mais si le manteau, qui dépassait le mètre d’épaisseur dans les années 1950, a fondu de près de 20 cm à 2.100 m en un demi-siècle, il n’a quasiment pas bougé 550 mètres plus bas, avec une couche moyenne d’environ 18 cm.
Simon Gascoin est chercheur CNRS au Centre d’études spatiales de la biosphère (Cesbio) de Toulouse. Il a participé lui aussi à l’étude et avance une explication : « Les températures d’été et de printemps augmentent plus vite que les autres, ce qui affecte plus fortement l’altitude de 2.100 m. » A ces hauteurs, il y a encore de la neige au mois d’avril (mais moins qu’avant, donc, avec le réchauffement climatique), alors que plus bas, elle ne risque pas de diminuer puisqu’elle a généralement déjà fondu.
L’hiver 2019-2020, révélateur d’un avenir proche ?
« L’enneigement est plus compliqué à analyser que les températures », poursuit le spécialiste. D’où l’intérêt d’un travail sur une longue durée, comme ici… « Déjà, les variations peuvent être très importantes d’une année sur l’autre. Ensuite, un fort enneigement peut tout à fait être compatible avec le réchauffement climatique. Si vous avez des précipitations importantes et que la température passe par exemple de -10 °C à -9 °C, il va quand même neiger. »
« L’hiver que l’on vient de connaître peut offrir un aperçu de ce à quoi on doit s’attendre à l’avenir, reprend Simon Gascoin. Avec beaucoup moins de neige, notamment en basse altitude, alors qu’en haute altitude, un manteau neigeux s’est constitué. Les projections sont très claires : dans l’avenir, il y aura moins de neige en durée et en épaisseur. »
La limite pluie-neige remonte logiquement avec l’élévation des températures. Et des flocons qui tombent en abondance à la fin de l’automne, comme en novembre dernier, ne sont plus synonymes d’un hiver garanti tout blanc, tant les « lessivages » pluvieux sont devenus nombreux. En 2018, le projet météorologique transfrontalier Climpy prévoyait qu’à 1.800 m d’altitude, dans les Pyrénées centrales, la hauteur moyenne de poudreuse pourrait diminuer de moitié d’ici 2050, tandis que la période de sa permanence au sol serait raccourcie de plus d’un mois.
« Quel que soit le scénario, même avec une hausse des températures de "seulement" 1,5 °C, le manteau neigeux continue à baisser, appuie Jean-Michel Soubeyroux. Il n’est déjà plus durable à moyenne altitude. Au cours des vingt prochaines années, il est prévu qu’on ait encore des hivers bien enneigés, mais cela deviendra de plus en plus rare. »
Et après 2040, les choses devraient encore s’aggraver pour les amateurs d’or blanc, et les professionnels qui en vivent. Sans parler des bouleversements pour la faune et la flore. « Un degré de plus, c’est un isotherme zéro qui remonte de 180 mètres », décrit le climatologue. Or, entre 1959 et 2010, les températures ont augmenté dans les Pyrénées de 1,2 °C, selon Climpy. Et d’ici 2050, elles pourraient grimper de 4 °C, et même de 7 °C à la fin du siècle.