Pyrénées : Est-ce bien utile d’effaroucher les ours ?
DEBAT•Faut-il faire peur aux ours des Pyrénées pour les éloigner des troupeaux ? Le gouvernement a lancé une consultation publique et des associations se mobilisent contre cette pratique très récente dans le massif
Hélène Ménal
L'essentiel
- L’effarouchement des ours pour diminuer les prédations sur les troupeaux a été testé en 2019 dans les Pyrénées.
- Alors que les dégâts des ours sont en hausse, le gouvernement veut reconduire l’opération.
- Il a lancé une consultation en ligne.
- En s’appuyant sur le jugement, sévère, des experts, deux associations pro-ours appellent à se mobiliser pour voter massivement contre l’effarouchement.
Des cornes de brume, des lampes puissantes et clignotantes, et, si ce n’est pas suffisant des tirs, en l’air ou du moins non létaux. Voilà l’arsenal dont dispose « l’effaroucheur » d’ours des Pyrénées, une espèce en voie d’apparition puisque cette pratique très encadrée, destinée « à éloigner les ours des troupeaux », n’existe « à titre expérimental » que depuis 2019 dans le massif.
L’an dernier, selon le bilan dressé par l’Office français de la Biodiversité (OFB), les bergers d’Ariège ont été autorisés à 12 reprises à pratiquer l’effarouchement simple – lumineux ou sonore – et 15 nuits d’effarouchement renforcé, avec tirs d’agents formés, ont eu lieu. Mais aucune balle en caoutchouc n’a été tirée sur un ours, le cas ne s’est pas présenté.
1.173 bêtes tuées en 2019
Parallèlement et officiellement, les prédations attribuées aux plantigrades ont plus que doublé : 1.173 bêtes sont mortes après une attaque, dont 611 dans des « dérochements », ces chutes depuis les falaises de troupeaux entiers affolés. 36 ruches ont aussi été raflées.
Le gouvernement a donc décidé de reconduire l’effarouchement en 2020, en assouplissant un poil les critères pour les estives concernées et en élargissant la durée des autorisations. Mais l’ours étant une espèce très, très, protégée, la loi oblige le Ministère de la transition écologique à demander l’avis des Français. La consultation en ligne a commencé jeudi. Elle se poursuit jusqu’au 22 mai et, de Paris à Rennes, chacun peut y mettre son grain de sel.
Des experts unanimement contre
Ni une ni deux, les associations pro-ours, Ferus et Pays de l’ours-Adet, ont sorti les griffes. Elles appellent à participer massivement à la consultation et à dire « Non ! ». « Cette pratique est inutile, potentiellement dangereuse pour les hommes comme pour les ours, et illégale, s’insurge Alain Reynes, le directeur de Pays de l’Ours-Adet. Et il n’existe aucune évaluation sérieuse de l’expérimentation de 2019 ».
Les amis des ours ne sont pas les seuls à douter. Le 30 mars, le très sérieux Conseil national de la protection de la nature s’est prononcé, à l’unanimité de ses 27 experts, contre l’effarouchement. « La reconduction de cet arrêté dont l’efficacité est contestable, voire dangereuse en termes de conservation de l’ours et plus généralement de la faune sauvage, traduit une tendance à vouloir chasser les ours des zones d’estive, y compris potentiellement dans un parc national, alors qu’il est possible d’assurer la cohabitation de l’ours et du pastoralisme, moyennant une bonne protection du troupeau », écrivent les « sages » de l’environnement. Ils remarquent notamment que l’Ariège est le département où les chiens de protection des troupeaux sont le moins répandus.
Mais cet avis n’est que consultatif. Tout comme la consultation en ligne en cours. « Il ne faut pas rêver, il est assez peu probable que ça fera changer d’avis les autorités », concède Alain Reynes. Mais ces avis peuvent fournir des « arguments juridiques ». Car les associations comptent bien contester ce nouvel arrêté devant la justice administrative. Elles l’ont déjà fait pour celui de 2019. Mais, confinement oblige, le Conseil d’Etat n’a pas eu le temps de se prononcer.