Vers un retour à la normale dans les centres de tri des déchets ?

Coronavirus : Peu à peu, un retour à la normale dans les centres de tri des déchets ?

DÉCHETSPrès de la moitié des centres de tri de métropole et d’Outre-mer ont fermé leurs portes dans les premiers jours du confinement. Mais depuis quinze jours, ils rouvrent peu à peu, après avoir réorganisé leurs espaces de travail… De là à parler d’un retour à la normale ?
Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

L'essentiel

  • La priorité, pendant le confinement, était de maintenir au minimum la collecte des déchets ménagers. Bon nombre de centres de tri, où les agents sont en contact avec les déchets, ont été, eux, fermés par mesures de sécurité.
  • Depuis, ces centres de tri ont réorganisé leurs espaces et méthodes de travail. De son côté, début avril, le Haut conseil de la santé publique a publié un avis rassurant sur la reprise de cette activité.
  • Résultat : depuis quinze jours, les centres de tri rouvrent peu à peu. Début avril, on comptait encore 40 % de centres de tri fermés sur les 177 que l’on compte en métropole et en Outre-mer. Ils n’étaient plus que de 31 % au 15 avril. Mais la reprise reste fragile.

Le centre de tri de La Veuve, près de Chalons-en-Champagne (Marne) a rouvert mercredi dernier, quelques jours après celui de La Riche, près de Tours. Les agents du centre de tri d’Urvillers et ceux de Villeneuve-Saint-Germain, tous deux dans l’Aisne, doivent reprendre le travail respectivement ce mardi et mercredi. A Concarneau, la reprise de la collecte des bacs et des sacs jaunes est quant à elle prévue ce jeudi...

On pourrait continuer la liste. Depuis au moins deux semaines, en tout cas, la tendance est manifeste, note Anne-Sophie Louvel, directrice de la collecte sélective chez Citeo, l’organisme en charge de développer le recyclage des emballages et papiers en France : elle est à la réouverture des centres de tri des déchets qui avaient fermé dans les premiers jours du confinement.

« Début avril, on comptait encore 40 % de centres de tri fermés sur les 177 que l’on compte en métropole et en Outre-mer, indique Anne-Sophie Louvel. Contre 31 % au 15 avril. » Et les 69 % ouverts représentent 75 % de la capacité de tri française. Un léger mieux que constate aussi Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce , association de collectivités locales qui fédère la quasi-totalité des acteurs publics des déchets en France. Tout en émettant un bémol : bon nombre de reprises ne sont que partielles : 39 des 122 centres de tri aujourd’hui ouverts ont une activité réduite par rapport à la situation habituelle, confirme Citeo, dans son point du 15 avril dernier.

« Priorité à la collecte des déchets »

Mais avant de parler « centres de tri », Nicolas Garnier commence par rappeler « que la collecte des déchets ménagers a globalement été assurée partout en France, même dans les territoires où les centres de tri ont fermé » depuis le 17 mars. « C’était la priorité, reprend-il. Il fallait concentrer nos efforts pour assurer cette mission de salubrité publique tout en protégeant au mieux ceux qui l’assurent. On a bien raison de laisser des messages d’encouragement sur leurs poubelles à destination des ripeurs. Sans eux, le confinement aurait été une tout autre histoire. »

Dans les territoires où les centres de tri ont fermé, les emballages ménagers étaient alors soit stockés par les collectivités en vue d’un tri ultérieur, soit orientés vers d’autres solutions de traitement. A savoir l’enfouissement ou l’incinération. Sans que cela ne crée d’embouteillages. « Cela a pu être une crainte au départ, d’autant plus que l’on s’attendait à ce que le confinement provoque une hausse des ordures ménagères, explique Anne-Sophie Louvel. Mais cela a été compensé par la baisse plus importante encore des déchets professionnels. Ne serait-ce que ceux générés habituellement par les cafés et restaurants. »

Et tant pis si l’enfouissement et l’incinération ne sont pas les meilleures portes de sortie pour les déchets ménagers d’un point de vue environnemental. « Le maintien de l’activité dans le centre de tri comportait de nombreux incertitudes, en particulier en l’état des connaissances que nous avions du coronavirus en début de confinement », explique Nicolas Garnier. Dans ces usines, les emballages ménagers sont amenés par les camions bennes puis déversés en vrac sur des tapis sur lesquels interviennent les agents en bout de chaîne, dans des cabines de tri. Non seulement se pose la question de la transmission du virus entre agents, via les fameuses gouttelettes, mais aussi celle de la présence du virus sur les déchets eux-mêmes et de leur mise en suspension lors du tri, une opération qui génère beaucoup de poussières.

Pas de masques obligatoires dans les centres de tri, dit le HCSP

Sollicité sur le sujet, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a rendu un avis rassurant début avril. « La fragilité relative du coronavirus dans le milieu extérieur implique que le risque est très faible de le retrouver dans les déchets issus de collecte sélective, ces déchets étant mis en vrac dans les poubelles prévues à cet effet », y précise-t-il. Dès lors, l’instance estime que l’adoption de mesures de protections supplémentaires pour le personnel travaillant à la collecte et au tri des déchets n’était pas nécessaire.

Le HCSP recommande simplement de respecter les habituelles mesures barrières pour empêcher la transmission interhumaine du SARS-CoV-2 – dont le respect d’une distance d’au moins un mètre entre les personnes – et le maintien des moyens de protection habituels dans le secteur de déchets. C’est-à-dire le port de gants et d’une tenue de travail adaptée, mais pas obligatoirement d’un masque.

Cabines de tri, réfectoire, vestiaires… Des centres de tri réorganisés

Cette note du HCSP explique en partie ce mouvement de réouverture constaté depuis deux semaines, estime Anne-Sophie Louvel. Entre-temps aussi, les opérateurs des centres de tri ont réorganisé les méthodes de travail. C’est le cas de Paprec, entreprise de collecte et de tri des déchets qui gère 30 centres de tri en France, dont 27 ont continué à fonctionner pendant le confinement. « Dans les cabines de tri, nous avons espacé les agents pour respecter la distanciation sociale, raconte Sébastien Petithuguenin, directeur général du groupe. Nous avons aussi réaménagé les vestiaires, réfectoires et salles de repos, toujours pour respecter les mesures barrières, jusqu’à installer des barnums dans nos centres de Lyon ou de Rennes pour agrandir ces espaces. »

Surtout, Paprec est allé au-delà des préconisations du HCSP en équipant tous ses agents de masques FFP2. Avec LVMH, l’entreprise en a fait venir dès le 29 mars par avion en provenance de Chine. Elle en a commandé 350.000, rapporte le magazine Challenges. Une partie a été revendue à des confrères au prix d’achat, une autre encore donnée aux hôpitaux.

Des incertitudes à lever avant un redémarrage à pleine capacité

Suffisant ? « Nous avons plusieurs semaines de visibilité devant nous », confie en tout cas Sébastien Petithuguenin. Il n’empêche, pour Nicolas Garnier, « la disponibilité des masques FFP2 va être la grande question des prochaines semaines », estime-t-il. Et l’une des conditions à la reprise à pleine capacité des centres de tri français. Ce point est d’autant plus important pour le délégué général d’Amorce « qu’il reste encore des points à éclaircir dans notre connaissance du virus ». Il aurait aimé notamment des avis plus détaillés du HCSP. « D’un côté, il explique que la fragilité relative du coronavirus dans le milieu extérieur implique que le risque est très faible de le retrouver dans les déchets, illustre-t-il. De l’autre côté, dans un autre avis, il déconseille l’utilisation de souffleurs de feuilles pour nettoyer les rues, car pouvant soulever les poussières au sol et mettre ainsi du virus en suspension dans l’air. »

Une deuxième incertitude porte sur la reprise des matériaux à la sortie des centres de tri. C’est tout le but de l’opération : que les emballages triés soient repris par des industriels pour entrer dans la composition de nouveaux produits. Or, le confinement grippe cette chaîne « Sur certains flux, comme les papiers et cartons ou encore les plastiques, ça fonctionne assez bien, note Sébastien Petithuguenin. Pour d’autres en revanche, la situation est compliquée. C’est le cas des fers et métaux, très utilisés dans les secteurs du bâtiment ou de l’automobile, aujourd’hui à l’arrêt. »

Les mouchoirs, les masques, les gants… surtout pas dans le bac jaune

Mouchoirs, masques, gants… « Ces déchets doivent être jetés avec les ordures ménagères, en aucun cas dans le bac jaune dédié à la collecte sélective », martèlent tant Anne-Sophie Louvel, à Citeo, que Nicolas Garnier, à Amorce. « La consigne vaut en tout temps, qu’il y avait Covid ou pas Covid », indique d’ailleurs ce dernier. « En cette période, la consigne est même de jeter ses mouchoirs, masques et gants dans un premier sac-poubelle qu’on ferme et qu’on ne touche pas pendant 24 heures, puis qu’on jette avec ses autres ordures ménagères », précise Anne-Sophie Louvel.

C’est l’un des messages que les opérateurs du tri tentent de faire passer auprès des Français. Avec un succès mitigé. « On constate encore trop d’erreurs, déplore Anne-Sophie Louvel. Or, elles mettent potentiellement en danger les ripeurs et agents de tri, et peuvent aussi entraîner des interruptions dans les chaînes de tri. »

Les déchetteries aussi ont massivement fermé dans les premiers jours du confinement. « Il était difficile d’y faire respecter les mesures barrières, notamment la distanciation sociale, indique Nicolas Garnier. Comme les centres de tri, elles commencent à rouvrir progressivement. Lorsque ce n’est pas encore le cas, la consigne est de stocker ces encombrants chez soi, en attendant la fin du confinement. » Les vieux meubles dans le grenier, les tontes de gazon dans le fond du jardin… A priori, pas la mer à boire. Pourtant, la hausse de dépôts sauvages a été constatée un peu partout en France pendant le confinement.