Réchauffement climatique : Ces pays qui voient le dérèglement comme une aubaine
MAUVAISE FORTUNE, BON COEUR•Le réchauffement climatique n’est pas qu’une urgence climatique absolue : il peut être aussi une sacrée opportunité pour les nationsJean-Loup Delmas
L'essentiel
- La Russie a découvert cinq nouvelles îles grâce à la fonte des glaces, lui permettant d’agrandir encore son territoire.
- Comme pour le pays des Tsars, le réchauffement climatique est parfois vu comme une aubaine pour de nombreuses nations.
- « 20 Minutes » fait le point sur ces opportunités bien malgré elles.
On l’a vu dans cette année 2019 de tous les records climatiques inquiétants, le réchauffement de la planète est devenu une urgence absolue et s’annonce comme le défi de ces début de siècle.
Pourtant, alors que les rapports scientifiques virent de plus en plus au pessimisme et à des chroniques d’une apocalypse annoncée, certains pays ont décidé de faire de mauvaise fortune bon cœur et de voir ce réchauffement climatique comme une aubaine. Car une planète en surchauffe, cela peut être aussi l’occasion de quelques belles opportunités, qu’on peut diviser en trois grandes catégories.
L’opportunité matérielle
Ce jeudi, la marine russe a annoncé avoir découvert cinq nouvelles îles. Elle les confondait jadis avec des glaciers, mais la fonte des glaces a permis de se rendre compte qu’il s’agissait bel et bien de petites îles. Un changement de définition qui a son importance : la Russie voit ainsi son territoire croître, en acquérant non seulement ces îles mais également les eaux environnantes. Vladimir Poutine déclarant même dans un semi-sarcasme qu’une augmentation d’un ou deux degrés en Russie serait une chance pour le pays.
Pour Sylvie Faucheux, économiste spécialiste des conséquences du réchauffement climatique, ce cas montre bien la première des aubaines de la hausse de température, l’opportunité matérielle. « La fonte des glaces libère de nouveaux territoires pour les Hommes, surtout dans le Grand Froid. » Des acquisitions qui peuvent revêtir plusieurs formes : élargissement des frontières donc, mais « également l’exploitation de ressources jusque-là imprenables ou l’ouverture de nouvelles routes commerciales », appuie l’économiste. La route de l’Arctique, qui permet d’éviter un sacré gros détour en coupant plein Nord, est notamment souvent citée.
Pour autant, ces aubaines matérialistes laissent sceptiques Sylvie Faucheux, qui y voit une semi-occasion : « Exploiter encore plus de ressources, couper toujours plus l’Arctique, cela ne fait qu’amplifier le problème. Ce sont des aubaines à très court terme, qui risque principalement d’aggraver les choses, et il n’est pas sûr que ce soit un avenir possible avec toutes les mesures climatiques prises par les pays. »
Devenir les leaders du monde vert de demain
Certaines nations voient également le réchauffement climatique comme une aubaine à moyen et long terme : une occasion unique, à l’aube d’une troisième révolution « industrielle », de rebattre les cartes géopolitiques. « Le réchauffement climatique est une énorme opportunité pour amener une nouvelle forme de croissance et de compétitivité, appuie Sylvie Faucheux. Il s’agit de devenir les leaders technologiques d’un monde nouveau et vert. »
L’économiste prend l’exemple de la Chine, qui investit massivement dans les Smart-City, les transports propres et la technologie verte. « Le but est de devenir la référence et le modèle à suivre »,
Une marche en avant que suit également l’Inde, comme l’atteste Anna Geppert, géographe et professeure à la Sorbonne : « Les pays d’Europe et du Nord veulent poursuivre le même cycle innovation-production : ce sont eux qui font les percées technologiques, et les pays du Sud s’occupent de produire l’énergie verte. » Un schéma qui est en train de se briser : « Désormais, l’Inde refuse de se charger uniquement de la production, et investit de plus en plus dans l’innovation. L’Europe aimerait rester dans ce schéma d’autrefois, mais il suffit de voir le classement de Shanghaï sur les meilleures universités pour se convaincre que l’Asie veut aussi prendre les commandes de la recherche. »
L’ingérence
Enfin, le réchauffement climatique est une manière de développer l’ingérence entre les Etats et de forcer les relations diplomatiques. Anna Geppert explique : « On évoque de plus en plus un droit d’ingérence au nom du climat, comme lors des récents feux de forêts en Amazonie, où il y a eu une volonté d’interventionnisme des nations sur le droit du Brésil. » Pour elle, le climat devient « un argument dans les grands rapports de force, le discours sur le climat devient une justification d’intervention comme l’était la démocratie il y a vingt ans. »
La géographe conclut avec l’ingérence au niveau de l’ONU : « Le champ climatique est évoqué dans les rapports entre les pays riches et pauvres, avec notamment les pires discours, comme surveiller la natalité en Afrique et réfléchir à imposer des quotas de naissance. »