Nantes : Derrière le « coup de com », comment la ville se passe déjà des pesticides
BIODIVERSITE•La ville de Nantes s’est lancée depuis 2002 dans une démarche zéro phytoL'essentiel
- Nantes et quatre grandes villes de France ont signé un arrêté contre les pesticides cette semaine.
- Qualifié de « coup de com » par le gouvernement et l’opposition municipale, c’est l’occasion pour la mairie de rappeler, à juste titre, qu’elle s’inscrit parmi les précurseurs en la matière.
«Ici, il y a vingt ans, on aurait mis un coup de Roundup et puis voilà. Depuis, les bordures ne sont pas nettes, mais au moins on n’utilise plus de produits dangereux. » Au lendemain de la signature de l’ arrêté contre les pesticides pris par la mairie de Nantes et quatre autres grandes villes de France, la collectivité et ses jardiniers restent droits dans leurs bottes. Alors que le préfet de Loire-Atlantique a prévenu qu’il attaquerait le texte, qualifié de « coup de com' » par le gouvernement et l’opposition municipale, la ville de Nantes continue de défendre la démarche, dont elle avoue cependant l’aspect « symbolique ».
« Certes, les produits phytosanitaires sont déjà interdits dans les espaces publics et pour les particuliers [depuis 2017 et 2019] mais il reste encore la possibilité à un professionnel, qui viendrait s’occuper du terrain d’une entreprise par exemple, d’en utiliser, soutient Thomas Quéro, adjoint au maire en charge de la nature en ville. Cet arrêté vise à souligner ces trous dans la raquette. C’est parce que l’on est exemplaires sur le sujet que l’on se sent légitime à dire que le gouvernement n’a pas pris la mesure du problème. Ce n’est pas un coup de com' mais un coup de pression. »
Démarche zéro phyto
A six mois des municipales, et sans avoir à se frotter aux agriculteurs (il n’y a pas de terres agricoles qui pourraient nécessiter un épandage à Nantes), c’est donc l’occasion pour la maire, Johanna Rolland, de rappeler, à juste titre, que sa ville a été précurseure, avec une démarche zéro phyto dans les espaces verts, puis dans les espaces publics dès 2002. « A partir de là, on a dû arrêter d’utiliser le pulvérisateur, se souvient Franck Leminoux, responsable au sein du service des espaces verts et environnementaux [Seve]. Ça avait un certain confort, donc il a fallu que tout le monde s’y habitue. On a quand même vite compris l’intérêt, pour notre santé et pour la biodiversité. »
Paillage des sols, engrais organique, débroussaillage manuel… Plusieurs techniques, plus chronophages, s’imposent. De 6.000 litres de produits utilisés en 2004, la consommation passe à 830 litres en 2008. Sur le gazon nickel du Jardin des plantes commencent à apparaître quelques pâquerettes. Et des courriers de certains usagers, scandalisés de constater la prolifération de mauvaises herbes dans les cimetières notamment, arrivent en mairie. « Il a fallu changer complètement de regard, réinterroger la notion de ce qui est propre, continue Franck Leminoux. Pour les cimetières, on a engazonné des surfaces vides, tenté de contenir à une certaine hauteur, mais il y a encore des remarques… » « On a aussi réintroduit des plantes moins fragiles, comme les fétuques, ou toutes sortes de graminées », note Christian Marchand, lui aussi agent au Seve.
L’exemple du parc des Oblates
Pour asseoir complètement la démarche, la ville a même ouvert, il a six ans, le parc des Oblates, réputé comme « un coin de campagne en ville ». Comme ailleurs, les habitants qui cultivent la trentaine de parcelles de jardins familiaux ont dû signer une charte de pratique du jardin biologique. Ici, ce sont les moutons qui s’occupent de la tonte et tant pis s’il reste des touffes. Les ronciers sont volontairement gardés pour abriter les oiseaux. « On organise des comptages de papillons, de vers de terre, et les populations semblent en augmentation, se félicite-t-on au Seve. Pour les abeilles aussi. C’est paradoxal mais ces dernières se replient sur la ville désormais. »