PARADIS PERDULe tourisme de masse va-t-il détruire les vacances à la plage?

Mer turquoise vs déchets plastiques… Comment le tourisme de masse menace les vacances en bord de mer

PARADIS PERDULa pollution due au tourisme de masse met en danger les fragiles écosystèmes des littoraux
Lucie Bras

Lucie Bras

L'essentiel

  • Un rapport sur le tourisme bleu, le tourisme des régions côtières, est dévoilé ce jeudi et pointe les effets néfastes du tourisme de masse.
  • Ces territoires, où vit 20 % de la population mondiale, accueillent la majeure partie des vacanciers
  • « Les gens n’ont plus envie de voir une plage polluée par les déchets plastiques, les algues et les méduses », prévient Jérémie Fosse, auteur du rapport.

Les vacances, on s’y voit déjà : mer turquoise, brise marine, sable chaud… mais aussi déchets plastiques et invasion de méduses. De quoi transformer le rêve en cauchemar. Dans le monde entier, les littoraux, particulièrement sensibles, concentrent la majeure partie de l’offre touristique. Dans un rapport publié ce jeudi par l’ONG Eco Union, en partenariat avec l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), Jérémie Fosse, président de l’ONG et coauteur de ce travail, dénonce les abus du tourisme bleu, celui du bord de mer, et propose des solutions pour qu’il devienne… plus vert.

Pour illustrer les mauvaises pratiques de l’économie du tourisme, Jérémie Fosse prend un exemple. « Il y a des zones complètement saturées comme les Baléares, qui cassent les prix pour pouvoir remplir leurs hôtels », explique-t-il. « Ce tourisme-là marche tant qu’il est compétitif, mais d’autres destinations émergent et proposent des alternatives équivalentes moins chères. Le tourisme se déplace et va occuper d’autres espaces. C’est sans fin. C’est cette spirale qu’on veut rompre, prévient-il. L’industrie est dans une logique de bénéfice à court terme, mais le risque, c’est d’abîmer l’écosystème côtier maritime et de se détruire elle-même : les gens n’auront plus envie de voir une plage polluée par les déchets plastiques, les algues et les méduses. » De quoi condamner certaines îles dépendantes du tourisme, qui représente pourtant une grande partie de leurs revenus, comme les Seychelles ou l’île Maurice.

« Les petites îles côtières ne pourront pas résister »

D’autant plus que le tourisme devrait encore se développer dans les années à venir. Selon l’Organisation mondiale du tourisme des Nations Unies (OMT), le nombre d’arrivées de touristes internationaux (ATI) devrait augmenter, pour atteindre 1,8 milliard par an d’ici à 2030 à travers le monde (contre 1,4 milliard en 2018). L’Europe restera la première région, avec près de 780 millions de touristes d’ici à 2030, et les régions Asie et Pacifique accueilleront 500 millions de touristes. La majeure partie de la croissance du tourisme se concentrera dans les zones côtières, représentant entre 20 % et 100 % du tourisme selon la taille et la géographie du pays concerné.

Les côtes Atlantique ou Pacifique, les Caraïbes… Dans ces paysages en danger, le changement climatique menace sans cesse la côte. Ces littoraux, où vivent 20 % de la population mondiale, sont plus fragiles face aux tempêtes et aux inondations. « Les pays les plus riches et les industries internationales vont s’adapter, mais la petite communauté des habitants d’une île côtière, comme le Mozambique, Madagascar ou les Caraïbes, ne vont pas pouvoir résister à cet impact. »

Croisières au bout du monde

Si une prise de conscience existe, estime Jérémie Fosse, de nouvelles menaces alertent sans cesse les défenseurs de l’environnement, comme la pollution sur la côte Antarctique. « Le croisiérisme n’a pas de frontière », déplore-t-il. « Avec le changement climatique, on a de plus en plus facilement accès à ces zones bloquées par les glaces. C’est un tourisme très attractif, avec des coûts de plus en plus bas, dans des zones sur lesquelles les écosystèmes sont extrêmement fragiles. (…) Il faut absolument verdir ce tourisme de masse, en y mettant tous les moyens technologiques à notre disposition, comme l’élimination des déchets, l’évacuation des eaux usées, l’adoption d’un mode de consommation plus vert… »

La Méditerranée, elle, concentre 50 % du tourisme international. « Elle est un symbole de ce qui se passe à l’échelle mondiale, entre des pays du nord matures au niveau du tourisme et des pays du sud qui recherchent cette manne économique. Aujourd’hui, ils ont justement le pouvoir de choisir entre tourisme durable et tourisme de masse », explique Jérémie Fosse. D’autant plus que cette région concentre tous les risques du changement climatique : « la montée des eaux, des incendies, des sécheresses de plus en plus fortes, un manque d’eau qui risque de provoquer des conflits entre les habitants et les touristes qui veulent remplir leur piscine… », énumère-t-il. « Si on est capable de créer un tourisme durable en Méditerranée, on pourra le répliquer dans les autres régions. »

Prendre à nouveau le temps de voyager

En tant que touriste, il est aussi possible d’agir, rappelle Jérémie Fosse. « Il faut commencer par accepter que ce n’est pas durable de partir en week-end à l’autre bout du monde », rappelle Jérémie Fosse. « L’idée, c’est de voyager moins mais mieux : le voyage doit démarrer dès qu’on quitte sa résidence principale, le mode de transport faisant partie de l’expérience touristique. C’est un tourisme basé sur des temps plus longs ». Des pistes existent pour guider les touristes, comme le Pavillon bleu, un label qui valorise chaque année la qualité des plages, en prenant en compte la propreté et préservation des écosystèmes marins.

La Clef verte recense quant à elle les hébergements responsables, et l’Ecolabel européen permet d’identifier les pratiques responsables. « C’est important de choisir des opérateurs qui soient certifiés verts, qui ont adopté une politique sociale qui permette une qualité de l’emploi des habitants », ajoute Jérémie Fosse. « Le touriste recherche de plus en plus ce genre d’information », conclut-il.