Groenland: La glace fond six fois plus vite aujourd'hui que dans les années 80
RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE•Au Groenland, la fonte des glaces s’est considérablement accélérée à partir des années 200020 Minutes avec agences
Des chercheurs ont recalculé la perte de glaces au Groenland depuis 1972, date de la mise en orbite des premiers satellites Landsat ayant photographié régulièrement ce territoire. Et, sans surprise, les résultats de leur étude, parue ce lundi dans les Compte rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS), sont tout sauf encourageants.
« Quand on regarde sur plusieurs décennies, il vaut mieux s’asseoir sur sa chaise avant de regarder les résultats, parce que ça fait un petit peu peur de voir à quelle vitesse ça change », a ainsi déclaré le glaciologue français Eric Rignot, coauteur de l’étude avec des collègues en Californie, à Grenoble, Utrecht et Copenhague. Le phénomène touche « les quatre coins du Groenland, pas juste les parties plus chaudes au Sud », précise le spécialiste.
Des méthodes de plus en plus fiables
Mesurer la fonte des glaces au Groenland ou en Antarctique est un exercice relativement précis en 2019, grâce à un arsenal de satellites, de stations météo et de modèles climatiques sophistiqués. Les glaciologues disposent ainsi de trois méthodes.
Des satellites mesurent tout simplement l’altitude, et ses variations, grâce à un laser. Si un glacier fond, le satellite voit son altitude baisser. Une seconde technique consiste, depuis 2002, à mesurer les variations de gravité terrestre. Les montagnes ne bougeant (presque) pas, ce sont les mouvements et transformations de l’eau qui les expliquent. Enfin, les scientifiques ont développé des modèles dits de bilan de masse. Ils comparent ce qui s’accumule sur le Groenland (pluie, neige) à ce qui en sort (rivières de glace), et calculent ainsi ce qui reste.
La glace fond six fois plus vite que dans les années 1980
Ces modèles, confirmés avec des mesures de terrain, sont devenus très fiables depuis le milieu des années 2000, assure Eric Rignot, de l’ordre de 5 à 7 % de marge d’erreur, contre 100 % il y a quelques décennies. L’équipe a utilisé ces modèles pour « remonter dans le temps » et reconstruire en détail où en était la glace du Groenland dans les années 1970 et 1980.
Le résultat est que dans les années 1970, le Groenland a gagné 47 gigatonnes de glace par an en moyenne (Gt/an), avant d’en perdre un volume équivalent dans les années 1980. La fonte continue à ce rythme dans les années 1990, avant une accélération forte à partir des années 2000 (187 Gt/an) et surtout depuis 2010 (286 Gt/an).
La glace fond donc six fois plus vite aujourd’hui que dans les années 1980, estiment les chercheurs. Les glaciers du Groenland, rien qu’à eux, auraient contribué à faire monter le niveau des océans de 13,7 millimètres depuis 1972.
Comme un travail similaire de la même équipe pour l'Antarctique, cette étude offre un contexte plus long à la fonte rapide observée au Groenland ces dernières années. « La fonte glaciaire observée depuis huit ans est équivalente à celle des quatre décennies précédentes », résume Amber Leeson, de l’Université de Lancaster.