Fos-sur-Mer: Des scientifiques sur la trace des polluants en étudiant les cernes des arbres
POLLUTION•Plusieurs scientifiques sont parvenus a étudié la teneur en éléments chimiques dans l’air à Fos-sur-Mer en comparant les cernes des arbres
Adrien Max
L'essentiel
- Plusieurs scientifiques ont procédé au carottage d’arbres afin d’analyser la concentration de polluants métalliques dans leurs cernes.
- L’étude s’est déroulée à Fos-sur-Mer, zone industrielle et à Grans afin de comparer les résultats.
- La concentration de métaux est plus importante à Fos-sur-Mer, et la réglementation sur l’utilisation de certains métaux a de fortes conséquences sur les concentrations.
L’étude des polluants par les arbres. Des scientifiques de l’Institut Ecocitoyen pour la Connaissance des Pollutions (IECP), du Laboratoire Chrono-environnement de l' Université de Franche-Comté et du CEREGE (centre européen de recherche de l’Université d’Aix- Marseille) ont étudié les cernes des arbres pour analyser leur concentration en produits chimiques, et ainsi retracer les évolutions dans le temps, comme en concentration. La zone test est celle de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, connue pour concentrer d’importantes industries. 20 Minutes vous explique tout sur cette technique, et ses résultats.
Comment étudier les polluants par les arbres ?
Il s’agit de la dendrochimie. « Le cerne d’un arbre est un tissu conducteur, dans lequel s’accumulent les polluants auxquels les feuilles et les racines ont pu être exposées. Ces tissus, une fois l’année écoulée, se transforment en bois dans lequel sont stockés des éléments métalliques », explique Annabelle Austruy, chargée de cette étude. Les scientifiques procèdent donc à un carottage jusqu’au cœur de l’arbre, puis découpe chacun des cernes pour en étudiant leur composition.
Trois arbres ont été sélectionnés, un dans le centre-ville de Fos-sur-Mer, un autre dans la zone industrielle, et un troisième à Grans, à une vingtaine de kilomètres de là afin d’étudier les conséquences de la zone industrielle en matière d’émission de polluant métalliques. Seuls les polluants métalliques sont étudiés, les polluants organiques peuvent s’être volatilisés.
Quels sont les résultats obtenus ?
Les résultats obtenus relèvent de la période 1975-2015, les scientifiques n’étant pas parvenus à trouver d’arbres plus anciens sur la zone industrielle de Fos-sur-Mer. De manière générale, l’exposition à de nombreux métaux tels que l’arsenic, l’aluminium, le cadium, le cuivre, le cobalt ou le zinc est « significativement plus importante » en 2015 qu’en 1975 pour les trois zones testées. Avec une concentration plus importante dans les arbres prélevés sur la zone industrielle de Fos.
Mais à y regarder de plus près, la concentration de certains métaux a diminué entre 1975 et 2015. Le mercure a par exemple baissé de 53 % entre 75 et 2002, et ce pour les trois zones testées. « On voit clairement une réduction des métaux les plus toxiques, le mercure, le cadium et le plomb de 1975 à 2002. Pour le plomb, les concentrations étaient trois fois plus importantes entre 1975 et 1993, avant de devenir trois fois moins importantes de 1993 à nos jours. Cela nous permet de dire que les réglementations ont une conséquence sur les concentrations de polluants métalliques puisqu’ils ont été progressivement moins utilisés à partir de cette période », avance Annabelle Austruy.
La scientifique a néanmoins pu constater une augmentation de la concentration d’autres métaux à partir de la fin des années 90, jusqu’à aujourd’hui. « La concentration en chrome a été multipliée par neuf entre 75 et 2015. Le fer et l’aluminium ont également progressé sur cette même période. Cela a été observé sur les deux zones, l’une des hypothèses pourrait être la diversification des activités industrielles, mais également le développement des activités humaines avec le trafic maritime et automobile », explique Annabelle Austruy.
aQuelles interprétations faire de ces résultats ?
Cette étude permet de percevoir l’impact des réglementations sur les émissions de polluants métalliques, mais elle ne permet pas de connaître la source de l’augmentation de la concentration de certains métaux. « Pour compléter l’étude nous avons fait une demande de financement. Cela permettrait de comprendre l’impact de la diversification des activités industrielles et humaines. Les variations temporelles seraient également intéressantes à étudier plus spécifiquement pour déterminer l’origine de la pollution et sa variabilité », espère la scientifique. Des études historiques et sociologiques pourraient également venir renforcer l’analyse des résultats.