ETUDEDes microplastiques retrouvés dans des crustacés vivants en profondeur

Pollution: Des microplastiques retrouvés dans des crustacés vivants à onze kilomètres de profondeur

ETUDE« Une partie de moi s’attendait à trouver quelque chose, mais pas au point d’avoir 100 % des individus du lieu le plus profond du monde ayant des fibres dans leurs entrailles», a déploré Alan Jamieson, chercheur en écologie marine
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Le plastique a-t-il contaminé la totalité des océans ? Pour la première fois, des chercheurs ont découvert des microplastiques dans les entrailles de crustacés vivant à près de 11 kilomètres de profondeur, révèle une étude, publiée ce mercredi, dans la revue Royal Society Open Science.

Les scientifiques ont disséqué 90 spécimens d’amphipodes Lysianassidés, sortes de minuscules crevettes, récoltés au fond de six des plus profondes fosses océaniques réparties autour de la Ceinture du Pacifique. Nylon, polyéthylène, PVC, soie synthétique… 65 individus (plus de 72 %) contenaient au moins une microparticule.

Plus de 250.000 tonnes de plastique à la surface qui se transforment en microparticules

Et la contamination concerne tous les sites, avec un minimum de 50 % des spécimens collectés à près de 7.000 mètres de profondeur dans la fosse des Nouvelles-Hébrides ayant ingéré du plastique, à 100 % chez ceux capturés à près de 11.000 mètres dans la fosse des Mariannes, la plus profonde connue. « Une partie de moi s’attendait à trouver quelque chose, mais pas au point d’avoir 100 % des individus du lieu le plus profond du monde ayant des fibres dans leurs entrailles. C’est énorme », explique Alan Jamieson, chercheur en écologie marine à l’université britannique de Newcastle.

Plus de 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, dont une partie se retrouve dans l’océan. Si selon des estimations scientifiques, quelque 5.000 milliards de morceaux de plastique pesant plus de 250.000 tonnes flottent à la surface​, la matière finit par se dégrader en microparticules qui coulent au fond des mers. De précédentes études avaient mis en évidence la présence de microplastiques dans des sédiments marins à près de 7.000 mètres près de la fosse des Kouriles, et dans des organismes vivant à 2.200 mètres de profondeur dans l’Atlantique Nord. Mais la plupart des études se focalisent sur la surface.

« Il est temps d’accepter que les microparticules de plastique sont partout »

Avec ces nouvelles données, « le point essentiel est qu’on trouve (les microplastiques) systématiquement dans des animaux tout autour du Pacifique à des profondeurs extraordinaires. C’est partout. Il est temps d’accepter que les microparticules de plastique sont partout », déplore Alan Jamieson. Certaines des fosses où vivaient les individus étudiés sont en effet éloignées de plusieurs milliers de kilomètres les unes des autres. Et la pollution des profondeurs n’est pas nouvelle, les premiers échantillons remontant à 2008.

L’impact de l’ingestion des microparticules par ces organismes qui sont le début de la chaîne alimentaire des abysses n’est pas connu. Une fois entrées dans la chaîne alimentaire, « il y a une forte probabilité » d’un « cycle perpétuel » de transfert de ces microplastiques d’un animal à son prédateur. L’ONU et les ONG ont déclaré la guerre aux plastiques pour tenter de tarir la pollution à la source en luttant contre la culture du tout-jetable. Mais l’espoir de nettoyer les mers des volumes de déchets gigantesques est plus que faible.