Conseil des joueurs, unis derrière Guirado... Après Twickenham, le XV de France s'est racheté une vie de groupe
RUGBY•On pourrait presque croire que le XV de France n'a pas pris de dérouillée en AngleterreWilliam Pereira
L'essentiel
- Le XV de France prépare la réception de l'Ecosse à Marcoussis
- Les joueurs et Jacques Brunel ont tenu à éteindre les polémiques au sein du groupe
C’est un lundi monotone comme mille autres qu’un message sur notre portable vient perturber : Jacques Brunel annoncera finalement le XV titulaire contre l’Ecosse – match comptant pour la troisième journée du tournoi des 6 Nations – mardi à 9h30 à Marcoussis et non jeudi. Mauvaise nouvelle, ça pue le combo réveil prématuré + bouchons. Bonne nouvelle, tout le monde sera fixé au plus tôt. Il n’empêche que l’annonce interpelle. 20 jours auparavant et à la veille du match d’ouverture contre les Gallois, le sélectionneur français pestait contre les fuites de la compo que l’on offre aujourd’hui gratuitement aux Ecossais.
L’intéressé justifie cette curiosité par l’une des rares phrases capables de nous sortir de notre torpeur matinale. « Je ne pense pas que l’Ecosse ait peur de nous. Vu notre prestation contre l’Angleterre, elle doit être confiante et quelle que soit notre composition je suis sûr qu’elle va venir avec beaucoup d’ambitions à Paris. A la demande des joueurs la compo a été donnée prématurément. » C’est, expliquait en amont l’attaché de presse, pour mieux se concentrer sur la semaine de préparation lors des entraînements. « Pour éviter les fuites et le côté polémique autour de la presse aussi », ajoutera Jefferson Poirot.
L’info aurait pu passer comme une lettre à la poste si l’envie de relier cette demande collective au contexte de remise en cause de l’autorité de Jacques Brunel et son staff ne nous chatouillait pas. Les râleries de Lopez et Parra en zone mixte après Twickenham, les bruits de couloir sur une possible fronde des joueurs, la rumeur d’un changement de sélectionneur après le Mondial, celle sur l’intégration de Fabien Galthié au staff actuel (dont Brunel n’était « pas au courant » avant mardi matin, alors que Bernard Laporte sous-entendait que le choix de l’intégrer ou non lui reviendrait)… Trop d’indices ont été distillés pour que ce changement de dernière seconde ne soit pas interprété comme la démonstration du poids croissant du groupe dans la prise de décisions. La Bastille ne résiste que parce que le monarque Laporte tient la baraque à coups de gueulantes comme vendredi, à Marcoussis (RMC lui prête les mots : « quand on prend 40 points, on se tait »). A moins que l’on soit parano ? « Ce groupe vit bien. Vous pourrez en parler aux joueurs, ils vous en diront du bien. » Challenge accepted.
Le conseil des joueurs, grande attraction de la semaine
« On est heureux, ça se voit pas ? » Calé entre les panneaux publicitaires un pupitre et sous l'oeil du vice-président de la Fédération Serge Simon, Mathieu Bastareaud se marre, mais n’en pense pas moins. Un groupe, le conseil des joueurs, a été formé après de longs pourparlers à l’occasion du regroupement de vendredi. On y retrouve des joueurs de plusieurs générations – une idée originale de Brunel. « Le fait qu’il y ait des jeunes dans ce groupe permet aux nouveaux de s’exprimer plus facilement », se félicite Yoann Huget, membre d’honneur d’un cercle fermé également composé de Fickou, Picamoles, Bastareaud, Parra (eh oui !), Ntamack et Lambey, même si Bastareaud refuse de nourrir l’idée d’un fossé entre les plus anciens et les plus jeunes. « Moi aussi je joue à la playstation. » L’assistance glousse de concert. Bienvenue au Mathieu comedy club.
Dans les faits, le groupe existe depuis le mois de novembre, mais son action est désormais quotidienne. Poirot: « on va essayer de se voir après chaque journée pour débriefer ce qui est bien, pas bien, voir les objectifs à fixer au lendemain, pour aller plus loin dans l’exigence personnelle. » Outre le choix d’avancer l’annonce du XV contre l’Ecosse ou de changer le format des points presse avec les journalistes, le conseil a débouché sur des ajustements dans la manière d’aborder la préparation du prochain match, comme, dixit Poirot, « cibler un peu plus les points forts et faibles de l’adversaire que de se focaliser seulement sur nous », l’idée étant de ne pas se faire surprendre par le jeu en largeur et l’habileté écossais.
Difficile de ne pas y voir une allusion aux propos de Morgan Parra qui déplorait le manque de préparation face au kicking-game anglais. De là à dire que les joueurs soutiennent la charnière de frondeurs (Lopez étant le second) il y a un fossé que nous ne franchirons pas. Au contraire, le malaise plane quand il s’agit d’évoquer leur sortie en zone mixte à Twickenham.
Unis derrière Guirado
Mais le staff et les joueurs ont su trouver la parade : s’unir derrière un nouvel ennemi commun, la presse, coupable d’avoir profité de la faiblesse de joueurs à fleur de peau dans un contexte de lose intercosmique. Brunel a allumé la mèche en conférence de presse le matin, et pas grand monde n’a osé le contredire. Pas Louis Picamoles, en tout cas. « Concernant Morgan et Camille, la période est propice à extrapoler des dires. On sait ce que veulent dire Camille et Morgan, leurs propos n’ont pas forcément été bien interprétés » par les personnes chargées de les relayer. Tout comme l’idée de la tenue d’un vote pour conforter ou non Guilhem Guirado dans son rôle de capitaine (« des infos qui viennent je ne sais d’où », dira Bastareaud) a dû faire à un moment où l’autre l’objet d’une erreur d’appréciation. Basta, toujours : « on n’a pas eu besoin de conforter Guilhem ou quoi que ce soit, c’est le capitaine depuis un moment. »
En revanche, tous se rejoignent pour dire que le conseil des joueurs a vocation à aider le leader de l’équipe. « On s’est resserré autour de lui, ça c’est vrai. Il y a un groupe leader pour partager les responsabilités avec lui. », énonce Poirot. Le groupe vit bien, le groupe est fort. De quoi limiter les agissements de Jacques Brunel en interne ? Le trois-quart centre du Stade Français jure que non. « Il n’y a pas le staff d’un côté et nous de l’autre. L’idée, c’est d’avancer main dans la main. » En fait, tout va vraiment bien. C’est à se demander si le 44-8 a vraiment existé. Foutue parano.