Limousin: Comment faire cohabiter le loup avec des élevages en plein air
VIE SAUVAGE•Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine lance ce mercredi en Haute-Vienne une expérimentation unique en France, visant à « anticiper plutôt que subir » l’arrivée imminente du loup sur ce territoireMickaël Bosredon
L'essentiel
- L’installation du loup en Limousin devrait se faire d’ici à quelques mois ou quelques années.
- S’appuyant sur une expérience menée au parc national de Yellowstone aux Etats-Unis, le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine va tenter une expérimentation visant à concilier la présence du loup avec l’élevage de plein air, très répandu sur ce territoire.
- Le vice-président en charge de l’environnement, s’il défend les éleveurs, rappelle aussi que le loup est désormais une espèce protégée.
Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine lance ce mercredi à Sainte-Anne-Saint-Priest (Haute-Vienne) une expérimentation, unique en France, en faveur de la conciliation de la préservation de l’élevage avec la présence du loup. Elle s’appuie sur une expérience similaire menée dans le parc de Yellowstone aux Etats-Unis. Nicolas Thierry, vice-président EELV du conseil régional, en charge de l’environnement et de la biodiversité, explique à 20 Minutes les enjeux de cette initiative.
En quoi cette expérimentation consiste-t-elle ?
L’ambition est « d’essayer d’anticiper plutôt que de subir » la présence du loup explique Nicolas Thierry. Pour cela, la région va organiser un réseau d’entente et de coopération sur l’ensemble du territoire du Limousin. « Il s’agit de faire travailler ensemble les éleveurs, les naturalistes, les chasseurs, les forestiers et l’Etat, en créant un réseau de veille, coordonné par deux scientifiques. »
« En surveillant le moindre indice, la moindre trace, l’idée est de bénéficier d’un réseau de détection précoce du loup, poursuit l’élu, pour améliorer notre connaissance de cet animal sur le territoire du Limousin. » Dès lors, l’éleveur pourra activer les mesures prévues dans le « plan loup » du gouvernement, à savoir l’installation de clôtures, ou la possibilité de s'équiper de chiens Patou pour protéger les élevages.
Le but de la démarche est évidemment d’éviter les tirs à l’encontre de l’animal, prévus dans le « plan loup » en dernier recours, et à condition qu’« il n’existe pas d’autres solutions ». C’est pourquoi dans un deuxième temps, l’expérimentation pourrait, « uniquement si cela s’avère nécessaire et que l’Etat donne son autorisation », permettre de « capturer des loups qui poseraient problème à des élevages ». Ils seraient alors équipés de colliers géolocalisables afin qu’ils puissent être suivis par des scientifiques. « Nous avons pu constater à Yellowstone que, dans la plupart du temps, la capture du loup suffit à ce qu’il ne revienne plus du tout sur le territoire où il était. »
Entre 10 et 20 éleveurs seront associés à l’expérimentation dans un premier temps, qui se déroulera dans un périmètre restreint. Si elle donne satisfaction, elle pourra être étendue à tout le département puis à des départements voisins, comme la Dordogne.
Pourquoi une expérimentation dans le Limousin ?
Parce que le Limousin « est dans la zone du couloir de progression du loup, qui arrive d’Italie et qui passe par le parc national du Mercantour, et que c’est un territoire d’élevage ». « On sait que le loup est sur le point d’arriver, c’est une question de quelques mois ou de quelques années. Et cette fois-ci, nous avons fait le choix d’essayer d’aborder le sujet du loup avec rationalité. On entend beaucoup de responsables, un peu partout en France, qui se disent contre le loup. En réalité, cela n’a aucun sens de se dire contre telle ou telle espèce. Le débat ne peut pas se poser comme cela. »
Le loup aurait même déjà fait une incursion dans le département, puisqu'il serait responsable de l'attaque d'une brebis en 2018, selon un éleveur.
Est-il possible de concilier la présence du loup avec des élevages en plein air ?
C’est tout l’enjeu de cette expérimentation. « Le loup pose des difficultés aux élevages de plein air, reconnaît Nicolas Thierry. Ces éleveurs qui produisent de la viande de qualité refusent d’enfermer leurs animaux pour ne pas basculer dans l’industrialisation de l’agriculture, et je les soutiens. Le retour du loup est une difficulté pour eux, il ne faut pas le nier. » Ce que confirme l'un d'eux à France 3: « tout le monde atteste à demi-mot que le loup est présent dans le Limousin, et des attaques se font sur des troupeaux », même si aucune n'a officiellement été attribuée au loup, faute de preuve.
L’élu ne veut pas occulter pour autant la préservation d’une espèce protégée. « On ne peut pas s’indigner collectivement, et les élus en premier, de la disparition de la biodiversité, et dans le même temps refuser à une espèce le droit d’exister sous prétexte qu’elle nous dérangerait. Si on décide de conserver simplement les espèces qui nous sont utiles, clairement nous allons vers la catastrophe. Et le loup à l’échelle mondiale, ce n’est plus que 200.000 individus à l’état sauvage », rappelle-t-il (pour un peu plus de 500 individus en France).
Donc, « oui, il faut tenter de concilier ces deux enjeux, même si nous faisons preuve de beaucoup d’humilité sur le sujet, car il est très compliqué. »
Depuis quand le loup est-il de retour en France ?
Le loup est de retour en France depuis le début des années 1990, « et il progresse géographiquement ». « Nous sommes le seul pays d’Europe ayant déjà connu le loup par le passé, où cet animal a totalement disparu pendant une longue période, rappelle Nicolas Thierry. De 1930 jusqu’au début des années 1990, il n’y avait plus du tout de loup, à la faveur d’une véritable campagne d’éradication. Cela a eu pour conséquence une perte d’habitude de sa présence, de la part des éleveurs comme de la société en général. »