Mais pourquoi les commerces laissent-ils leurs portes ouvertes, même par grand froid ?
CHAUFFAGE•A Nantes comme ailleurs, un grand nombre de boutiques ne ferment pas leurs portes, même lorsque les températures chutent…Julie Urbach
L'essentiel
- Une pétition demande aux boutiques qui ouvrent leurs portes pendant l’hiver d’arrêter cette « pratique climaticide ».
- Les magasins, pour qui le premier argument est commercial, s’équipent pour certains de rideaux de chaleur.
Il suffit de remonter la rue Crébillon à Nantes (ou n’importe quel axe commerçant en France) pour s’en rendre compte. Alors que le thermomètre affiche péniblement les 4 °C ce mercredi matin, certaines boutiques se croient en plein été en laissant leurs portes grandes ouvertes. Une mauvaise habitude qui s’apparenterait même à « une pratique climaticide », alerte Anne, bénévole de l’association I Boycott Nantes. L’association vient de lancer une pétition en ligne rappelant que « le bâtiment est le plus gros consommateur d’énergie en France (42,5 %) » Le texte avait dépassé, mercredi, les 500 signatures.
Mais alors, pourquoi les magasins (en général les grandes enseignes), continuent-elles à agir ainsi ? L’argument serait d’abord commercial. « Avec la porte fermée, les clients pensent que l’on est fermé, avance sincèrement la gérante d’une franchise de restaurant, autour de la place du Commerce. J’ai fait le test et je vous assure que la fréquentation peut varier de 30 %. » Dans une grande enseigne de prêt-à-porter, on utilise un argument un peu plus étonnant. « Les clientes se cognaient dans la porte vitrée, il y a eu des accidents ! Et puis c’est difficile de la pousser, car elle se coince dans le tapis… »
Des « rideaux » pour « ne pas chauffer le trottoir »
Des raisons qui semblent bien éloignées de l’« urgence écologique » que dénoncent les signataires de la pétition, même si, chez certains commerçants, ça commence à bouger. Il faut dire que selon l’Ademe, qui recommande une température intérieure de 19 °C, « la part du poste chauffage représente environ 12 % de la facture énergétique d’un commerce ». Du coup, pour tenter de faire rimer commerce et écologie, des rideaux de chaleur (sortes de gros souffleurs) fleurissent au plafond, au niveau des portes : ce dispositif coûteux permettrait d’éviter une déperdition d’énergie, à hauteur de 90 %, selon le site Internet d’un constructeur. C’est lui qui provoque notamment ce gros « coup de chaud » quand on pénètre dans un magasin qui en est doté.
Si ce rideau permettrait de « ne pas chauffer le trottoir » tout en assurant le confort des vendeurs, son efficacité ne semble pas faire l’unanimité. « Notre boutique en a un, il est entretenu fréquemment, mais la sensation n’est pas la même que si l’on fermait la porte, reconnaît la responsable d’une boutique de vêtements pour femmes (et dont la porte est ouverte). Du coup, il nous arrive de régler le chauffage sur 25 pour avoir une température convenable dans la boutique. Et même de brancher un petit chauffage électrique derrière la caisse. Ecologiquement, ce n’est pas bon, c’est sûr… »
L’association des commerçants va se saisir de la question
Alors que certains commerces choisissent la solution de la porte automatique, d’autres se plaignent du coût que de tels travaux représentent. « Nous allons mettre le sujet sur la table, voir comment chacun peut s’y retrouver tout en œuvrant pour la transition énergétique », assure-t-on chez Plein Centre. L’association des commerçants nantais (et c’est une première en France, dit-on), vient en effet de recruter un animateur transition énergétique.
« La question des portes ouvertes fera partie de sa feuille de route, en lien avec l’objectif de la réduction de la facture énergétique. Nous nous intéresserons aussi à la réduction des déchets, et notamment des cartons, ou à la végétalisation des rues. » Chez I Boycott, on prend acte de ce premier pas. En espérant qu’il conduira à une nouvelle ligne de conduite commune chez les commerçants, nantais et au-delà.