COP24: A Katowice, même l'UE avance en ordre dispersé sur ses «ambitions climatiques»
CLIMAT•Alors que la COP24 entre dans la dernière ligne droite, les parties les plus engagées dans la lutte climatique tentent de multiplier les signaux positifs. C’est le cas de l’Union européenne. Mais ses Etats membres ne tirent pas tous dans le même sens…Fabrice Pouliquen
L'essentiel
- Mercredi soir, une trentaine de pays ont constitué la « coalition pour la haute ambition », groupe qui se dit déterminé à revoir à la hausse les efforts consentis pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
- L’Union européenne, via son commissaire européen au climat, a signé la déclaration, de même que onze Etats membres de l’UE.
- Pourtant, sur la question de la relève des ambitions climatiques, l’UE apparaît très divisée. Plusieurs pays, dont la Pologne, sont opposés à tout relèvement des ambitions européennes à horizon 2030. Quant à l’Allemagne, elle est indécise.
De notre envoyé spécial à Katowice (Pologne),
C’est l’une des (rares) bonnes nouvelles pour l’instant de la COP24 qui se tient jusqu’à vendredi à Katowice (Pologne). Mercredi soir, une trentaine de pays ont signé une déclaration appelant à accélérer le tempo dans la lutte contre le réchauffement climatique. Onze Etats membres de l’Union européenne - dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni -, ont pris part à cette « coalition pour une haute ambition », de même que Miguel Arias Canete, le commissaire européen au climat et à l’énergie.
Dans le détail, la déclaration inaugurale de cette coalition qualifie d’avertissement sérieux le dernier rapport spécial du Giec et affirme la détermination des signataires à augmenter leur ambition climatique d’ici à 2020 et à relever leur niveau d’action à court terme.
Le relèvement de l’ambition climatique, un enjeu fort de Katowice
C’est l’un des enjeux forts de cette COP24 : le relèvement de l’ambition climatique mondiale. Les pays qui ont ratifié l’Accord de Paris sur le climat ont jusqu’à 2020 pour publier leurs contributions, c’est-à-dire leurs engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. La majorité des pays ont déjà déposé leur plan climat il y a plusieurs années. « Le contexte n’est plus le même aujourd’hui, de nouvelles études scientifiques – dont le dernier rapport du Giec- ont montré l’urgence d’accélérer la transition écologique », expose Lucile Dufour, responsable des politiques internationales et de développement au Réseau action climat (RAC).
La Commission européenne avait déjà fait un premier pas significatif le 28 novembre dernier, trois jours avant l’ouverture de la COP24, en adoptant une nouvelle stratégie climatique censée lui permettre de « devenir d’ici à 2050 la première grande économie du monde à présenter un bilan neutre sur le plan climatique ». Que Miguel Arias Canete et onze pays membres de l’UE rejoignent, mercredi soir, la « coalition pour une haute ambition » est à voir comme un autre signal fort de la détermination de l’Union européenne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
La moitié du chemin seulement pour l’UE
Mais ce faisant, l’Union européenne n’a fait que la moitié du chemin. Il reste à régler les étapes intermédiaires qui permettront d’atteindre cette neutralité carbone en 2050. « Cela passera forcément par un relèvement de nos ambitions climatiques à l’horizon 2030, explique Neil Makaroff, chargé des politiques européennes au RAC. En 2014, l’UE s’était fixé pour cette date l’objectif de réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre [par rapport à 1990]. Si le nouveau cap est la neutralité carbone en 2050, il nous faudra au minimum réduire nos émissions de 55 % d’ici 2030. »
Or, à ce jour, la Commission européenne se garde bien de faire des annonces sur une nouvelle ambition pour 2030, même après avoir rejoint cette « coalition pour une haute ambition ». « C’est encore assez flou d’ailleurs, reprend Neil Makaroff. Miguel Arias Canete a rejoint au nom de l’Union européenne cette coalition. Mais est-ce que cela engage tous les Etats membres ? A priori, non. »
La position délicate de l’Allemagne
L’Europe avance en ordre très dispersé sur son ambition 2030. « Quinze Etats, parmi lesquels la France, sont arrivés à Katowice en se disant prêts à lancer le processus pour relever l’ambition européenne à l’horizon 2030, poursuit Neil Makaroff. Cela veut dire qu’ils sont au moins d’accord pour ouvrir le débat. Mais d’autres pays européens bloquent. C’est le cas en particulier du groupe de Visegrad, composé de la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie… et la Pologne. » Ces quatre pays d’Europe centrale puisent encore une part importante de leur énergie du charbon et estiment, plus globalement, que l’UE est déjà suffisamment ambitieuse en matière dans sa lutte contre le changement climatique.
L’Allemagne aussi se montre très incertaine sur ce dossier même si elle a rejoint mercredi soir la coalition pour la haute ambition. Le pays est en passe de louper ses objectifs climatiques 2020 en raison de la forte part qu’occupe aujourd’hui encore le charbon dans son mix électrique [environ 40 % de sa production d’électricité]. Le gouvernement fédéral a mis sur pied en juin dernier une commission de réflexion sur la sortie du charbon. « Elle devait rendre ses conclusions le 11 décembre, la date a finalement été décalée à février, explique Neil Makaroff. En attendant, l’Allemagne est dans une situation délicate et peut difficilement se positionner sur une rehausse des ambitions climatiques européennes à l’horizon 2030. »
Charbon allemand vs nucléaire français
Surtout, Berlin attend quelques garanties de la France avant de s’engager plus clairement dans une baisse du charbon dans sa production d’électricité. « Nous demandons à l’Allemagne de baisser sa part du charbon et eux nous demandent de baisser notre part du nucléaire, a résumé Brune Poirson, secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique, mardi soir lors d’un point presse à Katowice.
Dans cet équilibre, l’enjeu n’est pas seulement d’accélérer la transition vers un système énergétique plus propre et moins émetteur de gaz à effet de serre. Il est aussi d’assurer la sécurité énergétique des deux pays. « La peur de devoir consommer de l’électricité produite par des centrales à charbon fait hésiter la France à enclencher la diminution de son parc nucléaire, détaille Christophe Arend, député La République en marche et membre de la Commission du développement durable à l’Assemblée nationale. Des deux côtés du Rhin, les deux pays ont leur opinion tranchée. Si nous ne les confrontons pas, nous pourrons rester des années dos à dos sans jamais avancer. »
D’où cette tribune publiée dans Libération, le 24 novembre, par 53 parlementaires français et allemand, dont Christophe Arend. Elle invite à un « new deal » énergétique franco-allemand. « C’est-à-dire à combiner notre Programmation pluriannuelle de l’énergie [document qui aborde la baisse de la part du nucléaire français] et les plans de sortie du charbon en Allemagne pour enfin aligner nos trajectoires énergétiques », détaille Christophe Arend.
Le député de la Moselle faisait justement partie du groupe de travail chargé depuis mars de constituer une Assemblée parlementaire franco-allemande qui verra le jour le 22 janvier prochain. « Elle sera composée de 50 députés français et 50 autres allemands et se réunira trois fois par an sur les sujets franco-allemands, glisse-t-il. Forcément, dans la liste, il y aura ce new deal énergétique. »