Vaucluse: «Nous sommes l’un des départements les plus bio de France», se défendent les producteurs après le «Glyph’Awards»
REPORTAGE•Selon Générations Futures, le Vaucluse est le département où le plus de pesticides sont vendus, alors qu'il fait une part belle à l'agriculture biologique...Adrien Max
L'essentiel
- Selon un classement établi par Générations Futures, le Vaucluse est le département où le plus de pesticides sont vendus par hectare.
- André Bernard, président de la chambre d’agriculture du Vaucluse explique qu’une coopérative du Vaucluse a été prise en compte alors que le Vaucluse ne représente que 37 % de ses ventes.
- Reportage chez un arboriculteur et un viticulteur bio dans le Vaucluse.
La vingtaine de cueilleurs en a bientôt fini, il ne reste plus que quelques pommes sur les arbres de l’entreprise Berger, à Althen-des-Paluds, dans le Vaucluse. Pas n’importe quelles pommes puisque toutes celles produites ici sont biologiques. « Nous faisons du bio depuis 2001, et toute l' exploitation y est passée depuis dix ans », explique Daniel Carles, qui a lui-même planté les premiers pommiers aux pieds du Mont Ventoux, en 1966.
Aujourd’hui à la retraite, Daniel Carles faisait figure de pionnier lorsqu’il s’est lancé en bio. « Nous étions à peine cinq ou six. Nous avons toujours produit de manière raisonnée, nous n’étions donc pas très loin du bio, mais il fallait faire le pas », se remémore celui qui a laissé l’entreprise à son neveu, Nicolas Berger, depuis.
Dix hectares de perte
Il a néanmoins fallu faire face à certaines difficultés, et pas des moindres. « On a essuyé les plâtres au début. Il n’était pas question de faire des pommes moches comme celles des vergers bios qu’on visitait, il fallait coller à la demande. Deux ans ont été nécessaires pour trouver de nouvelles variétés », relate Daniel, qui a été épaulé par un technicien de la chambre d’agriculture. Ce qui ne l’a pas empêché de perdre 10 hectares de récolte à cause des pucerons, la première année.
Mais au fil des temps, il a su s’adapter, déployer de nouvelles techniques, et de nouveaux savoirs. « Après avoir réglé le problème de la tavelure [un champignon], puis celui des pucerons en se rendant en Italie, le principal danger restait le ver des pommes. Toujours avec la chambre d’agriculture, nous avons mis au point un filet de protection, comme une moustiquaire, que nous déployons sur les arbres pour éviter que le papillon ne ponde dans les fruits », détaille l’arboriculteur.
« Un des départements les plus bio de France »
Si les débuts n’ont pas été évidents, Daniel Carles ne regrette en aucun cas son choix. « C’est mieux pour tout le monde, et nous les premiers. On a montré l’exemple en quelque sorte, les autres ont vu que ça se passait mieux, alors ils s’y sont mis. Ça crée des émules. Aujourd’hui nous sommes un des départements les plus bio de France », affirme-t-il.
Il n’a donc pas compris le récent classement de Génération Futures, qui positionne le Vaucluse en tête des départements en termes de « vente de pesticides », et notamment de glyphosate.
André Bernard, président de la chambre d’agriculture du Vaucluse, réfute ce classement. « Ils ont pris en compte les ventes. Or une coopérative du Vaucluse vend ces pesticides dans de nombreux départements voisins En réalité le Vaucluse ne représente que 37 % du volume de cette coopérative. Nous ne disposons que de 110.000 hectares de surface agricole, le surplus des autres départements est donc divisé sur notre toute petite surface », décrypte André Bernard. Résultat : le Vaucluse atteint plus de 21 kg de pesticides par hectare, quand la moyenne nationale est de 2,6 kg par hectares.
Quatre, cinq, six passages, parfois la nuit
Ce classement étonne également Valentine Tardieu-Vitali, directrice et œnologue, et Maxime Luccisano, chef de culture sur le domaine de la Verrerie, à Puget. Installée depuis 1985 dans le sud du Luberon, cette exploitation de 54 hectares de vignes est devenue bio en 2010. « Nous y étions depuis 1999, mais nous n’avions pas la certification. La certification peut en refroidir certains à cause du côté administratif, et parfois du coût », estime Valentine.
Le mode de production s’en ressent forcément. « Pour le désherbage, qui peut concurrencer la vigne en eau, notamment, nous devons faire quatre, cinq, six passages. Parfois la nuit. En traditionnel, ils n’en font que deux. Cela vous donne un ordre d’idée », témoigne Maxime.
« Quand tu respectes la nature, elle te le rend mieux »
Mais il tire énormément d’avantages du respect de la nature. « La vie du sous-sol, que nous préservons, nous le rend très bien, c’est ce qui exprime ton terroir, tu obtiens de meilleurs arômes. Lorsqu’ils traitent en traditionnel, ils doivent enfiler des combinaisons. Lorsqu’on applique des lotions à base de plantes, on a plaisir à les sentir ! », se réjouit-il.
Le bio impacte également le processus de vinification, comme l’explique Valentine. « Le cahier des charges bio impose une réglementation sur les sulfites, qui permettent la conservation. Nous raisonnons donc différemment, nous prenons plus de risque, nous analysons davantage, afin de mettre juste ce qu’il faut. C’est plus de travail, plus de rigueur, mais quand tu respectes la nature, elle te le rend mieux en général », considère Valentine.
Elle souhaite surtout rappeler que le consommateur a une grande incidence sur le mode de production. « Dans notre société de grande consommation, on a oublié certains principes en mécanisant la production, pour sécuriser l’alimentation. Il ne faut pas incriminer les agriculteurs, qui sont à la base du processus et doivent sans cesse s’adapter. Il faut réfléchir à nos modes de consommation, et les gens le font de plus en plus », avance-t-elle. Sur les 64 caves particulières de l’AOC Luberon, 30 sont en bio, ou en passe de le devenir.