COP24: Vers la fin prochaine du charbon en Europe (même en Allemagne et en Pologne)?
COP24•A l’occasion de l’édition spéciale COP24 d'« Avenue de l’Europe, le mag » diffusée ce mercredi sur France 3, « 20 Minutes », partenaire de l’émission, met en lumière l’un des enjeux de cette conférence sur les changements climatiques : la sortie du charbon…Fabrice Pouliquen
L'essentiel
- De nombreux pays continuent de tirer leur énergie du charbon, combustible qui a ses avantages économiques mais aussi un très mauvais bilan carbone.
- C’est le cas de la Pologne et de l’Allemagne, deux pays parmi les mauvais élèves européens en termes d’émissions de gaz à effet de serre et qui continuent d’investir dans le charbon.
- La 24e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui se tient à Katowice en Pologne, du 3 au 14 décembre, sera une nouvelle occasion de mettre un coup de projecteur sur le sujet sensible en Europe de la sortie du charbon.
L’annonce n’était pas passée inaperçue l’an dernier à Bonn (Allemagne). En pleine COP23, 28 pays dont la France, plus neuf gouvernements et une trentaine de grandes entreprises signaient la Powering past coal alliance (PPCA), une coalition déterminée à sortir rapidement du charbon. La première source d’énergie dans le monde (environ 40 % du mix énergétique mondial) est aussi la plus dommageable pour la qualité de l’air et le climat. Le secteur du charbon représente à lui seul 44 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales.
aUn an s’est écoulé et se profile désormais une nouvelle conférence des parties sur le changement climatique. La question de la sortie du charbon reviendra inévitablement sur le tapis, d’autant plus que cette COP24 se tient à Katowice (Pologne), au cœur du plus grand bassin houiller d’Europe que Varsovie fait tourner à plein régime. Un sujet sur lequel se penche 20 Minutes, partenaire de l’édition spéciale COP24 d'« Avenue de l’Europe, le mag » diffusée ce mercredi sur France 3.
Une dépendance au charbon incompatible avec l’Accord de Paris
La Pologne tire 80 % de son électricité du charbon, combustible peu cher à exploiter et qu’elle a en abondance. Mais il y a les revers de la médaille. Deux tiers des villes les plus polluées de l’Union européenne se trouvent dans le pays selon l’Agence européenne de l’environnement. Et la Pologne émet aussi à elle seule 10 % des émissions de dioxyde de carbone 2017 de l’UE liées à l’énergie*. C’est tout autant que la France, pays pourtant presque deux fois plus peuplé. La Pologne est seulement distancée par l’Allemagne, septième pays au monde le plus émetteur de C02 et qui émet 23 % des émissions européennes de CO2 liées à l’énergie. Et tiens donc, le charbon y joue là aussi un rôle prépondérant en étant la source de 40 % de l’électricité consommée outre-rhin.
Pour Lorette Philippot, chargée de campagne « finance privée » aux Amis de la Terre, il n’y a guère de secret : « Parvenir à la neutralité carbone en 2050**, un objectif fort de l’Accord de Paris, nécessitera inévitablement de sortir du charbon ». C’est toute la limite à ce jour de l’alliance scellée à Bonn l’an dernier. « L’élan est intéressant mais seuls des petits pays charbonniers constituent aujourd’hui cette alliance, indique Oliver Sartor, chercheur à l ’Iddri (Institut pour le développement durable et les relations internationales) et coordinateur d’une étude prospective, parue en septembre, sur la sortie du charbon dans six gros pays consommateurs (Allemagne, Pologne, Chine, Inde, Afrique du Sud et Australie).
Arrêter au moins les nouvelles extensions ?
C’est bien simple, la consommation des signataires de la PPCA ne représente que 3 % de la demande mondiale de charbon. Les gros consommateurs sont restés à la porte de l’alliance et la COP24 à Katowice ne devrait rien y changer. Difficile en même temps de demander à un pays en plein développement et encore très dépendant à la houille, de se projeter à court ou moyen terme vers une sortie définitive du charbon. « Pour l’Inde, par exemple, le processus sera forcément long », illustre Oliver Sartor. « Mais le contexte est tout autre dans l’Union européenne, estime Lorette Philippot. Nous avons d’ores et déjà des outils, un cadre réglementaire, une bonne expertise sur les énergies renouvelables, des aides financières à la transition… Tout cela permet d’envisager d’ores et déjà une sortie progressive du charbon. »
Ce n’est pas toujours la direction que prennent les gros pays charbonniers européens. « La Pologne et l’Allemagne donc, mais aussi les pays des Balkans, d’Europe de l’Est ou la Turquie, liste Lorette Philippot. A Katowice, la question ne sera pas tant de savoir si ces Etats vont faire un pas vers la sortie du charbon, mais s’ils vont au moins stopper leurs projets de nouvelles mines et centrales à charbon. » Fin septembre, le gouvernement polonais a ainsi donné son accord à la construction d’une centrale géante d’une capacité de 1.000 mégawatts à Ostrolenka, à une centaine de kilomètres au nord de Varsovie. Et en Allemagne, l’électricien RWE cherche à étendre le périmètre de deux mines à ciel ouvert de lignite [un charbon très polluant]. Celle de Garzweiler et celle de Hambach, toutes deux en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans l’ouest du pays.
De moins en moins abondant et compétitif ?
De nombreux emplois en jeu [20.000 en Allemagne, 100.000 en Pologne], des entreprises du secteur qui freinent des deux pieds, la crainte de perdre son indépendance énergétique pour Varsovie, le souci d’abord de sortir du nucléaire pour Berlin… Tous ces motifs font d la sortie du charbon un dossier compliqué dans ces deux pays.
Malgré tout le vent tourne peu à peu pour le charbon. Cette ressource est déjà de moins en moins abondante et de moins en moins compétitive par rapport aux solaires et à l’éolien. Surtout, que ce soit en Pologne ou en Allemagne, les mines de charbon sont bien souvent vieillissantes posant inévitablement la question de l’après ? Autrement dit : construit-on de nouvelles mines ou profite-t-on pour amorcer la transition énergétique ?
Une pression citoyenne
En Allemagne, les militants écologistes s’invitent massivement dans ce débat. La bataille se cristallise en particulier à Hambarch, « notre Notre-Dame-des-Landes », raconte Nicolas, du collectif Ende Gelände [Pas plus loin] qui, depuis 2015, mène des campagnes de désobéissances civiles contre l’industrie du charbon. « Le 5 octobre, la justice a suspendu le déboisement des derniers hectares de la forêt de Hambach, menacés par le projet d’extension de la mine de RWE », poursuit-il.
Les anti-charbon ne relâchent pas la pression pour autant. « De grandes manifestations sont prévues à Cologne et Berlin le 1er décembre », annonce Nicolas. L’idée n’est pas tant de mettre la pression sur le gouvernement allemand à quelques jours du début de la COP24. « Le véritable enjeu pour nous est celui du 11 décembre, jour auquel la Commission de réflexion sur l’avenir du charbon allemand, mise sur pied en juin dernier par le gouvernement, doit remettre son rapport », explique Nicolas.
Des informations ont déjà fuité dans la presse, celle notamment que la commission pourrait proposer 2038 comme date butoir pour arrêter les centrales au charbon du pays. « Ce serait une très positif », estime Oliver Sator. « 2038, c’est bien trop tard », juge pour sa part Nicolas.
*Ces émissions de C02 liées à la combustion d’énergie fossile représentent 80 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’Union européenne.
** Ne pas émettre plus de CO2 dans l’atmosphère qu’un pays capable d’en stocker