Pesticides: Manger de la mâche est-il dangereux? Cinq questions après l'interdiction du métam-sodium
PESTICIDES•L’utilisation de ce produit, utilisé notamment par les producteurs de mâche pour préparer les sols, est suspendue jusqu’à fin janvier...Julie Urbach
L'essentiel
- Le métam-sodium agit à la fois comme herbicide, fongicide, et pesticide.
- Après plusieurs cas d'intoxication, il est dans le viseur des autorités qui ont demandé sa suspension le temps de mener des travaux sur ce produit.
Le métam-sodium, un pesticide utilisé par de nombreux maraîchers notamment de l’ouest de France, est suspendu jusqu’à fin janvier sur le territoire national. C’est la décision prise par le gouvernement, ce vendredi, après des dizaines d’intoxications liées à ce produit, et une suspension déjà décidée dans le Maine-et-Loire. 20 Minutes fait le point sur cette substance controversée, dont l’utilisation était déjà très réglementée.
C’est quoi, le métam-sodium ?
Le métam-sodium est un produit phytosanitaire liquide, qui, au contact du sol se décompose en gaz et permet aux producteurs agricoles de désinfecter leurs sols. Dégageant notamment du soufre et du CO2, il agit à la fois comme herbicide, fongicide, et pesticide, en asphyxiant mauvaises herbes, insectes, bref, toute forme de vie, rendant les sols complètement nus.
Le produit s’utilise pour les semis, notamment pour la mâche, mais aussi pour les carottes, poireaux, ou autres fraises. Le département de Loire-Atlantique, plus gros bassin de production de ces légumes de plein champ avec 200 exploitants, est aussi… le plus gros consommateur de métam-sodium.
Manger de la mâche est-il dangereux ?
Non, répond la fédération des maraîchers de Loire-Atlantique. En fait, le métam sodium est injecté directement dans les sols, avant de semer, sur une couche superficielle d’environ 10 cm. Il n’est pas pulvérisé mais appliqué à l’aide d’une machine qui lisse le sol, censée maîtriser toute émanation. « Ce n’est pas un produit anodin et il doit être utilisé de façon très stricte, reconnaît cependant Philippe Retière, le président des maraîchers de Loire-Atlantique. Mais il a le mérite de ne laisser aucun résidus. Il n’y a aucun danger à consommer ensuite les produits, au contraire. »
Quels sont les risques pour la santé, alors ?
« Le métam-sodium fait partie des substances actives les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement », écrivent ce matin les ministres, qui ont chargé l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de s’intéresser de plus près à ce produit, suspecté comme cancérogène et interdit dans certains pays.
Les risques connus existeraient surtout pour les ouvriers agricoles et pour les riverains. Ces derniers peuvent, dans certains cas, respirer dégagements gazeux et odeurs très fortes, et développer gênes respiratoires, irritations oculaires ou maux de tête. Plus de 70 cas d'intoxication ont été récemment signalés dans le Maine-et-Loire récemment, en raison notamment des sols trop secs, qui n’ont pu absorber le produit, avance-t-on. Dans ce département, l’application du pesticide est interdite à moins de 20 mètres des habitations.
Que va-t-il se passer après cette suspension ?
Le produit doit donc désormais faire l’objet de travaux de l’Anses, qui rendra son avis sur différents aspects : les risques pour la santé, donc, mais aussi la réglementation. Car l’utilisation de ce produit n’est pas encadrée de la même façon, dans les 15 pays européens qui l’utilisent mais aussi entre les départements. Des formations spécifiques, obligatoires en Loire-Atlantique depuis 20 ans, ont par exemple été mises en place seulement l’an dernier dans le Maine-et-Loire.
Mais plusieurs voix demandent désormais l’interdiction totale du pesticide. C’est le cas par exemple du groupe écologiste des Pays de la Loire qui dénonce un « cocktail explosif » ou de l’association France nature environnement, qui a déposé une plainte contre X à la suite des intoxications. En Europe, l’autorisation du métam-sodium expire en 2022.
Quelles conséquences pour les producteurs ?
Inquiets, les maraîchers de Loire-Atlantique alertent sur un impact possible sur leur production, certains champs n’ayant pu être préparés à temps. Il existe pourtant d’autres techniques mais elles sont jugées beaucoup plus coûteuses et chronophages (comme la désinfection à la vapeur, utilisée dans les exploitations bio). « Il faut maintenant accompagner les acteurs dans le déploiement rapide des alternatives existantes », réagissent les députés LREM des Pays de la Loire.
a